Les Six Lumières - Livre I

CHAPITRE 32 - Un secret pour une vie

Eidana lança un dernier regard à Mélhora et lui fit un imperceptible signe de la tête. La jeune fée lui réponditd'une expression déterminée, ses yeux verts étincelant. La Terrestre se décala alors de manière à rester cachée par la porte le plus longtemps possible, et l'ouvrit d'un coup sec. Elle se jeta dans la pièce, faisant émerger du même coup une excroissance du sol pour les protéger d'éventuels jets de couteaux. Aucun impact ne vint secouer le mur de terre.

Eidana abandonna en un quart de seconde la protection du mur, et fit pousser deux lianes devant elle, prête à les lancer sur les lutins à neutraliser. Puis elle s'arrêta d'un coup, les sourcils froncés. Mélhora la rejoignit sans un mot, la même expression perplexe affichée sur le visage.

Personne.

Pourtant, impossible qu'elles se soient trompées de salle. La clé fonctionnait, et le dessin était suffisamment explicite pour désigner une « salle des comptes ». Étoile leur aurait-il menti ? À moins qu'il se soit trompé, que les responsables du clan ne soient pas du tout allés dans cette salle... Ou à moins qu'elles soient arrivées trop tard.

— Peut-être qu'il y a une autre salle, tenta Mélhora. Une pièce plus secrète, où ils se seraient réfugiés...

Elle avait sorti ces mots sans vraiment réfléchir, le ton peu convaincu. Elle se raccrochait à ce qu'elle pouvait pour ne pas tout de suite admettre leur échec. Mais contre toute attente, son idée fit s'illuminer les yeux d'Eidana, qui se tourna vers elle avec un sourire rusé.

— Tu sais que tu es une fée très intelligente, commenta-t-elle. Nous sommes dans le repère d'un gang, qui plus est un gang d'espions et de voleurs qui fait du trafic de secrets, expliqua-t-elle face à l'air perplexe de Mélhora. Je ne serais pas étonnée qu'ils aient ménagé des passages secrets dans les pièces les plus stratégiques... Nous arrivons peut-être trop tard pour les saisir aussi, mais il est possible que nous ayons une chance de les rattraper plus loin.

— Il est aussi possible qu'on ne trouve rien du tout, rétorqua Mélhora.

— En effet. Mais pas avant d'avoir exploré cette pièce dans ses moindres recoins. Il est hors de question qu'on reparte d'ici avant d'avoir tout essayé, asséna Eidana en longeant les murs.

Son ton sans appel mit un coup de fouet à Mélhora, qui se redressa légèrement, rattacha correctement ses cheveux et s'avança au milieu de la pièce pour analyser les lieux. La pièce, rectangulaire, était très sobrement meublée : seule une longue table s'étalait au centre, entourée de chaises en bois. Deux armoires aux tiroirs fermés à clé trônaient dans deux coins. Mélhora posa sa main sur la table. Sa surface était parfaitement lisse, sans la moindre aspérité. Aucun signe d'un quelconque défaut qui cacherait un mécanisme. Elle s'accroupit et examina les dalles qui composaient le sol. Peut-être que l'une d'entre elles ménageait une trappe ?

De son côté, Eidana laissait courir sa main sur le mur, tous ses sens ouverts, y compris ses perceptions de Terrestre. Il lui semblait qu'elle entendait le mur,qu'elle voyait presque à travers. Là où elle passait, elle se heurtait à la densité de la pierre. Mais à mesure qu'elle s'approchait du mur suivant, en face de la porte, des fourmillements de plus en plus intenses semblaient parcourir son sang. Son cœur tambourinait d'excitation. Elle avait même l'impression que la pierre du mur frémissait sous ses mains.

Lorsqu'elle commença à longer le fameux mur, elle était sûre de découvrir quelque chose. Sa main, comme attirée par la terre, épousait la pierre sans qu'elle ait besoin d'y penser. C'était comme si elle se faisait guider. Elle étira davantage ses sens et redoubla de concentration. Mais elle se heurtait toujours au mur.

Puis ses sens tombèrent sur du vide. Surprise, Eidana recula d'un pas. Son pouvoir chantait dans ses veines, ses mains la démangeaient. Elle se concentra de nouveau sur ses sens en s'approchant du mur. Lorsqu'elle rencontra de nouveau ce vide, ce creux derrière le mur, elle retint un sourire de triomphe. Il y avait un espace vide derrière.