CHAPITRE 18 - Renaissance

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Le lendemain, comme prévu, les neuf fés rendirent les clés de leurs chambre au lever du soleil, alors que le ciel se teintait encore des lueurs chaudes de l'aube. Une couche de nuages blancs s'étalait au sud, mais la voûte rose-orangée qui surplombait leur tête était aussi immaculée qu'un ciel d'été. Aucun son ne perçait l'atmosphère gelée, aucune lumière ne venait éclairer les habitations : le village était plongé dans un silence éteint.

Un vent glacé soufflait doucement, soulevait les boucles brunes de Mélhora, rosissait les joues d'Altyen. Les pans de leurs manteaux, surmontés de fourrures chaudes, mais légères, battaient leurs jambes au rythme de leurs pas. Et si leurs sacs à dos pesaient lourd sur leur épaules, ils avaient au moins le mérite de leur apporter une source de chaleur supplémentaire.

Quelques minutes plus tard, ils sortaient de l'autre côté du village, à l'opposé de là où ils étaient entrés. Les dernières maisons disparaissaient derrière eux ; un chemin serpentait sur la neige immaculée jusqu'au pied des montagnes. Elles se dressaient devant eux comme un mur infranchissable, terribles et immuables, leurs sommets à peine visibles transperçant le ciel.

— Je parie tout ce que vous voulez que le mont Eldurhim est le plus haut des trois, lança Fidros en soupirant.

— Malheureusement, oui, confirma Consilior.

Lumenys déporta son regard sur le mont le plus à gauche. Difficile de distinguer grand chose à cette distance, à part les à-pics rocheux et les traînées de neige qui serpentaient tout autour. Son cœur s'alourdit lorsqu'elle prit conscience de la hauteur qu'ils auraient à gravir. Les prochaines heures promettaient d'être longues... Un soupir lourd retentit à sa droite, confirmant ses pensées déprimantes. Elle tourna la tête et découvrit sans surprise le visage de Mélhora, les mains accrochées aux bretelles de son sac à dos, comme pour se raccrocher à une chose qui lui insufflerait la détermination nécessaire pour avancer. La jeune Spirituelle braqua ses yeux verts dans ceux de Lumenys, un sourire désabusé aux lèvres.

— Ce sera toujours moins pire qu'affronter une horde de somniars... Une petite marche pour gravir des milliers de mètres dans un froid polaire, c'est la routine maintenant !

— Du moment qu'on arrive à trouver quelque chose au bout, soupira Lumenys.

— Eh oh, ça suffit les deux pessimistes, intervint Héliane de derrière. La marche et le froid, c'est excellent pour la circulation sanguine !

— Oui enfin à ce rythme,c'est congelé que mon sang va finir, marmonna Mélhora en grimaçant, ce qui eut le mérite d'arracher un sourire amusé à Lumenys.

Quelques instants plus tard, l'équipe s'engagea sur la montagne, Consilior en tête, et commença sa pénible ascension. À basse altitude, le chemin était plutôt large et plat, si bien que Lumenys avait à peine l'impression de monter dans les hauteurs. Elle marchait aux côtés de Mélhora d'un pas tranquille, discutait avec elle de tout et de rien, racontait des bêtises, se moquait avec elle de Fidros qui n'arrêtait pas de se chamailler avec Héliane devant eux, les pauvres Altyen et Coralya résignés à se lancer des regards désespérés. Tous plaisantaient comme s'il ne faisaient qu'une simple promenade en montagne. Même leurs joues souffraient moins du vent, qui se fracassait sur les parois grises protégeant le chemin des bourrasques glacées.

Mais Consilior ne tarda pas à bifurquer sur la droite, carte en main, pour prendre un embranchement quasi-invisible au lieu de continuer sur la route. Tous s'engagèrent entre deux hautes parois rocheuses, à peine suffisamment écartées pour les laisser passer. Leurs manteaux et leurs sacs à dos crissaient le long de la pierre grise, tandis qu'ils montaient sur un chemin de plus en plus abrupt, avec pour seule repère le sac à dos de leur voisin de devant.

Les Six Lumières - Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant