CHAPITRE 35 - Un miracle fracassant

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Dès que Coralya et Fidros eurent acquiescé aux instructions d'Étoile, celui-ci s'empressa de repartir à vive allure dans le couloir, laissant pour seule trace de leur passage quatre cadavres et trois inconscients. Coralya se concentra sur sa marche et la silhouette d'Étoile pour empêcher son imagination de s'emballer. Si elle laissait ses pensées divaguer, elles se dirigeaient automatiquement vers les autres, ce qui provoquait une accélération presque immédiate de son rythme cardiaque. Ils avaient beau marcher aussi vite qu'ils le pouvaient, elle avait l'impression que ce ne serait jamais suffisant. Elle réprima une vague de colère lorsqu'une petite voix lui souffla que c'était à cause d'elle qu'ils étaient obligés de ralentir l'allure.

Étoile fonçait droit devant lui sans aucune hésitation. Il semblait connaître par cœur les moindres recoins du repère, ce que la jeune fée peinait à concevoir. Elle avait eu beau tenter de prêter attention à leurs différents itinéraires, les murs, les portes et les carrefours se ressemblaient tous.

Ils croisaient parfois des petits groupes de lutins, mais cette fois-ci, aucun ne tenta de les arrêter. Aucun ne semblait même faire attention à eux : ils étaient la plupart du temps trop occupés à se battre les uns contre les autres, à tenter de se tuer ou à éviter la pointe d'une dague. Coralya n'avait aucune idée du temps écoulé depuis le début de l'attaque, mais les lutins semblaient commencer à fatiguer, quel que soit leur camp.

Elle s'efforçait de ne pas s'attarder sur les corps abandonnés dans les couloirs, les traînées de sang qui éclaboussaient le sol, et l'odeur de fer qui ne cessait de flotter jusqu'à ses narines. Elle ne regardait qu'Étoile. Elle s'accrochait à ses pas décidés, son attitude concentrée et ses gestes efficaces. Ces lutins sont tes ennemis.

Mais méritaient-ils de mourir pour autant ?

Ces réflexions moroses furent chassées de son esprit lorsque Étoile ralentit brusquement l'allure au détour d'un couloir. Il s'avança lentement au milieu d'une petite galerie, la plus étroite de toutes celles qu'ils avaient emprunté jusqu'ici.

— Si mes souvenirs sont bons, l'entrée devrait se trouver par ici, souffla-t-il d'une voix à peine audible.

Difficile de savoir s'il s'adressait aux fés ou à lui-même. Il marcha contre le mur de gauche, effleurant du bout des doigts sa surface rugueuse. Fidros et Coralya lui suivaient sans un mot, échangeant de temps à autre des regards incertains. Il n'y avait presque aucune porte dans ce couloir, et aucune ne se trouvait sur le mur de gauche. Les deux fés tentaient de remarquer la moindre anomalie sur la pierre, mais leurs yeux ne voyaient rien.

Lorsque le bout du couloir apparut non loin d'eux, Fidros commença à se demander si Étoile ne s'était pas trompé de chemin. Mais en même temps, difficile d'imaginer le lutin se tromper quelque part : jusqu'ici, il les avait guidés au milieu de ce labyrinthe avec une précision redoutable. Le jeune fé trépignait : marcher aussi lentement ne l'aider pas à canaliser l'adrénaline qui pulsait dans ses veines.

Ils finirent pourtant par arriver au bout de la galerie. Étoile poussa un juron que ni Coralya ni Fidros ne comprirent. Il ferma brièvement les yeux en se frottant le front.

— Pourtant c'est forcément ici... Ça ne peut être  qu'ici...

Il repartit dans l'autre sens, revenant sur ses pas. Fidros lança à Coralya un regard dubitatif, sourcils haussés. Elle lui répondit en haussant les épaules, puis emboîta le pas du lutin. Celui-ci faisait exactement la même chose qu'à l'aller : il longeait le mur en jetant un bref regard aux portes d'en face lorsqu'il passait devant. Les doigts de son bras droit effleuraient le mur, qu'il scrutait avec un regain d'attention.

— Heureusement que Héliane n'est pas là, elle serait en train de trépigner dans tous les sens depuis au moins dix minutes, chuchota Fidros à l'oreille de Coralya.

Les Six Lumières - Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant