La flemme de courir - OC

27 - L'autorité même

La scène lui paraissait irréelle. Si on avait dit un jour à Katrina qu'elle se retrouverait au milieu de propriétaires de caniches, essayant désespéramment de faire obéir leur petite créature, elle ne l'aurait pas cru.

Livaï non plus d'ailleurs, mais il arborait une tête si terrifiante qu'un périmètre de sécurité s'était formé autour de lui et de Titan, que personne ne voulait proche de son chien, de toute façon. À peine arrivé devant le portail du cours, l'animal avait déjà tenté de décapiter un bichon, et s'était mis à baver devant le petit shiba inu d'une des élèves, qui avait pris son chien dans les bras, horrifiée.

Le cours fut rapidement envahi de petits chiens hargneux, plus ou moins poilus, plus ou moins sympathiques... Leurs propriétaires, allant de la gentille vieille dame à la jeune bimbo branchée, semblait illustrer que les "vrais" chiens n'intéressaient plus grand monde.

Lorsque Katrina perçut une malinoise au bout de la rue, elle fit signe au brun pour lui signaler qu'un canidé digne de ce nom allait tout de même se pointer avant qu'ils ne commencent le cours. Mais leur enthousiasme fut de courte durée. L'animal arracha la laisse des mains de son propriétaires et fonça en aboyant sur Titan. Nul ne parlait le chien, mais il apparaissait très clair qu'elle ne venait pas en paix.

- Lâche-le, ça sera de la légitime défense ! S'exclama Katrina qui n'avait pas envie de se retrouver au milieu d'une bataille entre un Titan en transe et un malinois mal luné.

Il trouva l'idée plutôt pertinente et délivra le husky. Tout le monde se figea en pensant assister au massacre du siècle, mais les deux chiens s'arrêtèrent à quelques centimètres l'un de l'autre afin de se sentir, tels deux canidés hautement civilisés. La tension s'envola d'un seul coup et les aboiements menaçants furent remplacés par des jappements amoureux et un remuage de queue excessif.

Si le propriétaire de la malinoise fut hautement soulagée que sa chienne n'aie tué personne, Livaï récupéra Titan d'un air dégoûté, lui intimant qu'il lui faisait honte. Katrina, quant à elle, se retenait de rire. Lorsque le husky se mit à chanter de désespoir en étant éloigné de la chienne, elle éclata de rire.

La scène détendit quelque peu l'atmosphère et le propriétaire de la malinoise engagea même la conversation, leur demandant pourquoi ils étaient ici. Livaï le fixa d'un sceptique. À son avis ?

Mais Katrina expliqua qu'ils avaient eu quelques soucis avec d'autres chiens et qu'ils venaient rectifier le tir. L'étranger prit à son tour la parole.

- Mitras a attaqué un autre chien et la propriétaire à accepter de ne pas porter plainte si je venais ici...
- T'as appelé ton chien Mitras ? Critiqua Livaï sans aucun filtre.
- À la limite, elle, je comprendrais mais ta chienne je vois pas le lien... Renchérit la brune.

Elle avait pointé du doigt le lévrier afghan d'une des propriétaires. La chienne avait des pattes immenses et ses poils scandaleusement soyeux se mariaient parfaitement bien avec son air condescendant. Sa propriétaire n'était d'ailleurs guère mieux, mais tout de même moins excessive que sa chienne.

- J'avais espoir qu'il vous soit arrivé la même chose... Pour être honnête elle m'a déroulé son discours comme si c'était préparé, et comme son fils est l'éducateur canin de ce centre... Un des passants m'a dit qu'elle avait fait le même coup à un husky il y a dix jours...

Ni Livaï, ni Katrina ne réagirent, mais il insista.

- Vous êtes ici de votre plein gré ?
- On s'est tous les deux fait avoir. On peut arrêter d'en parler ou tu veux monter un club ? Grommela Livaï.

L'éducateur canin fit alors son apparition et ouvrit le portail afin d'accueillir les propriétaires et leurs chiens. Le cours fut un véritable supplice. Lorsque l'éducateur ne leur parlait pas comme s'ils étaient tous des enfants de trois ans, il les engueulait si durement que Katrina s'étonna que personne ne réagisse. Livaï était si ennuyé d'être là qu'il s'était mis en pilotage automatique et regardait dans le vide. Titan n'écoutait absolument rien, c'était un désastre.