29 - Que la meilleure gagne

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Erwin s'écroula sur son lit, exténué de la soirée. Il se remémora les points forts de la réception avant de se féliciter mentalement d'avoir excellé dans ses interactions avec les donateurs. Cela avait beau le dégoûter, Erwin savait combien il était important de réussir à charmer les grandes figures politiques de la ville. Et pour cela, il était scandaleusement doué.

Le militaire se passa maladroitement la main dans les cheveux, encore humides de la douche. Il soupira. Nathalia s'était enfuie avant la fin de la soirée, non sans avoir au préalable expliqué qu'elle était arrivée au bout de ce qu'elle pouvait supporter. En soit, cela n'avait rien d'étonnant, mais le Major n'avait pu s'empêcher de la comparer à Katrina.

La brune avait beau être absolument insupportable et peu recommandable dans la plupart des situations, lorsqu'elle le voulait, elle savait devenir un caméléon.

Lors de la deuxième partie de la soirée, ayant vu que Nathalia lui avait fait faux bond, elle était allée lui parler un instant. La discussion fut brève et peu importante, mais la sportive se retrouva coincée entre Erwin et le nouvel élu de la Mairie. L'homme lui avait posé quelques questions de politesse et elle avait brillé.

Katrina ne parlait jamais de sa famille, mais il était clair que cette aisance et cette fluidité dans les conversations futiles ne lui venaient pas de son travail. On sentait clairement qu'elle avait été entraînée par la famille Bott. L'homme politique était si absorbé par sa présence qu'il en avait presque oublié le militaire, à un moment donné.

Et elle s'amusait. Il pouvait voir dans ses expressions à peine dissimulées, qu'elle prenait plaisir à mener la conversation. Lorsqu'il fut rappelé à l'ordre par son épouse, qui n'avait rien raté de l'échange, et disparut la rejoindre, Katrina avait fixé Erwin droit dans les yeux pour lui dire :

- Rappelle-toi que j'ai toujours eu le choix. J'ai CHOISI de me mettre à l'écart.

Elle lui avait décoché cette réplique avec un tel aplomb qu'il fut même surpris qu'elle en dégage une si grande fierté. Katrina regagna alors son groupe initial et le laissa en plan avec sa coupe de champagne, un léger sourire aux lèvres.

Katrina Bott. L'aînée d'une famille prestigieuse, l'enfant sacrifiée, le garçon manqué, la fille déshéritée. Bien sûr, il était sincèrement heureux que Livaï ait trouvé une femme qui lui corresponde, mais une part de lui ne pouvait arrêter de se demander pourquoi Katrina l'avait fui.

Il soupira de nouveau. Il était trop tard pour s'endormir. Il avait ouvert la boîte de Pandore et toutes ses pensées se bousculaient dans son esprit jusqu'à lui faire renoncer à fermer les yeux. Il se leva pour rejoindre la cuisine et boire un grand verre d'eau.

Étonnamment , Livaï n'était pas non plus dans sa chambre. Il était pourtant deux heures du matin. Son colocataire était en vrac dans le salon, assis sur le canapé, l'ordinateur portable sur les genoux.

- Tu veux un verre d'eau ? Proposa la blond.

Il répondit par une sorte de grognement et Erwin n'insista pas. Lorsqu'il s'installa à ses côtés, il fut surpris de voir que Livaï regardait des hôtels à Hawaï. Il attendit que son ami reprenne la parole.

- Ça te dirait d'aller à Hawaï dans deux mois ? Genre, dix jours ?
- Y'a quoi à Hawaï dans deux mois ? S'étonna Erwin, dont le cerveau ne fonctionnait plus très bien.
- Katrina qui court.

Ah. En temps normal il aurait aisément pu le deviner...

Ils regardèrent les hôtels ensemble, et Erwin commença à se dire que faire un break dans un lieu aussi paradisiaque ne pouvait pas être une mauvaise idée... Et il avait grandement besoin de souffler. L'année avait été intense et il lui était difficile de décompresser seulement en un week-end. Il prenait bien trop à cœur son métier. Il lui fallait au moins quatre jours ne serait-ce que pour se détendre, et il ne le pouvait pas en restant à Shinganshina.

La flemme de courir - OCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant