Chapitre 10

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Tag n'avait presque pas dormi cette nuit-là, revivre ce cauchemar où il ne la revoyait plus le terrifiait trop pour qu'il tente à nouveau de sombrer. En désespoir de cause, il s'était repassé des milliers de fois les évènements de cette soirée d'anniversaire qui avait tourné au désastre à cause de sa stupidité ; de son égo démesuré. Il avait imaginé tous les scénarios possibles. Ceux où elle lui offrait timidement le bracelet qu'elle lui avait fait, ceux où elle finissait par se détendre et s'intégrer à son groupe d'amis. Dans ceux-là, il la voyait rire, ses grands yeux verts pétillants et ses petites fossettes se creusant subtilement. Ou encore ces phantasmes dans lesquelles il finissait par la raccompagner chez elle et parvenait, enfin, à lui avouer ses sentiments. Mais à chaque fois, ses pensées finissaient par le ramener à la triste réalité : l'absence. L'ignorance. Cette fille, c'était sa chance d'être entièrement lui : Sébastien Tagano. Un jeune homme de tout juste 18 ans, sportif certes, mais aussi pianiste de jazz, passionné de jeux vidéo, amoureux de son pays natal : l'Argentine. Un fan de rock, aussi, et peut-être futur kinésithérapeute. Pas seulement « Tag », le prodige du foot de rue, ex-champion du monde avec son équipe et actuellement « meilleur buteur » de la discipline.


Il ne reniait pas cette partie de sa vie, mais il espérait tellement, qu'un jour, quelqu'un cherche plus loin. Découvre qu'il y avait bien plus en lui. Il avait le sentiment que cette partie-là de lui, la face immergée de l'iceberg, seule Kay Leen s'y intéressait et arrivait à la voir. Car elle n'aimait pas le foot, d'une part, mais aussi parce qu'elle même était une personne aux multiples facettes, passionnée, rayonnante et pleine de surprises. Mais il avait tout gâché, de peur de montrer qui il était vraiment à ses amis de lycée la veille. Il l'avait blessée et faite fuir la fête... son anniversaire.


« Nan mais, elle a pas d'amis dans le coin de ce que j'ai compris, j'ai eu pitié d'elle et je l'ai invitée mais clairement, je me vois pas, autrement, avec une fille pareille ! Rien de passionnant ! »


Tag se jeta en arrière sur son lit, frappant sa tête des deux mains, se demandant encore comment il avait pu dire une chose pareille. C'était de la méchanceté gratuite, juste pour ne pas avoir à avouer ses sentiments devant Arnaud ! C'était vrai qu'elle ne connaissait pas grand monde dans le coin, puisqu'elle vivait chez sa mère à une quinzaine de kilomètres jusqu'à peu, et n'était chez son père que depuis un mois. Mais pitié d'elle, jamais ! Au contraire. S'il n'y avait qu'une personne qu'il avait vraiment envie de voir le veille, c'était bien elle; pas la face de rapace d'Arnaud, ou Héloïse et Gabriel qui se font des papouilles, ou bien Abdelkarim, super sympa mais partagé entre sa timidité et l'envie de perdre sa virginité.

Lorsqu'il entendit le son des bols et des tasses qui s'entrechoquaient au rez-de-chaussée, il se leva mollement, et s'habilla avec son traditionnel marcel, son pantalon de jogging et son bandana rouge, avant de descendre. Il comptait faire comme si de rien n'était, mais c'était sans compter sur l'œil aiguisé de sa belle-mère, qui remarqua instantanément sa mine triste et son air pensif, lui qui était toujours si dynamique le matin.

"Oula! La soirée ne s'est pas bien passée?" Isabelle affichait un air soucieux en lui servant un verre de jus d'orange. Son père releva alors la tête de son journal, focalisant toute son attention sur son fils unique.

"Non, ça va! Juste un peu fatigué, on a fini tard!" répliqua d'un ton faussement convainquant le jeune homme.

"Fils, tu es sûr? Isabelle a raison, tu as une tête à faire peur..."

"C'est bon je vous dis" les mots sortirent avec un véhémence incontrôlée et involontaire qui l'amena à modérer ses propos la seconde suivante.

"Je suis désolé, c'est pas de votre faute, c'est de la mienne... J'ai été un peu con, enfin, un peu bête hier avec la fille de Paul... Disons que j'ai pas forcément fait ce qu'il fallait pour la mettre à l'aise avec les autres et qu'elle a fini par partir avant la fin..." C'était une demi vérité qu'il espérait suffisante pour les deux autres, car il n'avait pas spécialement envie de discuter de ça avec eux. "Mais je vais aller chez Paul pour la voir et m'excuser. D'ailleurs je vais filer".

Un océan émeraude {TAG x OC} _ f2rxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant