Chapitre 13

436 19 3
                                    

Elle était là, face à lui, rayonnante. Les rayons du soleil faisaient naître des reflets cuivrés dans sa longue chevelure qui ondulait dans la brise ambiante. Elle lui parlait. Il n'entendait pas les sons qui sortaient de sa bouche, mais ses lèvres bougeaient alors que ses yeux pétillaient d'entrain. Elle souriait, ses bras et ses mains s'agitant au rythme de sa prose. Dans le fond, peu importe ce qu'elle lui racontait, l'important était qu'elle soit avec lui, heureuse. Ils devaient avoir une conversation passionnante et décontractée, comme dans le parc, et cela lui suffisait. Elle était vraiment jolie, c'est en tout cas ce qu'il se dit avant de s'approcher d'elle. Il tentait de lui parler, de s'intégrer à cette conversation silencieuse qui lui était adressée, mais dont il n'était que spectateur impuissant. Il fit quelques pas vers elle, et à mesure qu'il s'approchait, le ciel s'assombrissait. Il devait se dépêcher et trouver un abri, ou ils allaient être trempés. Il regarda autour de lui à la recherche d'un endroit qui leur offrira sa protection contre les intempéries ; là, un arrêt de bus, ce sera parfait. Tag saisit sa main et courut en direction de l'abri, emmenant la jeune Kay Leen derrière lui. Il riait. Il sentait ce bonheur, cette chaleur pétillante monter en lui, du creux de son ventre jusqu'à sa poitrine. Alors que les premières gouttes d'eau tombaient, un rire franc s'échappait de sa gorge, il savourait ce moment à la fois si banal et unique qu'ils partageaient. Arrivé à destination, il réalisa que la petite main qu'il tenait dans la sienne tremblait. Avait-elle froid ? Il fit volte-face pour lui proposer son sweat-shirt, mais les derniers rayons de lumière s'éteignirent quand il rencontra ses yeux.

Les yeux de la jeune femme étaient remplis de larmes qui s'écoulaient en longs ruisseaux sur ses joues tremblantes. Il pouvait sans mal lire dans ses iris vertes, la tristesse, la souffrance, mais surtout, le dégoût. Tag sentit sa gorge se serrer à mesure que sa poitrine devenait douloureuse. Que se passait-il ? Qu'avait-il fait ? Avant qu'il n'ait le temps de lui poser toutes les questions qui fusaient dans son esprit, elle arracha sa main à la sienne. La colère. Les sourcils de Kay Leen se fronçaient alors qu'elle faisait un pas en arrière.

– Attends ... Kay ! Que... Je suis désolé ! Ses pieds comme soudés au sol, il tentait de la retenir, mais était incapable de bouger alors qu'elle s'éloignait toujours plus de lui.

– Arrête ! Tu vas être trempée ! Reviens... On peut en parler, mais reste ! S'il te plaît ! Une douleur froide et sourde s'insinuait dans son abdomen, il avait du mal à respirer, son cœur tambourinait.

Elle était sous une pluie battante, ses cheveux plaqués contre son visage. Son maquillage coulait dans le sillage des larmes et des gouttes d'eau qui se mêlaient sur ses joues. Tout son être se tendait alors qu'elle s'immobilisait hors de sa portée. Les poings serrés, elle retroussa ses lèvres tremblantes en un rictus menaçant. Sa respiration semblait frénétique, sa poitrine se levant et s'abaissant à un rythme effréné. Puis il entendit un grognement monter en elle ; il l'entendait enfin. Telle une salve de lames acérées, elle lui répondit, dans un calme et une neutralité déchirants :

– Regarde ce que tu m'as fait. Tu ne mérites pas mon pardon. Tu ne mérites pas ma gentillesse. Tu ne mérites que ta propre souffrance et ta propre honte.

Alors qu'elle reculait à nouveau, ce qui fut un bord de mer quelques minutes plus tôt n'était que néant et ténèbre. Il ne savait pas si la masse sombre l'aspirait loin de lui, la dévorant peu à peu, ou si elle fonçait sur eux, engloutissant tout sur son passage, mais la panique de la perdre à nouveau le tétanisa. Il tendait les bras vers elle, la suppliant de revenir vers lui, mais cette fois-ci, c'était sa voix qui s'était éteinte ; ses lèvres s'épuisant dans un ballet muet.

– Oublie-moi. Moi, je veux t'oublier. Et elle disparut dans cet épais nuage d'encre. Il était seul au milieu du rien ; plus un bruit, plus de mouvement, un tout suspendu. Il prit une inspiration profonde et bruyante alors qu'il se réveillait en nage dans la nuit noire de sa chambre. Le temps, pourtant pas si lointain, où il se réveillait avec des images enivrantes de la belle jeune femme avait laissé place aux cauchemars, aux remords et à la solitude.

Un océan émeraude {TAG x OC} _ f2rxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant