Le bout de la planche

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Personne ne semblait avoir besoin de moi dans ce monde. Mais se suicider, ça fait peur. Pourtant j'ai hésité à le faire, j'ai regardé le couteau mais il m'a fait peur. J'ai décidé la manière qui demande le moins de courage : je décidai de ne plus manger. Mort de faim à 16 ans. Impressionnant hein ? Je m'en fiche.

Cela fait trois jours que je n'ai rien mangé à part une barre énergétique pour ne pas tomber en sport. Mes amis s'inquiètent mais je leur dit que ça va, que je suis juste dégoûté de la nourriture en ce moment et que ça va passer. J'ai recroisé mon... ex. C'est dur à dire. Je n'ose plus la regarder et, même si elle voit que je vais mal, elle ne fait rien pour m'aider. Elle s'en fiche de toi, Hal. Ouais, c'est ce que je me dis. Pour couronner le tout, je viens de me rendre compte que je n'écoute plus que de la musque déprimante de fille. Ouah. Ressaisis toi mon vieux. Non, meurs, fils de chien. Après tout, qui se soucie de Hal ? J'ai l'impression de marcher sur une planche et que j'atteins bientôt le bout. Et au bout, on tombe dans le vide.

Une semaine a du passer. Je ne sais plus. J'ai l'impression que ça fait un an. Après le lycée, je descends du bus et marche vers mon quartier; des immeubles de quatre étages séparés que d'un mètre les uns des autres. Autrement dit :" Ferme tes rideaux ou ton voisin voit que tu t'astique le manche". C'est ce que disait mon oncle. Je rentre dans mon immeuble ; Immeuble B. Et monte au quatrième étage. Par les escaliers, tant qu'à faire, autant accélérer la perte de force pour mourir plus vite. Je m'arrête devant le numéro 24. J'habite là depuis que j'ai un an ; Immeuble B 4-24. Après avoir enfoncé ma clé dans la serrure, je tourne une fois et entre puis referme la porte.

-Yo, je lance à ma mère qui est devant la télé du salon.

-Ça va ?

-Oui. J'ai des devoirs, on mange quoi ?

- Va vite les faire alors. Japonais.

-Beurk. Je vais manger un truc dans ma chambre, m'attendez pas pour manger.

Elle tourne la tête mais j'évite son regard et monte dans ma chambre. Je referme la porte derrière moi. Comme d'habitude, je jette un coup d'oeil à la fenêtre de l'a chambre en face de la mienne, dans l'autre immeuble. Depuis six ans elle est inhabitée si bien que je sursaute quand je m'aperçois qu'elle est éclairée par une lumière. Je vois une ombre passer : ça doit être un gars. Tiens donc, je vais avoir un voisin ?

Il repasse plus près de la fenêtre et inspecte les rideaux : cette fois je le vois bien : ses cheveux de jais lui tombent en longues mèches devant les yeux, ses yeux sont aussi sombres. Il est plutôt mince mais je vois ses bras finement musclés sous son t-shirt. J'aperçois à son épaule gauche un bout de tatouage à l'encre noire.

Soudain, il détourne son regard des rideaux et plante ses yeux dans les miens. Je sursaute presque. Il sourit et ouvre la fenêtre, s'accoudant au rebord. Il me fait signe d'ouvrir la mienne. Je lâche un soupir discret et pose mon sac. Je me dirige vers la vitre et tourne le verrou puis la soulève pour l'ouvrir.

-Salut, me lance t-il d'une voix mielleuse. Apparemment je suis ton nouveau voisin.

Et là, avant que j'ai pu en placer une, il me tend la main, que je pourrai facilement atteindre étant donné le peu de distance qu'il y a entre les deux immeubles. J'hésite puis finit par lui serrer la main. Elle est étonnement chaude dans la mienne.

-Salut, réussis-je à lancer. Moi c'est Hal, enchanté.

Il repose sa main sur le rebord toujours en souriant puis répond :

-Tu peux m'appeler Ace.

-Tu ne veux pas me dire ton vrai nom ? demandai-je, curieux.

-C'est pas ça, répondit-il en haussant les épaules, mais j'aime bien ce surnom. Ce sont les gens de mon ancienne ville qui m'appelaient ainsi.

Je lève un sourcil.

-Ace, autrement dit "l'As". C'est pas un peu prétentieux ?

Il me fixe en souriant d'autant plus. Je détourne le regard, mal à l'aise. J'ai l'impression qu'il arrive à voir à travers moi.

Il baisse la tête et regarde le vide qui nous sépare en haussant les sourcils.

-Facile à enjamber, non?

Je le regarde à nouveau, curieux.

-Pourquoi tu me dis ça ? Tu compte le faire ?

Il redressa la tête et éclata d'un rire franc. Il enleva ses bras du rebord de la fenêtre et me lança d'un ton joyeux :

-Seulement si tu m'y invites !

Sur ce, il me fait un clin d'oeil et je ris, pour la première fois depuis plusieurs millénaires. Je secoue la tête en riant.

Une voix retentit chez lui et il se retourne vers sa chambre. Il me regarde une dernière fois et me fais signe de la main.

-Bye ! Hal !

Il referme sa fenêtre me sourit et disparait chez lui. Je souris pour moi même et referme la vitre en la rabaissant. Je me retourne vers la pièce : me voilà revenu dans ce monde de solitude.



Ace  [BoyxBoy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant