Une larme pour un sourire

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Je le fixe, la bouche grande ouverte. Il est pourtant bien là ; dans ma chambre. Alors que je le connais à peine.

-E...euh... je balbutie.

Il pose ses poings sur ses hanches et me regarde pour me sourire. Son regard fait le tour de ma chambre d'un air observateur.

-Sympa ta chambre.

-Euh, merci.

Je secoue la tête.

-Non ! Ya pas de 'merci' qui tienne ! Tu peux me dire ce que tu viens faire dans ma chambre ? On ne se connait même pas je te signale !

Il me regarde sans sembler comprendre ma langue. Il répond:

-Tes parents sont là ?

-Non.

-Bon alors ça va.

-C'est pas la question !

Cette situation est à se tordre de rire. Un nouveau voisin, que j'ai rencontré hier, s'invite dans ma chambre et demande si mes parents sont là. Alors qu'il devrait plutôt me demander s'il ne me gêne pas.

Ace marche un peu et regarde les photos accrochées au dessus de mon bureau, il soulève quelque feuilles de cours et balance ses bras en me regardant. Je croise les bras et le fixe en haussant un sourcil.

-Qu'est ce que tu veux, Ace ?

-J'en sais rien, et toi, Hal ?

Sa question me fait tiquer de l'oeil. Qu'est ce que je veux ? Je veux que tu partes pour pouvoir pleurer ma triste vie seul. Non. Je ne veux plus être seul. Je veux qu'il reste. Mais, lui dire ça serait un peu embarrassant. Je détourne légèrement le sujet et reformule ma question :

-Qu'est ce que tu viens faire dans ma chambre ?

Il me répond sans sourciller :

-Te baiser.

J'en suis interloqué et lâche un soupir de surprise. Je le dévisage avec de grands yeux et tends les muscles de mes jambes afin de pouvoir courir vers ma porte si jamais il tente quoi que ce soit.

Il me sourit et me fait un clin d'oeil complice.

-Je plaisante, poupée. Détends toi.

Il me fais une tape amicale sur le bras et je soupire. Je décroise les bras et me laisse tomber sur le lit, assis. Il s'assoit à côté de moi sans invitation et me fixe en souriant. Je lui souris en hésitant et dis :

-Ça serait bizarre entre deux gars, hein ?

-Pourquoi ?

Je suis un peu surpris et redresse légèrement la tête. Il me regarde toujours pareil. Mmh, apparemment il n'a rien contre les homos. C'est bien. Après tout, dans un sens, moi non plus. Je regarde devant moi dans le vide et soupire pour la énième fois.

-Je sais pas.

-Tu es hétéro ?

Je le regarde et je me rends compte qu'en fait, je ne me suis jamais posé la question. Je hausse les épaules.

-J'en sais rien.

Il lâche un petit rire et se redresse pour s'appuyer sur les mains en arrière.

-Eh bien, c'est simple, je t'attire ou pas ?

Je hausse les épaules. Il continue :

-Les filles te plaisent ?

Je dégluti et détourne la tête. Non. Ne me parle pas de ça maintenant. Je ferme les yeux et j'essaie de me concentrer pour ne pas craquer, encore une fois. Mais je sens une larme couler sur ma joue droite et je devine que c'est trop tard. Maintenant, je n'ai plus d'excuse de cadre qui fait mal, il va forcément me demander des explications et je vais encore chialer comme un bébé, me mettant la honte au passage.

Je sens le lit rebondir légèrement sous son poids alors qu'il change de position et juste après, je sens un doigt chaud et doux essuyer ma joue droite. J'ouvre les yeux et tourne la tête pour le regarder ; il me fixe en souriant gentiment. Il repose sa main sur ses cuisses et je me rends compte qu'il est plutôt proche de moi.

-Tu as cassé avec une fille c'est ça ? demande t-il d'une voix douce.

J'acquiesce. Il m'a épargné de tout raconter. Je lui en suis reconnaissant.

Il lâche un souffle et passe un bras autour de mes épaules.

-Tu sais, ça arrive à tout le monde. Je suis pas là pour te remonter le moral ou quoi que ce soit et je vais pas te dire de pas pleurer ou de te comporter en homme etc. Mais la prochaine fois que tu me mens, je te démonte.

Je le regarde, surpris. Je renifle et il me sourit.

-Le cadre fait mal hein ? Mon poing aussi alors ne mens plus. Car ça veut dire que tu me prends pour un idiot.

Il n'a pas tout à fait tort mais ce ne sont pas ses affaires.

Il se lève en inspirant un grand coup. Il me surprend en reprenant mes pensées :

-Après tout, c'est pas mes affaires, mais j'aime pas voir les gens pleurer alors... si tu as besoin de moi, je suis à un mètre de ta fenêtre.

Sur ce, il me fait un clin d'oeil, se penche vers moi et embrasse mon front. Il se redresse et repart vers la fenêtre, qu'il franchit, et retourne dans sa chambre. Il me fait signe en souriant et ferme sa fenêtre puis je vois son ombre sortir de sa chambre par la porte, qui est en face de la vitre.

Je regarde mes mains. Il a réussi à savoir ce que j'avais sans me demander exactement et directement. Il est très malin. J'ai l'impression qu'il voit à travers les gens. Ace le psychologue. C'est drôle, il y a quelques instants, je me disais que tout ça ce n'était pas ses affaires mais maintenant, je sais qui aller voir si j'ai besoin. Étrangement, je me sens bien avec lui. J'ai l'impression qu'il est comme un grand frère à qui on peut tout raconter.

Je me touche le front à l'endroit où il m'a embrassé et je souris en reniflant. A part ça t'es pas venu pour me remonter le moral, hein ? Tu vois, toi aussi tu mens.

Ace  [BoyxBoy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant