Ace [BoyxBoy]

Oui, tu peux tenir ma main.

Je le fixe en souriant, calmement. Il me regarde de la même manière. Je souris en penchant la tête et il m'imite.

-Non, dis-je.

Il est surpris et se redresse.

-Quoi ? Pourquoi?

-Ace, t'as peur du noir ou quoi? J'ai pas besoin de toi pour dormir !

Il semble se renfrogner. Il fait la même moue d'un gamin qui n'a pas eut son bonbon.

Je secoue la tête et m'apprête à fermer ma fenêtre quand soudain, une chaussette sauvage m'attaque le visage. Je la regarde tomber sur le parquet de ma chambre et redresse la tête pour dévisager Ace d'un regard noir. Il me regarde, fier. Ah, il est fier en plus de ça! Je lui souris d'un air innocent et, pour faire bonne mesure, je retire discrètement une basket de mon pied et lui jette en pleine figure. Avec la chance que j'ai, elle tombe dans le vide entre nos deux chambres. Commence alors une battle de regards noirs. Le premier à détourner le regard, c'est Ace, afin d'attraper un oreiller sur son lit et de me le lancer. J'esquive mais c'est ma lampe de chevet qui prend cher ; elle tombe et l'abat jour se brise. Je fusille Ace du regard pour son crime et il se contente de hausser les épaules.

-Très bien, avant que tu casses toute ma chambre, je peux aller prendre ma douche ? demandai-je d'un ton sarcastique.

-Bien sûr mon cher, réplique t-il en souriant et en s'inclinant légèrement.

Je lève les yeux au ciel, me baisse et lui renvoie sa chaussette; il la rattrape gracieusement de la main droite. Et je ne pensais jamais utiliser "gracieusement" et "chaussette" dans la même phrase.

Je pars prendre ma douche et j'en profite pour libérer mon rire que je retient depuis quelques minutes. J'en profite pour faire ce que j'ai à faire, en tant que gars. Je mets mes habits sales à laver et j'enfile un boxer et un jean. J'ai beau chercher, je remarque que j'ai oublié de prendre un t-shirt. Je sors donc torse nu en espérant que Ace n'attend pas devant sa fenêtre. Au pire, on s'en fou.

Je sors donc mais sursaute en le voyant assis sur mon bureau en train de me sourire. Il ne cherche même pas à cacher qu'il me reluque. De haut en bas, ses yeux me détaillent et mes joues brûlent. Je ne cherche même pas à lui faire remarquer que c'est une infraction de domicile ; je m'avance vers ma commode et ouvre un tiroir pour piocher un t-shirt gris. C'est gênant. Je dois être rouge pourpre. Et lui doit être gay.

-T'es pas obligé de mettre ce t-shirt, tu sais, tu es très bien sans.

Je lâche un rire nerveux et me retourne vers lui. Je lui souris et enfile le t-shirt. Il soupire en souriant. Je le fixe, très sérieux.

-Tu es homo ?

-Oui, répondit-il.

-Ouais, je m'en doutais.

-Ça te pose un problème ?

Je secoue la tête.

-Non pas du tout. Être hétéro n'est pas la norme, comme être Blanc n'est pas la norme. On est ce qu'on est et on fait ce qu'on veut de nous-même.

Il semble surpris et me fixe. Il sourit et lâche un petit rire.

-T'as que seize ans mais tu as déjà tout compris à la philosophie, petit. C'est vrai. tout ce que tu as dis. Si les gens pensent que l'homosexualité ou la bisexualité c'est étrange et pas naturel, c'est parce que la société dans laquelle on a été élevé nous dis que la norme c'est être hétéro. Si on avait grandit dans une société où l'homosexualité était la principale orientation sexuelle, ça serait pareil mais dans l'autre sens ; les hétéros seraient vus comme étranges.