Luci,
Le temps est passé vite dernièrement. Je ne vois même plus les heures s'écouler. J'écris sans m'arrêter. Je couche sur papier ma vie, comme si c'était vital que tu la connaisses. Peut-être n'ai-je pas beaucoup parlé de toi. Pourquoi je ne peux pas me souvenir de tout ce que nous nous sommes dit ?
Je te répondrai qu'il n'y a pas à se souvenir de chaque mot de la personne qui veille sur nous ; parce que c'est ce que tu as fait. Je voulais juste t'écrire. À toi et à personne d'autre. Je ne sais comment tu as pu me remarquer, m'aider sans jamais rien demander en retour, me conseiller sur tout et rien, comme l'amitié.
L'amitié. Au cours de ces trente-cinq ans d'existence, j'ai rencontré beaucoup de monde. J'ai appris à la connaître. J'ai su l'apprivoiser. Je n'étais plus tout seul. Les amis et mon compagnon étaient là pour moi. J'en avais perdu en cours de route. J'en avais vu disparaître de ma vie...
Au début, je t'en ai voulu. Ton départ silencieux et ta lettre, que tu as laissé derrière toi à notre adresse, m'ont fait comprendre combien ta vie était plus importante que tes amis. C'est ce que tu avais compris après tout ce temps passé à nos côtés. Tu voulais vivre pour toi et pour cela, il fallait faire des choix définitifs. Tu ne nous oubliais pas, pas parce que tu ne nous aimais pas.
Tu nous oubliais pour continuer à avancer dans la vie. Cette chose était bien trop courte pour commencer à avoir des regrets à notre âge.
Il est peut-être trop tard pour écrire. Les mots que je ne pouvais pas trouver à l'époque s'écrivent plus facilement sur papier à l'heure actuelle. J'éprouve ce besoin primordial de dire, de parler de moi, de ceux qui ont été à mes côtés, de ceux qui ne le sont plus. Je veux peindre le portrait de toutes ces connexions aussi futiles qu'elles le soient sur ma toile de papier.
La vie est une longue liste de choix pour certains. Pour ma part, je verrais la vie comme un long fil rouge qui relierait chacun d'entre nous et se renforcerait avec le temps ou se couperait par l'usure ou l'abandon de la relation. Le hasard faisant bien les choses, il y a des connexions qui sont solides et restent. Et il y a les autres : celles qui s'effritent et se brisent sans crier gare mais que personne ne cherchera à recoller parce qu'il n'y a rien de plus naturel que cette séparation.
La vie est un jeu de hasard. Les relations apportent beaucoup, même si elles peuvent être éphémères. La mémoire garde les meilleurs moments, compensant les chemins qui se séparent.
Tu dois être surprise que cette longue lettre te soit adressée. Après tout, nous avons perdu contact. J'avais envie de raconter quelque chose. Je voulais encore une fois éprouver cette sensation de dire les choses. J'ai toujours eu du mal à m'exprimer parce qu'il fallait toujours trouver les bons mots pour parler.
Les mots justes. Les mots qui ne blessent pas. Les mots qui ne tourmentent pas. Mais le langage a ça de particulier, Luci, c'est qu'il se fiche de savoir si nous savons dire les choses parce que lui, ce qu'il veut, c'est sortir. Et peu importe comment. Il peut crier, hurler, pleurer, supplier, se taire, disparaître, renaître ... Le langage a ce que je n'avais pas : l'expression.
Je t'écris tout ça parce que j'ai éprouvé ce besoin de le faire. Je me suis dit : "Je veux écrire. Alors écrivons." Je devais aussi me fixer un but. Pourquoi devrais-je écrire ? Pourquoi devrais-je raconter mon expérience ? Mon histoire n'a rien de particulier. Je veux simplement vomir toutes ces pensées qui inondent ma tête. Elles attendent tapies dans l'ombre que je ne sache plus parler.
Je devais écrire. Je devais parler à quelqu'un de moi. Et le fait de te savoir loin, m'ayant oublié, je peux t'écrire sans peur. Parce que même si tu vois tout ça, un jour, nous ne nous rencontrerons plus jamais. Nos routes ne peuvent se rejoindre.
J'écris donc. Tous les jours, un brouillon rapide et raturé, des feuilles qui s'empilent et des souvenirs qui me reviennent. Je n'arrive pas à me rappeler de tout. J'écris ce dont je me souviens. J'essaie de me comprendre parce que grâce à ça, je sais qui je suis.
Même si notre amitié a disparu aujourd'hui, tu restes un souvenir.
Marc.
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Bleu Silence ~ [BxB]
Teen Fiction" Puis je me suis souvenu de ce que tu m'avais dit, un jour. Que les routes que tu croisais se séparaient au prochain carrefour et que nos directions étaient toutes différentes. Tu t'attachais aux gens mais avec le temps, tu parvenais à nous laisse...