Les parents de Dorian avaient quitté la maison vers deux heures du matin, nous laissant un boulet endormi sur le canapé. Nous avions aidé mes parents à ranger et à nettoyer ce qui avait besoin de l'être. Maman avait ordonné à Camille de rester dormir à la maison et le jeune homme n'avait même pas refusé. U était déjà parti se coucher.
Je sentais la nuit affreuse venir. Je ne voulais même pas fermer l'oeil. J'étais terrifié. Je n'aimais vraiment pas cette situation.
Maman avait réveillé Dorian pour qu'il monte avec nous dans ma chambre. Papa y avait installé des lits de camps sur lesquels des duvets avaient été placés. Dorian s'était écroulé dans un râle horrible. Il n'avait même pas enlevé ses chaussures et j'avais dû le faire à sa place. Camille avait pris l'autre lit et me détaillait, comme s'il pouvait lire en moi comme dans un livre ouvert. Charlie écartait un pan de nos draps et avait allumé les guirlandes afin que nous puissions nous voir.
Il ne m'avait pas attendu pour se glisser sous la couverture et nous tourner le dos. J'étais prêt à le rejoindre quand Dorian m'avait arrêté dans mon élan en s'emparant de mon bras. Il avait les joues rouges à cause de l'alcool et les yeux brillants de fatigue. Son haleine me donnait la nausée et je voulais mettre une distance de suite avec lui. Je n'arrivais pas à m'écarter. Je le fixais, terrifié.
Que comptait-il faire ?
Camille avait remarqué mon malaise et avait décidé d'aider en couchant Dorian après m'avoir délivré. J'avais presque couru jusqu'au lit et leur avais aussi tourné le dos. Mon frère avait éteint toutes les lumières et je sentais l'anxiété monter en moi. J'avais cette sensation d'un souffle chaud dans ma nuque et d'un regard qui me transperçait de toute part. Je ne me sentais vraiment pas bien.
Sans crier gare, je m'étais levé et avais trébuché sur Camille avant de m'étaler sur Dorian. Je ne supportais plus ce poids dans ma poitrine et sans chercher à allumer, j'avais couru comme un fou aux toilettes vomir tout ce que j'avais pu manger dans la journée. Mon corps tremblait furieusement et je passais du chaud au froid toutes les deux secondes. J'avais la tête qui tournait et je voyais flou.
Le stress de la journée retombait d'une drôle de manière. J'avais été me brosser les dents avant de retourner dans la chambre. Mon frère m'attendait sur le bord du lit et semblait inquiet. Camille dormait déjà et Dorian avait les yeux grands ouverts, fixant le plafond. Les lumières clignotantes des guirlandes me donnaient le tournis. J'avais le sentiment de débarquer dans un nouveau monde.
J'invitais mon frère à retourner dormir et il m'avait obéit à contrecœur. J'avais cherché à éclaircir mon esprit alors que Charlie s'endormait à son tour. Je savais que Dorian me regardait et cherchait à dire quelque chose. Je ne voulais pas l'écouter.
Mon cœur s'emballait et je ne savais pas ce que je devais faire. Je me sentais en trop dans cette pièce. Je ne savais pas où me mettre. J'étais égaré.
Le vide avait disparu pour laisser place à une tourmente agaçante. J'étais irrité. J'avais essayé de me débarrasser du sentiment désagréable d'être misérable mais je n'y parvenais pas. Je n'avais pas vu Dorian se lever et marcher jusqu'à moi, trop absorbé par moi-même. Quand son visage était apparu dans mon champ de vision, j'avais eu un mouvement de recul.
Il m'avait dévisagé avec un air contrarié. J'étais épuisé et impuissant face à lui. Je n'avais même pas envie de le repousser, fatigué de devoir le faire à chaque fois qu'il était près de moi. Il s'était accroupi et avait posé ses mains sur mes genoux, me laissant des marques cuisantes sur la peau. Je respirais certainement difficilement parce que ce contact m'électrisait et faisait monter en flèche mon désir pour lui alors que je cherchais à me calmer. Me contrôler me faisait terriblement mal.
Il avait osé caresser ma joue, l'air perdu. Il voulait que je parle, que je lui dise les choses mais je refusais. Il était hors de question que je lui dise. Il ne comprenait pas pourquoi je ne m'ouvrais pas à lui comme je semblais le faire avec mon frère.
Je voulais qu'il arrête de me toucher. J'étais frustré de ne pas pouvoir obtenir plus et il me provoquait sans s'en rendre compte, me rendant fou et coléreux. J'avais envie de le frapper. Je sentais une rage folle monter en moi et je savais que je ne pouvais pas la maîtriser. Je me sentais si impuissant et vide que les larmes avaient glissé toutes seules le long de mes joues. J'en avais été le premier étonné.
- Pourquoi pleures-tu ? avait-il dit paniqué, très peu habitué à me voir perdre le contrôle de moi-même.
Je l'avais repoussé, prenant conscience de la posture dans laquelle je me trouvais. Il était tombé et je lui avais tourné le dos, me cachant sous la couverture, plus pitoyable que jamais. Je l'avais entendu soupirer et une chaleur s'était répandue sur le sommet de mon crâne. Il m'avait souhaité bonne nuit et avait espéré que nous puissions parler de ce qui me tracassait dans les jours à venir. Il pouvait compter sur moi pour lui faire oublier cette promesse qu'il s'était faite à lui-même.
Il était déjà bien passé à côté de situations où il aurait pu me demander de lui confier ce qui me rendait anxieux et triste. Il aurait pu chercher à savoir ce qui n'allait pas depuis le début. Mais Dorian avait toujours été ainsi. Il avait aussi son monde et ne percutait les choses que lorsqu'elles entraient dans sa bulle. Si je faisais en sorte de ne pas entrer en collision avec lui, j'étais certain qu'il m'oublierait. Et j'en avais besoin. Je désirais plus que tout au monde qu'il me fiche la paix.
J'avais passé la nuit à pleurer. Mon frère s'était réveillé et avait tenté de me consoler.
Je crois bien que cette nuit-là, le vide avait explosé.
Mon cerveau était sorti du sommeil que je lui avais imposé.
Je ressentais toute la douleur dont je m'étais anesthésié pendant des années.
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Bleu Silence ~ [BxB]
Jugendliteratur" Puis je me suis souvenu de ce que tu m'avais dit, un jour. Que les routes que tu croisais se séparaient au prochain carrefour et que nos directions étaient toutes différentes. Tu t'attachais aux gens mais avec le temps, tu parvenais à nous laisse...