L'hiver de mes vingt-deux ans, mon frère avait fait son apparition sur le seuil de notre porte.
Il avait été absent près de huit ans de ma vie. Je n'avais jamais eu de nouvelles de lui.
Je n'avais jamais su déterminer si je lui en voulais ou pas.
Il devait bien être la seule personne avec qui je ne pouvais pas être égoïste.
C'était maman qui l'avait découvert sous le porche quand elle était entrée du travail. Papa était déjà à la maison. J'étais dans ma chambre et je regardais le plafond. Je ne crois pas avoir pensé à quoi que ce soit à ce moment précis. Maman l'avait trouvé assis par terre, jouant avec son portable éteint et la tête basse. Il avait un gros sac qu'il avait dû remplir à ras bord. Il portait une simple veste en jean que je lui avais connu au lycée et qui était à présent trop petite pour lui.
Maman l'avait fait entrer sans rien dire et elle nous avait appelé. J'étais descendu sans m'attendre à le trouver là. J'aurais aimé lui sauter dans les bras et lui crier combien il me manquait mais c'était un étranger qui se trouvait face à moi. Je n'avais pas reconnu Charlie. Il était métamorphosé : c'était un homme, à l'apparence élégante mais fatigué. Il avait ce visage dévasté que je lui avais connu à l'époque.
Il n'avait regardé aucun de nous trois. Dans ses mains, il faisait tourner son téléphone. Maman avait rompu le silence en lui disant qu'il allait dormir dans ma chambre puisque la sienne était devenu l'atelier de papa pour la construction de ses maquettes de bateaux. J'avais dû lui montrer le chemin et il s'était prostré dans un coin de la pièce, le regard dans le vide. Je ressentais le malaise. Pour une fois, je voulais parler pour rompre ce silence. Charlie l'avait fait à ma place.
J'ai retrouvé Camille.
J'avais compris rapidement à qui il faisait allusion. Je n'avais pas été à l'aise face à cette annonce. Mon frère, que j'essayais de retrouver, était devenu une coquille vide, comme moi. Une feuille de papier vierge sur laquelle il fallait écrire à nouveau pour lui rendre son identité et ses valeurs.
Il m'avait raconté que Patricia et lui avaient été à une pièce de théâtre. Le rôle principal, c'était lui. Camille.
Charlie avait eu peur et avait fui le théâtre. Plus tard, Patricia avait invité des amis à manger. Et Charlie ne savait pas, jusqu'à ce qu'il se trouve en face d'eux, qui ils étaient. Il avait essayé d'être impassible. Mais Patricia avait appris pour Camille et Charlie.
Mon frère ne pouvait pas continuer à vivre à ses côtés, sa culpabilité le dévorait. Il s'était enfui. Il m'avais appris aussi qu'il avait recueilli un chiot qu'il avait nommé Beer. Le nom en disait long sur leur rencontre... Si mon frère savait, il ne l'aurait pas appelé ainsi...
Quand il avait décidé de quitter l'appartement de Patricia après une dispute devant leurs invités, et qu'il avait rompu avec elle, il s'était réfugié dans un parc avec Beer. Camille l'avait retrouvé et lui avait proposé de rester à ses côtés et l'avait invité même chez lui. Mon frère y avait passé la moitié de la nuit avant de s'enfuir à nouveau après un terrible cauchemar dans lequel Camille se tuait et le tuait. Il avait laissé Beer derrière lui parce que Camille avait déjà un chien.
Puisque mon frère adoré, que je prenais comme exemple, s'était confié à moi, je voulais le faire. Tout lui dire. C'était surtout pour briser ce mur qui était toujours entre nous, même après son retour.
Charlie. J'ai aussi merdé.
Il avait murmuré :
VOUS LISEZ
Bleu Silence ~ [BxB]
Teen Fiction" Puis je me suis souvenu de ce que tu m'avais dit, un jour. Que les routes que tu croisais se séparaient au prochain carrefour et que nos directions étaient toutes différentes. Tu t'attachais aux gens mais avec le temps, tu parvenais à nous laisse...