Le temps avait été long. Je m'ennuyais et j'avais tout le loisir de penser à tout et à rien. Je ne m'étais toujours pas débarrassé de cette colère en moi. Malgré les rendez-vous avec mon psychologue. Je parlais peu. Je ne faisais que répondre vaguement à ses questions, ce qui l'agaçait. Je n'avais rien besoin de dire, il lui suffisait de m'analyser et de comprendre tout seul. Je ne pourrais pas dire qu'il laissa tomber mais il se découragea de ne pas pouvoir me faire dire la vérité. A la place, il écoutait les délires que j'avais eu et exigeait de savoir quand mon corps réagissait violemment à cause du manque que j'éprouvais à ne plus boire.
En parallèle, Dorian venait au petit soin tous les jours, jusqu'à ce que je quitte l'hôpital. Quand je fus transféré dans le centre d'abstinence, je découvris rapidement que je n'étais pas le seul jeune. Encore une fois, j'oubliais le monde extérieur qui m'appartenait et me concentrait sur ce qui ne pouvait pas sortir de mes pensées. Je me laissais encore aller à mes désirs et je ne parvenais toujours pas à lutter.
Il y avait un garçon. Un garçon plus âgé que moi. Il était beau, ou du moins, il m'envoûtait. J'étais attiré par lui. Ses yeux me dévoraient. Le temps que nous passâmes ensemble nous permit de nous apprivoiser puisque chacun d'entre nous avait sa colère qui le rendait méfiant et froid envers les autres. Il s'appelait Yann. Nous devînmes plus proches. Il me séduisait, ignorant ce qu'il semblait avoir compris de moi. Il était affamé tout autant que je l'étais. Mon corps brûlait au moindre de ses touchers. Un jeu de séduction impitoyable s'était mis en place entre nous.
Il n'y avait rien entre nous. J'étais vide de sentiments pour lui. Jamais nous n'en avions parlé. Jamais nous n'avions essayé de mettre des barrières, de nous confier ou chercher à rendre ces moments de plaisir plus sincères. Je désirais l'acte charnel, laissant de côté cette promesse ridicule de ne plus être touché. Il profitait aussi de cette passion malsaine que j'avais en moi. Il libérait la bête sauvage que j'avais en moi.
Je ne lui avais jamais dit mais il savait que lui et moi, une fois que l'un de nous aura quitté le centre, il n'y aurait plus rien. Nous ne nous reverrions plus. Nous n'étions l'un pour l'autre qu'un moment éphémère sans importance dans nos vies. Je me servais de lui comme il se servait de moi.
Le dernier jour de Yann fut mémorable parce que nous étions nus dans mon lit quand Dorian était entré dans ma chambre pour me rendre visite. Ce fut en lâchant ses affaires qu'il nous annonça sa présence. Yann quitta les lieux sans rien dire et je ne cherchai pas à le retenir.
J'étais vide, aussi, à ce moment-là. Je n'éprouvais ni honte ni tristesse. Je n'avais pas peur d'affronter mon meilleur ami parce que je n'avais rien à affronter. J'étais seulement un automate. Je m'étais rhabillé, oubliant rapidement qu'il était là. Je m'en souvins après qu'il ait pris la parole :- Qui est au courant ?
Je n'avais pas envie de parler alors je le pointais du doigt aussitôt. Il était devenu blême. Il chercha à parler. A dire d'autre chose. Détourner l'attention parce que cette situation le mettait mal à l'aise et je ne faisais rien pour l'aider. Et pourtant, il dut abandonner cette envie de fuir pour m'interroger, trop curieux et trop prétentieux.
- Depuis... Depuis combien de temps...
- Longtemps.
- Ah ! avait-il soufflé gêné. Alors sors-tu avec lui ?
- Non. C'était histoire de faire passer le temps.
Je voyais bien qu'il était perdu. Dans ses yeux, je lisais toute sorte de questions : Qui es-tu ? Où est Marc ? Qu'est-ce qui t'es arrivé ? Pourquoi es-tu comme ça ? Pourquoi as-tu fait ça ? Es-tu fou ? Aimes-tu les hommes ? Pourquoi ? Je n'avais pas de réactions appropriées pour lui alors qu'il venait de découvrir un secret que j'avais cherché à cacher tout ce temps. Mais lors de cet automne 2013, un samedi pluvieux, je m'en fichais. J'étais plus inspiré par le ciel noir et le contraste de la végétation aux couleurs d'un coucher de soleil que de lui.
- N'aimais-tu pas les femmes ? avait tenté à nouveau Dorian en cherchant à capter mon attention.
- Non, avais-je répondu en toute franchise.
- Pourtant... Tu as couché avec des femmes !
- Cela ne veut rien dire, avais-je déclaré sans rien ajouté derrière.
Je n'avais pas à me justifier auprès de lui. Je ne cherchais même pas à me faire accepter. Je ne cherchais pas non plus à m'affirmer. J'étais juste inerte. Vide. Vierge. Blanc. La seule chose que je possédais peut-être encore en moi était cet ennui et cette colère qui grondaient.
Je quittais le centre cinq mois plus tard. Pendant cette période, Dorian n'en parla plus. Laure avait fini par l'apprendre. Ce couple prenait soin de moi, me surprotégeait. Dorian se montrait plus affectif et audacieux envers moi qu'il ne l'avait jamais été. Je ne l'ignorais même plus : je ne le regardais plus. Quand nous allions en soirée, ils alternaient leur tour de garde. Je m'ennuyais à mourir. J'étais aussi en colère. J'avais envie de frapper le premier qui me passait sous le nez, simplement parce qu'il avait osé me regarder pendant une seconde. J'étais incontrôlable alors j'allais dehors prendre l'air.
Au cours de ces jours et mois qui passaient, je ne parlais de moi à personne. J'évitais les tentatives de conversations qui me concernaient. J'évitais qu'on me parle de qui j'étais. Je n'étais pas d'humeur. Mes amis ne surent donc pas. Et ce ne fut pas les seuls.
Mes parents étaient toujours dans l'ignorance.
Et je n'en voulais toujours pas à mon frère d'être absent.
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Bleu Silence ~ [BxB]
Roman pour Adolescents" Puis je me suis souvenu de ce que tu m'avais dit, un jour. Que les routes que tu croisais se séparaient au prochain carrefour et que nos directions étaient toutes différentes. Tu t'attachais aux gens mais avec le temps, tu parvenais à nous laisse...