Chapitre 08 : La nouvelle amitié [partie 2 : Les mots de Eléonore].

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Mars.

J'ai envie d'un pain d'épices.

Je m'ennuie. Ce qui se passe dans les jardins me distrait. Il y a un oiseau qui sautille dans la pelouse à la recherche d'un insecte à gober. Plus loin, j'ai à peine le temps de voir l'écureuil qu'il se cache déjà dans un arbre, au centre du parterre. Je vois aussi un petit garçon qui porte une marinière courir dans l'allée en pleurs, tandis que son père et sa mère l'appellent désespérément pour qu'il revienne. Encore plus loin, il y a une grand-mère dans son fauteuil qui jette un regard totalement vide au chemin qui défile sous ses yeux pendant qu'une infirmière la pousse. Un groupe de jeunes s'est installé sur un banc. Certains d'entre eux paraissent nerveux. D'autres sont légèrement blessés. Ils regardent leur montre ou leur portable au moment où une horde de parents inquiets et en fureur fondent sur eux. Des éclats de voix rebondissent partout dans le jardin de l'hôpital. Quelques patients et des visiteurs semblent les regarder d'un mauvais œil.

Dans l'allée principale, il y a un petit vieux avec une canne qui marche difficilement vers l'entrée principale. Il tient fermement un bouquet de rose rouge. À l'extérieur du parc, quelques gens fument en silence. Un jeune homme n'est pas loin d'eux. Il est de dos. Il porte une veste rose pâle, un jean blanc qu'il a retroussé aux chevilles d'où on voit des chaussettes noires dépassées de ses converses jaunes. Il a un sac à dos noir avec un dessin. Il a enfilé une casquette verte.

Mes yeux m'ont guidé jusqu'à un père et son fils, installé dans une poussette. J'entends un bruit sourd et puissant. Je reconnais le bruit d'un avion qui décolle ou atterrit. J'entends vaguement le petit garçon demander ce que c'est. Le père montre le ciel, le visage tourné vers cette immensité bleue. Le fils suit ce geste. Ainsi que cette grande-mère qui suit la conversation. Finalement on a tous le nez en l'air. Et on se rend tous compte que nous sommes ridiculement petits et vulnérables. Cette connexion qui s'établit entre nous me paraît étrange. Comme si nous étions les seuls à nous apercevoir que la vie n'était pas de taille à lutter contre l'univers. Nous ne sommes rien. Simplement une poussière née mais une poussière qui doit disparaître aussi.

Les patients, ici, ne souffrent pas tous de la même manière. Mais certains sont mourants et brûlent de l'intérieur. L'extérieur est inerte et immobile. D'autres gueulent à tout va ce qui les dérange. Malgré les avertissements des infirmières et des aides soignantes, ils ne se taisent jamais. J'ai demandé à fermer ma porte. Auparavant, j'aimais bien la laisser ouverte pour voir les gens défilés. À présent, je me sens davantage mise à l'écart.

Je regardais dans le vague depuis un moment avant de me rendre compte que je dévisageais un jeune homme. Il m'a vu et imité mon geste. Je me suis éloignée de la fenêtre. Quand j'ai voulu vérifier, il n'était plus en bas. Quelques minutes plus tard, je le retrouvais dans ma chambre.

Ce jeune homme est beau. Il a un charme assez unique avec ce sourire de travers qu'il m'a offert. J'ai roulé jusqu'au lit et j'ai essayé de m'allonger. Il m'est venu en aide sans rien dire. Je l'ai laissé faire. Je n'avais pas assez de force pour me plaindre.

Il a pris le carnet que j'avais mis sur ma table de chevet, à portée de main. Il l'a ouvert et je l'ai vu caresser les dessins. J'ai tout de suite compris qu'il était Nolan. Je me suis sentie extrêmement gênée d'avoir écrit à l'intérieur. Dans la précipitation et dans la panique, je lui ai arraché des mains comme j'ai pu et je l'ai caché sous mes draps. Je me suis excusée en lui disant qu'il lui faudrait trouver un autre cahier parce que j'y avais écrit des choses ennuyantes dedans.

Ravi de te rencontrer, m'a-t-il dit d'une voix bizarrement fluette. Je m'appelle Nolan. Et toi ?

Elénonore.

Bleu Silence ~ [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant