Chapitre 07 : Les mots de Eléonore.

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Février.

Ce cahier n'a rien de spécial. C'est un cahier de brouillon qu'on demande toujours aux jeunes d'avoir pour les dictées ou les exercices de mathématiques. Je m'en souviens parce que j'avais quelque chose du même genre quand j'étais au collège.

J'ai toujours trouvé ces carnets de brouillon laids et inutiles. Les carreaux sont grossiers et les couleurs trop visibles. C'est pour aider les jeunes à écrire droit, dirons-nous. A organiser leurs travaux.

Ce carnet, je l'ai ramassé dans le couloir de mon étage. Il était par terre et personne ne l'avait encore vu. A l'intérieur, j'ai entrevu des dessins d'enfants. J'avais quitté ma chambre pour faire un tour dehors mais cet objet m'a privé d'une sortie en cachette : Rose ou Marguerite, une infirmière m'a remarqué et m'a obligé à retourner dans le lit.

Elle a vu le carnet mais elle n'a rien dit. Quand elle est partie, j'ai ouvert les premières feuilles. Ce carnet appartient à un petit garçon du nom de Nolan. A l'intérieur, il y a des dessins tristement grossiers. Sur les dix premières pages, des bonhommes pomme de terre accomplissant des tâches diverses et variées remplissent les feuillets.

Un carnet, c'est fait pour écrire ses devoirs ou écrire tout court. Je m'ennuie alors, j'écris à l'intérieur. Je n'ai rien de spécial à dire parce que je ne fais rien de spécial de mes journées. Je suis juste une malade dans une chambre d'hôpital, presque aux portes de la Mort.

Février.

Je m'ennuie. J'en ai assez d'attendre. Entre l'angoisse, la colère et l'impatience, je deviens irritable. J'aimerais avoir une vie banale et joyeuse. Bouger, rire et voir mes amis comme avant. Je me sens prisonnière de ce lit et le rythme prédéfini de l'hôpital me désespère.

J'ai remarqué que les dessins définissent une action, après de longues minutes à les contempler par jour. Il y a toujours ce petit bonhomme patate coiffé et vêtu de rouge que je devine étant le propriétaire initial du carnet. Nolan discute avec des gens, prend une douche avec l'aide d'une infirmière, se promène dans les jardins, s'ennuie seul dans sa chambre, accueille ses visiteurs, mange et vomit ses repas, se tord de douleur et pleure, joue avec une grand-mère, rêve, croit, dessine. Le dernier dessin est plus appliqué, comme si quelqu'un l'avait aidé.

Il observe une personne à la chevelure blonde qui regarde par la fenêtre. Il y a écrit sur le côté : Elle.

Le dessin est laid mais l'instant figé est violent. Les émotions sont belles et broient mon coeur. J'ai un peu pitié pour cet enfant. Je ne sais pas qui est cette personne pour lui mais elle ne doit pas être heureuse non plus.

J'aurais envie que cette personne se tourne et sourit à l'auteur pour le rassurer. Pour lui montrer que tout ira bien, qu'il peut continuer à poursuivre sa liste et croire qu'il fera d'autres choses géniales que ce qu'il connait déjà. Je caresse du doigt ce dessin. Je le trouve magnifique.

Février.

Le temps est gris et il fait froid.

Quelle ironie ! Je peux parler plus aisément de ce qui me dérange dans ce fichu carnet qu'essayer d'en parler à quelqu'un. Quelqu'un comme Camille. Il a beau essayé de m'extorquer des informations sur mon état, je reste muré dans mon silence. J'ai peur de le décevoir, qu'il prenne peur ou qu'il fuit. Même si aujourd'hui, il est plus fort, il a toujours été sensible dans certaines situations.

Je me sens si démunie. Miserable. Pathétique. J'ai mal au cœur parce que je sais que je ne suis pas honnête avec mes proches. J'ai l'impression qu'une pierre énorme m'écrase et m'empêche de respirer normalement.

Bleu Silence ~ [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant