Le sais-tu, Luci ? Je pensais avoir trouvé une certaine stabilité.
Ma famille m'aimait. Charlie était de retour.
Dorian et Laure s'occupaient trop de moi mais je les voyais.
Camille rendait parfois visite à mon frère. Ou nous allions chez lui.
Et pourtant, tout cela avait volé en éclats. Le fil s'était brisé subitement. Tout s'était mis à exploser autour de moi et en moi. C'était sans doute la première fois que je me sentais aussi perdu. J'avais perdu le sens de l'orientation. J'égarais mon corps et mon esprit dans un espace que je n'avais jamais vu.
L'équilibre s'était rompu à cause d'une violente dispute entre Dorian, Camille et mon frère. J'aurais dû savoir que les choses ne pouvaient pas durer éternellement. Je courais à ma perte en croyant que cette forme de bonheur puisse exister. J'avais perdu cette méfiance que j'avais côtoyé pendant huit ans. J'avais baissé ma garde et je n'aurais pas dû.
J'avais été impuissant parce que j'avais eu beau crier, ils ne m'avaient pas écouté. Ils se lançaient des insultes sans mesurer la puissance de leurs paroles et étaient prêts à se battre si je ne m'étais pas interposé. C'était devenu un incendie enragé entre nous tous. Je ne pourrais même plus décrire la situation parce que tout mon être était aveuglé par la colère. J'avais envie d'exploser à mon tour et de chasser tout le monde de mon espace personnel. Je me sentais envahi et je n'arrivais pas à respirer tranquillement. J'étouffais. Je crois bien que ce jour m'a permis de comprendre que je ne supportais plus ce train-train quotidien. J'avais besoin de voir autre chose. Comment pourrais-je le faire quand j'étais incapable de me débrouiller seul ?
Si tu avais été là, à cette époque, penses-tu que les choses auraient été différentes ? Je me suis toujours demandé si tu aurais pu éviter cette situation ? Tu parvenais toujours à savoir l'issue de ces rencontres. Tu avais cette capacité à détecter qui étaient ceux qui ne pouvaient pas entretenir une relation.
Tu aurais peut-être compris que Charlie et Dorian ne pouvaient pas se supporter. C'était vrai que je n'avais jamais prêté attention à leurs réactions quand ils étaient ensemble, enfants. Je devinais qu'ils avaient trouvé un équilibre pour rester tous les deux à mes côtés. Mon meilleur ami ne s'était jamais plaint de mon frère et Dorian ne m'avait jamais semblé détester mon frère à ce point. Depuis mon accident, il lui en voulait de s'être porté absent. Cette rancoeur se voyait et je la devinais tous les jours lorsque ces deux-là se croisaient.
Charlie ne s'était pas laissé faire. Il n'aimait pas qu'on le défie de cette façon. Il n'aimait pas que les gens l'ouvrent sur ce qu'ils ne connaissaient pas. Juger sans savoir était le pire défaut d'après lui. Alors, Charlie avait répliqué et lui avait fait le reproche d'être assez idiot pour ne pas avoir remarqué mon problème pour quelqu'un qui se disait être toujours à mes côtés.
Sais-tu pourquoi ils s'étaient disputés à ce sujet alors que nous aurions pu éviter d'en parler ? Parce que Dorian avait ouvert le débat volontairement. Il n'avait toujours pas pardonné à mon frère. Il ne connaissait pas l'histoire entre Camille et lui mais il devinait que ce n'était pas tendre. Et il utilisait cela contre mon frère pour le faire culpabiliser. Il voulait qu'il se sente inutile et faible. Comme s'il désirait que mon frère abandonne l'envie de prendre soin de moi parce que lui, Dorian, était le seul capable de le faire.
Il voulait le détruire comme il supposait que son absence m'avait détruit. Cette naïveté me blessait et j'avais cette impulsion de plus en plus forte de vouloir le frapper jusqu'au sang. Même en étant amoureux de lui, il y avait beaucoup de choses que je n'acceptais pas de lui.
Et puis, comme s'il était possible que Dorian puisse s'occuper de moi. Qui était l'idiot de première à avoir cru à mon mensonge quand il m'avait demandé si tout allait bien ? S'il tenait vraiment à moi, comme il persistait à le dire, il aurait su que je ne disais pas la vérité à ce moment-là et il aurait cherché à en savoir plus. Il aurait insisté jusqu'à ce que je cède. Au lieu de ça, il m'avait ri au nez et m'avait pris pour le dernier des idiots. Je l'avais encore au travers de la gorge, son rire.
Son simple souvenir ravivait mes blessures et je voulais détruire tout ce qui me tombait sous la main. J'avais songé à l'époque à prendre des cours de boxe pour me défouler. Je ne pouvais plus retenir cette haine qui me brûlait tous les jours les entrailles. Je devais exploser pour me sentir mieux et tant pis pour les dégâts que je causerais. Je me devais d'être égoïste pour me sentir mieux.Je me souviens que Dorian avait accusé Charlie d'être assez prétentieux parce qu'il voulait revenir aux jours heureux alors qu'il était celui qui m'avait abandonné. Ses mots m'avaient fait plus mal que l'absence de mon frère. Camille avait voulu défendre Charlie et Dorian s'était aussitôt braqué, l'insultant et lui reprochant de se mêler de ce qui ne le regardait pas. Je crois que c'était la chose de trop. Pour Charlie et pour moi.
Tout cela aurait pu seulement finir sur des insultes. Néanmoins, rien de tout cela ne s'était passé. J'avais pris le coup qui était destiné à mon frère. J'avais perdu mon sang froid et j'avais répondu. Dorian était tombé à terre. Qui osait-il être pour lever la main sur mon frère ? Son coup n'était même pas doux. Il y avait tout mis. J'avais envie de le défigurer tellement son égoïsme me sortait par les yeux. Le sien me rendait malade parce qu'il pensait avoir tout bon. Il pensait me connaître.
Cela faisait depuis longtemps qu'il ne savait plus qui j'étais. Je n'étais pas le Marc du collège. Je n'étais plus Marc. J'étais moi. Juste moi et mes pensées. J'avais le sentiment d'être en pleine crise d'adolescence avec lui dans les parages à jouer au fauteur de trouble.
Plus personne n'avait osé réagir. J'étais hors de moi et j'étais certain que cela se voyait. J'étais impuissant parce que je me sentais vide. J'avais dû pleurer de frustration. Ce jour-là, ma bulle venait encore d'exploser et je ne contrôlais plus rien. Furieux, j'avais quitté les lieux, décidé à ne croiser personne. J'étais une tornade. J'aurais pu mordre n'importe qui se trouvant sur mon chemin. Je ne voulais voir aucun être humain.
C'est à cette époque que j'ai réalisé que je n'avais pas d'amis sur qui compter. Dorian était le seul et l'unique. Laure ne comptait même pas, elle s'était immiscée toute seule dans notre cercle amical. Les amis que je pensais avoir étaient ceux de mon meilleur ami. Au final, je n'avais personne vers qui me tourner après un tel événement.
J'étais seul.
Je ne pensais même pas à aller voir mon frère. Je ne pensais même pas à réconforter Camille, qui, j'en étais certain, avait dû paniquer. Je ne voulais pas voir mes parents. Je n'avais personne à cet instant et je me sentais encore plus vide et plus seul que jamais.
Je m'étais senti abandonné. Après tant d'années à ne pas y penser, je l'admettais enfin. Je n'avais rien qui pouvait me sortir de là. J'étais emprisonné dans ce cercle maudit que j'avais construit moi-même.
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Bleu Silence ~ [BxB]
Fiksi Remaja" Puis je me suis souvenu de ce que tu m'avais dit, un jour. Que les routes que tu croisais se séparaient au prochain carrefour et que nos directions étaient toutes différentes. Tu t'attachais aux gens mais avec le temps, tu parvenais à nous laisse...