Naléiss Freeds

Chapitre 23

   Je me suis réveillée plusieurs heures plus tard. Les filles dormaient encore, alors j’ai récupéré mes affaires le plus discrètement possible et suis sortie de la tente. Le soleil n’était pas visible derrière la tempête mais je devinais qu’il était à peine levé. L’air vivifiant me brûlait la gorge. J’observais attentivement les alentours. La neige s’était accumulée dans la nuit sur les toiles de tentes, mais elles tenaient bon. Il ne restait aucune trace de mon feu qui avait dû s’éteindre depuis bien longtemps. Le chêne était fidèle à son poste au centre de la clairière. La falaise derrière moi était très abrupte et se perdait dans les nuages. Les branches des conifères environnant ployaient sous le poids de la neige. On aurait dit qu’un épais manteau banc les couvraient ou qu’ils s’était transformés en immenses statues de glace. Au loin, j’entendais le vent siffler avec force. La tempête persistait à nous empêcher de poursuivre notre chemin.

   Soudain, j'ai détecté une lumière sur la droite qui s’éloignait. Je me suis aussitôt élancée en direction de celle-ci. Au moment de rentrer dans la forêt, je me suis retournée vers le campement, hésitante. La curiosité a finalement pris le dessus sur la prudence et je me suis enfoncée dans le sous-bois, en suivant la lumière, aussi vite que je le pouvais. Mais j’avais encore de la peine à respirer, ce qui m’obligeait à ralentir. Une fois sortie de la forêt, j’ai aperçu au loin une sorte de sphère lumineuse dorée d’un mètre de diamètre flottant au milieu d’une étendue parfaitement plate. Un lac geler… ai-je compris. Je me suis avancée à pas prudent, toujours dans de la poudreuse. Je pose le pied, je m’appuie dessus, puis j’avance… Je progressais ainsi, vérifiant la solidité du sol, lentement mais sûrement. La glace craquait par moment, cependant elle semblait tenir bon.

   Arrivée près de la sphère, j'ai tendu timidement la main vers elle. Mais à son contact, elle a noirci d’un coup et a été transpercée par un rayon venu de par-delà des nuages.

   Avant même que je puisse comprendre ce qu’il se passait, la glace s'est brisée sous moi et je me suis enfoncée dans les eaux entourées d’une nuée de bulles d’air. J’ai essayé de nager, en vain. J'ai relevé la tête et j’ai vu la sphère partir en fumée. Puis, le rire de Sans-visage m'est parvenu en même temps que ses paroles : « Je veux jouer encore un peu avec toi ». J’étais étonnamment calme. J’aurais dû être en colère, avoir peur, être désespéré… Mais non. C’était l’un des bienfaits du froid. Mes cheveux flottaient librement près de mon visage, tel un nuage noir. Autour de moi, l’eau miroitait sous le seul éclairage du trou dans la glace. Le reste était sombre. C’est si beau… On se serait cru dans un univers parallèle. Je semblais déranger des petits poissons qui partaient en me voyant. Tout était calme, silencieux et reposant, à tel point que j’avais l’impression de m’endormi, de plonger vers un sommeil sans fin. La seule chose qui me rappelait que j’étais en vie était d'entendre les battements de mon cœur résonner lentement dans tout le lac. Grâce à mon entraînement, j’arrivais à respirer sous l’eau et à ne pas avoir de choc thermique, seulement ça ne durait pas indéfiniment. Pourtant, je ne m’en inquiétais pas. Cet endroit était merveilleux, je ne courrais aucun danger.

   J’ai continué à couler jusqu’à ce que j’atteigne le fond. Je me suis allongée sur des galets tout en regardant la surface qui se trouvait dix mètres plus haut. Soudain, j'ai senti une présence à ma gauche. J'ai tourné la tête et mon cœur a sauté un battement. Couchée à mes côtés, Nelly me regardait en souriant tristement, sa main dans la mienne. Prise de panique, j’ai fait un bon pour la remonter à la surface. Mais Nelly n’étant pas réellement là, je n'ai pas pu l’attraper. Après plusieurs essais, elle a secoué la tête négativement.

-Un problème ?

   J’ai cherché la voix caractéristique de Sans-visage mais il n’était nulle part.