Me défenestrer ne faisait pas partie de ma liste de chose à faire dans ma vie.
Pourtant, Derek et moi tombions à toute vitesse, parallèlement à la Tour. Je pouvais voir notre reflet dans les vitres teintées filé vers le sol. En prenant ma main, Derek m’a guidé dans notre chute en direction de l’Organisation. José avait dit que sa collègue Cindy s’y trouvait pour prendre les inscriptions aux jeux. Restait plus qu’à espérer que celles-ci ne soient pas clauses…
On a atterri lourdement sur une jolie petite place anglaise en effrayant un groupe de japonais en train de discuter. Il était temps, parce qu’une demi-nuit de sommeil avait été loin d’être suffisant pour me rendre mes forces, et ça devait être de même pour Derek. Après une longue inspiration, il m’a mené vers ce qui ressemblait à une mairie. L’intérieur était austère, blanc et peu meublé. Il n’y avait personne hormis une femme en tailleur beige tapant derrière un guichet sur un clavier d’ordinateur. Elle avait un chignon haut, des lunettes et un badge avec écrit Cindy.
-Bonjour madame. Nous souhaitons…
Elle a levé l’index pour nous interrompre, sans cesser d’écrire. On a attendu plusieurs secondes sans qu’elle s’arrête. Derek est finalement allé s’asseoir sur une chaise pendant que je tapais nerveusement du pied. La femme a fini par lever la tête.
-What do you want ?
J'ai fouillé dans mes poches et j’ai sorti le traducteur que j’avais heureusement pensé à emporter.
-Nous voulons nous inscrire aux jeux magiques.
Cindy a pris son traducteur à elle, et m’a demandé de répéter. Une voix robotique lui a traduit ce que je venais de dire.
-Les inscriptions ont fermé il y a cinquante huit minutes. Revenez au prochain tournoi, a traduit mon appareil.
-S’il vous plaît ! Il faut vraiment qu’on y participe !
-Revenez au prochain tournoi.
-Non, c’est très important !
Elle m’a lancé un regard noir.
-Je ne peux rien faire pour vous. Vous pouvez partir.
Puis elle a replongé la tête dans son ordinateur.
-No, we dont ! ai-je crié en tapant des poings sur son bureau.
Cindy a sursauté et a semblé hésiter à appeler la sécurité. Derek a posé une main sur mon épaule pour me faire signe de me calmer. J'ai remarqué que j’étais essoufflé, quand Athalé est entré dans la pièce.
-Naléiss, Derek ? Venez, je vous cherchais.
-Attends, il faut…
-Venez, je vous dis, a-t-elle répété en sortant.
Derek et moi avons échangé un regard et avons fini par la suivre.
-Athalé, on n’a pas le temps, il faut absolument qu’on arrive à convaincre cette vieille peau à nous inscrire au tournoi et à nous y rendre à temps !
-Pas besoin. Je l’ai déjà fait.
-Tu nous as inscrit ? a demandé Derek. Quand ça ?
-Il y a à peu près une heure. Je me suis réveillé tôt et quand je me suis rappelée que vous ne vous étiez pas inscrit, je l’ai fait. Tenez, vos badges.
-Athalé, tu es la meilleure ! me suis-je exclamé en lui sautant au cou. On t’en doit une belle.
-Mais non, c’est rien ! Allez dépêchons-nous, sinon vous allez être en retard.
On a redécollé vers le hall du stade où on entendait de loin la foule. J’avais du mal à suivre le rythme d’Athalé et il m’a semblé que Derek aussi, même s’il allait toujours plus vite que moi.
-Je vais rejoindre Sélianne et Kevin. On sera là pour vous encourager, mais je ne me fais pas de soucis. Vous allez gagner.
-Merci pour tout.
-Athalé, j’aurai un dernier service à te demander, a dit Derek.
Il a regardé autour de nous pour vérifier que nous étions seuls, et a soulevé le bandeau que j’avais sur le fond. La marque de Sans-Visage s'est révélé, toujours aussi net. Je l’avais presque oublié. Athalé a froncé les sourcils et l’a fait disparaître en posant ses mains illuminées dessus. Elle s’apprêtait à parler quand un gong a retenti en faisant trembler les murs.
-Ça va commencer… Allez s’y, mais je veux une explication après.
Elle s’est engouffrée en courant vers un escalier qui menait aux estrades.
-Tu es prête ? me demanda Derek.
J’ai hoché la tête. Nous avons traversé les vestiaires en courant pour rejoindre in extremis notre représentant Dimitri et son groupe composé d’une petite trentaine de participants qui était sur le point de finir de distribuer les tenues de parades. Il s’agissait d’un t-shirt floqué des couleurs du drapeau de notre pays, avec par-dessus un blazer noir et un pantalon coupe droite. Dimitri nous a remis des badges ronds avec notre numéro de participant. Il m’a regardé épingler sur ma poitrine le 1013, tandis que Derek avait le 1012 avant de retourner à ses activités. Il dirigeait les opérations avec une efficacité presque militaire. Il avait vingt ans, ce qui devait être jeune pour un représentant. Il marchait l’air sûr en fixant droit devant lui.
Quand ç’a été à notre groupe d’entrer dans le stade, tout s'est enchaîné très vite. On a avancé par ranger de cinq qui s’est très vite dissipé, Dimitri menant le groupe en portant le drapeau de notre pays au pas, comme pour les vrais Jeux Olympiques. Pour le mieux, j’étais aux côtés de Derek. J'ai été éblouie par le soleil matinal qui est apparu d’un coup dans ma rétine. Une fois habitué, j'ai pu distinguer plus en détails ce qui se trouvait autour de nous. On était entouré par des gradins immense similaire au célèbre Colisée de Rome, contenant des milliers de personnes, certains venus juste pour l’évènement qui faisaient un boucan assourdissant. Je me suis demandée où pouvait se trouver Athalé, Sélianne et Kevin, bien qu’il m’était impossible de les voir. Notre parade était projetée sur des écrans géants, accompagnée d’une fanfare jouant une musique assez épique. Certains du groupe saluaient le public avec un grand sourire, d’autres sautait de joie. Moi, je me contentais de marcher en regardant devant moi. Des feus d’artifice explosaient au-dessus de nos têtes, ajoutés à des jeux de lumières qui donnait un effet plus désordonné qu’autre chose. Toute cette agitation m’a fait naître un mal de crâne. Mais s’il n’y avait que cela… Je sentais les souvenir de la soirée d’hier essayer de refaire surface, sans y parvenir. J'ai trébuché mais Derek m’a rattrapé. J’ai accepté son aide avec reconnaissance, en ignorant le regard réprobateur de Dimitri. On s’est arrêté sur la pelouse à gauche d’un autre groupe, finlandais vu leur drapeau et le tenu traditionnel. Chaque joueur regardait un balcon avec cinq personnes qui applaudissaient tout en souriant en discontinu. Chacun était assis sur un grand siège en forme de trône au-dessus duquel était placé un totem différent. J'ai compris qu’il s’agissait des Anciens.
Le premier que j'ai reconnu a été Guiren, à qui on devait la barrière protectrice de l’île. Les années avaient marqué ce fondateur qui était le seul encore en activité. Des rides creusaient son visage constellé de tâches. Quelques cheveux gris encadraient son crâne, de la même teinte terne que ses sourcils broussailleux et qu’une petite barbiche étonnamment bien taillée. Son corps squelettique flottait dans son tangzhuang vert, un habit traditionnel chinois. Ses yeux entre-ouvert, dû à son origine Asiatique, nous donnait l’impression qu’il somnolait, épuisé par tant de décennies dévouées aux Protecteurs, mais même d’où j’étais, j’apercevais un éclat perçant au fond de ses prunelles.
À sa droite siégeait la maîtresse de la terre, Youna. Ses cheveux étaient coiffés en plein de petites tresses et réunis en queue de cheval haute. Sa peau était noire comme la nuit et brillait sous les rayons du soleil matinal.
Tout à gauche était placée une petite femme à la coupe au carrée qui n’arrêtait de remonter ses lunettes sur son nez. Il s’agissait de Céleste, maître du ciel. Malgré le fait que son nom et sa spécialité soient reliés comme si c’était un signe du destin, elle ne paraissait pas du tout à sa place.
Enfin, à l’autre extrémité un jeune garçon à la peau bronzée et aux lunettes de soleil levait les bras pour accueillir les applaudissements qui devaient normalement revenir aux joueurs. C’était Caleb, qui s’occupait visiblement depuis peu du maintien des portails. Guiren lui jetait des coups d’œil en le sommant d’arrêter, mais ça ne semblait pas fonctionner. Il portait une chemise hawaïenne ouverte et un short qui lui donnait un air de surfeur.
Sous eux se dressait une grande dalle en marbre noir. « MUR DES Vainqueurs » y était écrit en lettres dorées, avec dessous une liste de nom mais j’étais trop loin pour les lire.
Une dernière équipe est venue de placer sur le terrain. Des confettis ont été lâchés au-dessus de la loge des Anciens et une banderole s’est déroulée avec écrit « 17ème ». Les Anciens se sont levés ensemble et le silence s’est fait instantanément dans l’assemblée réunissant plus de vingt mille personnes venant des quatre coins du monde.
-Magicienne, magicien bonsoir ! Et bienvenue dans cette vingt quatrième édition des jeux magique ! ont-ils dit d’une même voix.
À partir de ce moment, chaque a parlé à son tour, dans un enchainement parfait. Ils avaient dû jeter un sort au stade pour que tout le monde les comprennent, peu importe leur origine. Guiren a commencé d’une voix rauque pourtant forte :
-Nous sommes ravis de vous retrouver aujourd’hui.
-Ne vous inquiétez pas, on ne va pas parler des heures pour dire des choses en l’air, a poursuivi Caleb. On va être simple et efficace.
-Vous êtes plus de mille à être inscrit pour ces jeux qui s’annoncent grandioses, pour tenter de remporter la victoire.
-Toutes ses couleurs que vous portez vous vont à merveilles, mais elles sont inutiles.
-Car voyez-vous, en ce lieu, nous sommes différents mais nous formons une seule nation, unie pour la paix et la prospérité.
-Alors, si vous l’accepter, on voudrait vous proposer quelque chose… de plus uni.
Youna a levé les bras, et nos drapeaux ainsi que nos vêtements se sont mis à resplendir. Ils se sont volatilisés pour être remplacées par le blason de l’île et des tenues couleur doré. Mais pas assez vite… J’ai eu le temps d’apercevoir la cicatrice sur ma poitrine. « Je te vois… » Je me suis mise à trembler alors que je sentais une nouvelle fois une lame tracer ses mots. Mais ça ne s’est pas arrêté là. Elle a continué son chemin, en traçant un sillon. J'ai senti des hématomes se former tandis que mes côtes se cassaient. La peau de mon cou a été brûlée et ma jambe gauche s’est brisée en miette.
J’ai levé la tête, en sentant le regard cruel de mon agresseur perdu dans la foule sur moi, mais les gens autour de moi avaient disparu. J’étais seule. Il faisait nuit et un peu frisquet, pourtant j’étais vêtu d’une belle robe blanche. Mais elle était maculée de sang. Je me suis recroquevillée en me bouchant les oreilles. J’entendais une voix, sans en capter ses mots. J'ai discerné un sourire, sans voir de visage. J’ai senti/humé un parfum, sans le reconnaître. J’ai perçu une main touchée ma peau, sans en saisir la chaleur. Mais dans ma bouche, le goût du sang était clair.
-Naléiss !
Une fois de plus, la voix de Derek m’a sorti de ma transe. J’étais de retour dans le stade, avec lui, accroupi près de moi. Les gens autour nous regardaient bizarrement, sans bouger. Je tremblais toujours, le souffle court, tout en m’agrippant au bras de Derek comme une bouée de sauvetage. Toutes les blessures avaient disparu, mais elles laissaient encore un souvenir douloureux.
-Tout va bien, a murmuré Derek en me berçant. C’est fini…
-Nous souhaitons à chacun et chacune bonne chance, et que le meilleur gagne ! ont terminé les Anciens.
Toute la foule s'est mise à les acclamer, puis les participants sont dispersés. Je me suis levée péniblement tout en m’appuyant sur Derek. Les épreuves n’avaient pas commencé que je me sentais déjà épuisée. Ca commençait mal… Alors que nous nous suivions docilement les autres joueurs, trois types sont venus à notre rencontre en nous bloquant la route.
-Ba alors princesse ? a lancé l’un d’eux avec un accent qui m’était inconnu. On n’a pas beaucoup mangé ce matin ? Il aurait mieux fallu rester au lit, ici, c’est pas un lieu pour les petites poupées fragiles comme toi. Viens avec nous, on a deux trois trucs sympa à te donner, ça va te requinquer.
J’ai senti Derek se crisper contre moi, aussi, j’ai décidé de prendre les devants. Je me suis redressée de mon mieux en les regardant le plus dignement possible.
-Merci mais je me sens mieux, en souriant ironiquement.
Il s’est penché vers moi et m’a regardé de travers.
-Numéro 1013 ? Ca porte malheur. Fait quand même attention princesse… Un accident est si vite arrivé.
-C’est une menace ?
-Peut-être bien.
-Assez, je vous ai déjà trop vu vous trois, est intervenu Dimitri. Déguerpissez, avant que je m’énerve.
Sans demander leur reste, le groupe s’en est allé. Notre représentant nous a fait face de toute sa hauteur. Il était encore plus impressionnant de près. Il faisait une tête de plus que Derek. C’était un mec grand et baraqué, avec qui on n’a pas envie d’avoir de problème. Ses cheveux étaient en pagaille, à croire qu’on l’avait tiré du lit de force, mais dans ses yeux se reflétait un esprit vif et calculateur. Il s’est adressé à nous avec un fort accent russe.
-Naléiss Freeds et Derek Wilter. Vu que vous vous êtes inscrit ensemble, votre première épreuve se déroula en même temps. Il s’agit de la course des structures, pour la suite on verra plus tard. Vous avez rendez-vous dans trente minutes à l’entrée du stade. Passez par les vestiaires pour vous changer. Ne soyez pas en retard.
Il s'est retourné, mais a fini par revenir sur ses pas.
-Même si ça n’en a pas l’air, cette compétition est tout sauf un jeu. Ce n’est pas parce qu'il n’y a pas de limite d’âge pour participer que ce n’est pas dangereux. Toutes ces personnes que vous voyez autour de vous, sont là uniquement pour gagner. Elles se battent pour elle-même. Ici, notre drapeau n’a aucune importance. Elles se battent pour obtenir un des objets proposés à la foire pour après les revendre et s’en faire une fortune. Elles se battent pour que leur nom soient gravé sur le Mur de Vainqueurs. Elles se battent pour avoir le titre de Grand Mage, avoir une place haute dans cette nouvelle société et avoir l’admiration qu’elle engendre.
Je l’ai fixé quelques secondes sans rien dire.
-Je le sais tout ça, ai-je affirmé en affrontant son regard.
-Dans ce cas, tu dois aussi être au courant qu’à chaque fois, des gens sont gravement blessés, parfois mortellement.
-Oui, je le sais aussi. Je me suis inscrite en toute connaissance de cause. Et sache que je suis encore plus motivé que toutes ses personnes. Moi aussi, je suis prête à tout pour remporter la victoire. Tu n’as pas à t’en faire pour moi.
Il m’a examiné pendant un instant en plissant les yeux comme pour juger ma détermination puis a souri.
-On croirait entendre ma sœur… Tiens, mange ça, ça va te redonner des forces, a-t-il dit en sortant ce qui semblait être un paquet d’algues sèche d’une de ses poches. Ne t’en fais pas, c’est autorisé par le règlement. Et un dernier conseil pour la route : quand tu rentres sur le terrain, peu importe tes problèmes, oublie-les. Ne penses qu’à une chose : la victoire. Allez, bonne chance petite. Salut Derek.
Lorsqu’il fut parti, j'ai demandé à Derek :
-Tu le connais ?
-Il y a longtemps… Allons-y, a-t-il dit en se dirigeant vers la sortie.
Je l'ai suivi sans poser plus de questions. J'ai coupé avec mes mains ce que m’avait donné Dimitri pour en offrir la moitié à Derek qui a accepté avec reconnaissance. Après tout, lui non plus n’avait pas vraiment passé une bonne nuit, et par ma faute.
-C’est quelqu’un de bien, a-t-il fini par dire.
Et, on est entré dans les vestiaires, prêts à affronter la première épreuve. Ensemble.
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Naléiss Freeds
ParanormalNaléiss Freeds est une jeune fille qui entre en 2de dans une nouvelle ville, un nouveau lycée, où elle ne connaît personne, et c'est pour le mieux. Cependant, un groupe d'élève semble s'intéresser à elle. Alors que Derek, Athalé, Sélianne et Kevin e...