Naléiss Freeds

Chapitre 25

   Après que tout le monde ai mangé sauf moi à cause de mon putain de mal de gorge, chacun est rentré se reposer dans les tentes, mais je ne les ai pas suivis. Je ne supportais pas de rester sans rien faire, surtout maintenant que plus rien ne nous empêchait de partir. J’avais l’impression d’être pleine d’énergie. L’impression seulement, car dès que je me levais, tout se mettait à tanguer et après avoir fait trois mètres, je m’effondrais. J’ai poireauté pendant une heure avant de prendre une branche morte comme appuie et de m’avancer vers la forêt.

-Tu vas affronter Sans-Visage ou tu vas encore essayer de te noyer ? m’a dit Derek en sortant de sa tente.

-Tu m’espionnes ? lui ai-je demandé en réprimant un sourire.

-Non je vérifie juste que tu ne fasses rien d’imprudent.

-Et bien je vais simplement me balader si tu veux tout savoir.

-Alors je viens avec toi.

   Sur ce, il s’est emparé de ses bâtons de marche et est entré dans le bois. Je l'ai suivi en réprimant un soupir. J’étais partagé entre le fait d’être heureuse qu’il m’accompagne, et le faite d’être énervé qu’il juge que j’ai besoin d’être surveillé comme un gamin. Dans le ciel, toujours aucunes perturbations en vue. Mais on ne savait pas pour combien de temps… Sans-visage pouvait lancer une attaque n’importe quand. Il fallait se dépêcher de reprendre la route.

   Actuellement, j’étais concentrée sur d’autres choses… Sur Derek par exemple…  Nous marchions côte à côte. Il me dépassait d’une bonne tête. Je me sentais petite à côté de lui, mais aussi en sécurité. Seul le bruit de nos pas dans la neige troublait le silence. Nos respirations se mélangeaient pour ne former qu’un nuage de buée épaisse. Mais la mienne était hachée. Je peinais pour suivre son rythme pourtant lent. Je le regardais discrètement : quelques flocons s’étaient pris dans ses cils, et il avait les lèvres gercées. J'ai pensé à lui proposer mon baume à lèvres, mais je me suis ravisée. Il doit sûrement en avoir un…

-A terre, a murmuré Derek en s’accroupissant derrière un arbre.

   Je me suis exécutée et j’ai suivi son regard. Un chamois se trouvait à cinq mètres de nous. Je me suis réprimandée en me disant que je devais être plus attentive et sur mes gardes, même quand je me pensais sur autre chose. Je me suis sentie rougir et j’ai espéré que Derek ne le remarquerait pas. J'ai reporté mon attention sur l’animal. Il broutait tranquillement l’écorce d’un arbre, sans se soucier de nous. Après un instant, je me suis relevée et me suis approchée.

-Naléiss attend ! C’est peut-être un piège.

-Non je ne crois pas.

   En faite, j’en étais même sûre. J'ai continué à m’approcher, pas à pas, tout en me baissant au maximum pour éviter de lui faire peur. Il n’a pas tourné la tête mais je savais qu’il m’avait vu, grâce à ses pupilles horizontal. J'ai posé doucement la main sur son pelage. Il a levé la tête et m’a toisé pendant un instant, avant de s’en aller.

-Il veut qu’on le suive.

-Comment tu le sais ? m’a demandé Derek, étonné.

-Je le sais, c’est tout.

   Comme pour me donner raison, le chamois s’est arrêté et a bêlé. Nous l'avons rattrapé comme on le pouvait. Chaque inspiration me coûtait, et je devais faire de mon mieux pour ne pas grimacer de douleur. Arrivée à sa hauteur, il m’a donné un petit coup de tête dans ma main pour me faire comprendre de m’appuyer sur son encolure.

-Quelle galanterie ! ai-je tenté de rire.

   Derek a levé les yeux au ciel en souriant.

-Frimeur.

-Comment on pourrait l’appeler ? ai-je repris.

-Moi je trouve qu’il ressemble à Kevin.

   J'ai pouffé tandis que le pachyderme a donné un coup de tête à Derek.

-Je ne pense pas que ça lui plaise vraiment…

-Pourquoi pas… Michel ? ai-je proposé.

-C’est validé pour moi.

-Très bien. Alors enchanter Michel.

   Notre nouvel ami avait l’air d’apprécier son prénom car il a bêlé à nouveau. Michel nous a guidé à travers les arbres. Mais pendant que nous marchions, les vertiges sont revenus et ma vue s’est brouillée. Je me suis agrippée au pelage de Michel pour éviter de tomber, en espérant que ne me prendrais pas les pieds dans des racines. Je sentais mes jambes trembler sous moi. A force de cligner des yeux, le mal de tête a disparu et j'ai pu de nouveau me diriger moi-même. Derek n’a pas semblé avoir remarqué mes étourdissements, et t’en mieux. Il fallait que je retrouve vite mes forces avant que ça n’empire…

   Michel nous a emmené en amont d’un ruisseau, jusqu’à une cascade gelé d’une dizaine de mètres de hauteur.

-C’est splendide ! s’est exclamé Derek.

   De mon côté, je me suis tout de suite sentie électrisée par cet endroit. J’avais une envie irrépressible de m’approcher. J'ai fait plusieurs pas pour me retrouver au pied de cette création de la nature.

-Attention Naléiss, tu ferais mieux de reculer, ça pourrait être dangereux.

   Je n’ai pas entendu Derek. J’étais envoûté par cette structure. Des gouttes glissaient le long de la paroi pour la sculptées et venaient s’écraser par terre. En état de transe, j’ai enlevé mes gants, les ai jetés par terre et j’ai posé ma main droite contre la glace. Un froid mordant est venu directement me la brûler. J'ai tenté de la retirer mais elle était collée.

-Qu’est-ce que tu fais ? Naléiss revient s’il-te-plait.

   Au lieu de ça, j’ai encré fort mes pieds dans le sol et j’ai poussé avec ma main contre la paroi, aidé de l’autre accrochée à mon poignet. J’ai fini par réussir à l’enfoncer dans la glace jusqu’à l’avant-bras. Puis j'ai continué jusqu’au coude. Puis jusqu’à l’épaule. Puis ça a été le tour de ma jambe droite. Je me faisais aspirer. Quand ma tête a pénétré, j’ai soudainement eu très chaud. Je fondais. J'ai perçu mon buste être englouti avec mon autre jambe, et ma main gauche vouloir suivre le mouvement mais quelque chose la retenait. J’étais tirée dans les deux directions opposées, presque écartelée. J'ai voulu crier, mais il n’y avait plus de son. Plus de lumière. Plus d’air. Puis, comme si un lien était rompu, j'ai basculé de l’autre côté.