Chapitre 22

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Je ne sais pas ce que je suis censée faire maintenant sincèrement. Il doit être deux heures du matin et j'ai envie de dormir. Pas d'entendre les ébats sexuels des gens.

Au bout d'une demi heure je me décide à agir : je ne vais pas pouvoir supporter plus longtemps tout ça. Je ne sais pas c'est quoi qui me choque le plus entre la durée qu'ils prennent ou le bruit qu'ils engendrent. Vu les plaintes de sa partenaire, je ne sais si elle est une superbe simulatrice ou bien si Alexandre performe pour une fois dans quelque chose. Je penche vers la première option même si une partie de moi se rappelle de la longueur de ce que j'ai agrippé sous l'eau. Pourquoi se font ils aussi bruyants alors qu'Alexandre sait très bien qu'il n'est pas seul ? J'imagine que ça ne le gène pas et que ça doit renforcer sa virilité.

Je frappe à sa porte et m'élance une bonne fois pour toute.

- Désolée de vous déranger pendant votre petit jeu, mais y'en a qui aimeraient ne pas entendre.

Je n'ai le temps de retourner à ma chambre qu'une voix étouffée résonne derrière la porte.

- Il y a des boules quies pas chère au Walmart du centre ville. il se fout de moi, entre deux souffles.

C'est alors qu'une impression de déjà vu me gagne. Moi, Gabi, Raph et Alexandre cette après midi au Music Without limits. Gabriela qui se plaint de toujours devoir porter des boules quies. Son frère qui lui demande d'arrêter de se plaindre et me demande comment moi je fais. Moi qui réponds "J'ai pas encore eu l'occasion de tester quoi que ce soit. Il faut dire qu'Alexandre fait d'avantage fuir les filles qu'autre chose.". Alexandre qui me regarde après d'un air mauvais.

C'est là que je comprends ce qui se passe. Je l'ai touché dans son égo et il veut maintenant se venger. Ce mec est vraiment malsain et possède une soif de respect infini. J'ai le coeur au bord des lèvres tellement je suis écurée. Mes pieds sont fixés au sol et je suis incapable de bouger. Il n'a vraiment aucune limite. Je ne sais à quelle heure Lise risque de rentrer et je commence à croire qu'elle passera sa nuit au bureau. Elle m'avait prévenu donc ça veut dire que son fils est également au courant. Il avait prévu son coup à la perfection...

Je prends une grande inspiration et me bouge de là. L'envie de dormir m'a abandonné alors qu'il fait nuit noire dehors. Logique vu qu'il est deux heures passées. Comme il est hors de question que je dorme sous le même toit que ce mec, je réfléchis à où je pourrais aller. Je ne connais absolument pas cette ville et n'ai ni voiture ni l'envie de déranger mes amis pour qu'ils me ramènent quelque part. Je prends sur moi et me décide à dormir à la belle étoile.

C'est le soleil brûlant ma peau qui me réveille le lendemain matin. Il fait tellement chaud que j'ai l'impression d'avoir couru un marathon. Je baille un grand coup en m'étirant. Il faut dire qu'en dehors des moustiques, j'ai super bien dormi sur ce lit de jardin. Il est presque aussi confortable que mon lit. Je remarque en me grattant que je me suis faite piquer de partout. J'aurai dû mettre une moustiquaire. Je saurais la prochaine fois. A vrai dire je compte retenter l'expérience. Rien de mieux que l'extérieur. Au moins ça me permettra de ne pas être dans une chambre juste à côté d'un psychopathe. Je parcours des yeux le jardin quand quelque chose attire mon attention dans la piscine. Je descends donc du lit et me rapproche afin de comprendre de quoi il s'agit. C'est alors que j'aperçois un corps humain flotter sur le ventre en plein milieu. Vu la carrure et les cheveux de la personne, je comprends immédiatement que c'est Alexandre. Une façon de nager aussi étrange que lui. Je reste quelques secondes là, à l'observer, attendant à ce qu'il lève la tête. Mais il n'en fait rien. Pourquoi est ce que donc son corps ne bouge pas ? Cela doit faire presque une minute et malgré que je n'éprouve que du dégoût envers lui, le stress me prend. Je me décide de me placer au bord et de l'interpeller.

- Alexandre ?

Aucune réponse. Aucun mouvement. Une statue.

- Aller arrêtes ton jeu c'est pas drôle. j'essaie de le faire parler d'une voix étranglée.

Mes jambes ne sont plus que du coton tandis que mes mâchoires se contractent. Je frissonne face au silence qui envahit l'air. Un silence bien trop familier. Je lutte de toute mes forces pour chasses les images cauchemardesques qui me reviennent, en vain. Tout ceci me rappel beaucoup trop de choses. Des choses dont je ne me suis toujours pas guéris et que j'essaie toujours d'oublier. Je ferme les yeux et je replonge quelques mois en arrière, juste après la mort de mes parents.

- Oncle Warren ? je l'interpellai en toquant à la porte de sa chambre. Alors, on a reçu la réponse du juge ?

Etonnamment, je ne reçois aucune réponse. Intriguée, je retente.

- Tu devrais l'avoir reçu sur ton téléphone à l'heure qu'il est, non ?

Mon oncle attendait cette réponse encore plus que moi. Je suis la seule personne qui lui reste et on est tellement proche que si l'on était séparé, on en mourrait tous les deux. Alors ça me surprend qu'il ne me réponde pas dans un moment aussi important, que la réponse soit positive ou négative. Je me rassure intérieurement en me disant qu'il doit être occupé à je ne sais quoi.

- Tu es occupé ou je peux rentrer ? je demande, maintenant d'une voix moins enthousiaste.


Aucune voix ne m'invite ou me contredit. Aucun son qui prouverait qu'il est présent dans cette pièce, pourtant je sais avec certitude qu'il est là. Qu'est-ce qui passe là dedans ?

Sans savoir pourquoi, je sens une boule se former dans mon ventre. Des frissons me parcourent le corps tandis que mon coeur tambourine dans ma poitrine. Pourquoi me répond il donc pas ?

- Bon, je vais entrer car je commence à m'inquiéter. je le préviens d'un ton angoissé.

Je tourne la poignée. Je passe ma tête dans l'entrebaillement de la porte. Mes yeux parcourent d'abord sa chambre à une certaine hauteur. Personne. C'est alors que mes yeux carressent le sol. Non. Pas ça. Mon oncle. Allongé sur le ventre. Face au sol. Du sang. Partout autour de lui. Partout sur lui. Je veux crier.Ma bouche est entrouverte. Mais aucun son ne sort. J'ai envie de le prendre. De le secourir. Mais mes pieds ne m'obéissent pas. Tout mon corps est figé. Je comprends pas. Ma respiration est bloquée. De l'air. J'ai besoin d'air. Ma poitrine me fait mal. Un couteau y est enfoncé. Un hurlement. De la terreur. Quelqu'un hurle à plein poumons. Ma grand mère surgit derrière moi. Elle me demande pourquoi je crie. Puis elle le voit. Elle se jette à son secours. Des larmes envahissent son visage. Elle retourne celui de mon oncle. Il est sans vie. Mamie revient vers moi. Je me sens secouée. Elle me secoue par les épaules. Elle me parle. Mais je ne l'écoute pas. Mes yeux restent figés sur ses mains. Ses mains sont couvertes de sang. Du sang. Son sang. Celui d'oncle Warren. La seule personne qu'il me reste. Mes oreilles bourdonnent. Tout tourne autour de moi. Tout est flou. J'ai l'impression de rêver. Je suis détachée de mon propre corps. Je tombe. Je tombe et tout devient noir. Je me vois perdre connaissance. Je lutte. De toutes mes forces. Mais rien. Je veux le sauver. Je veux le garder à mes côtés. Je veux mais ne peux point. Je suis beaucoup trop faible. Je suis bonne à rien. Je n'attire que la mort.

Je cligne des yeux un nombre incalculable de fois. Des larmes. Elles coulent à flot sur mon visage. Il faut que je me reprenne. Maintenant. J'enfonce mes ongles dans la paume de ma main. Je me concentre sur cette douleur. Ma chair se déchire tandis que je reprends le contrôle de mes jambes. Alexandre. Je dois sauver Alexandre. Ma paralysie disparait. Je me jette à l'eau. Je le rejoins à la nage. Aussi vite qu'il m'est possible. Je le secoue. Il ne bouge pas. Ma gorge est sèche pourtant je trouve une force surprenante à parler.

- Alexandre...s'il te plait.réveilles toi. Je le supplie d'une voix saccadée.

Quand je le retourne enfin après de terribles efforts, mon visage devient presque blanc et je sens mon coeur rater un battement.

Lui, moi et le désarroi.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant