Chapitre 29

279 14 0
                                    

Je reste figée face à lui. Mes yeux passent de cette seringue qu'il retire maintenant de sa peau à son visage.

- Putain tu comprends pas quoi dans ne viens pas. il me crie en fermant violemment la porte derrière nous.

Je sursaute face à sa façon de se comporter. Il se rassit ensuite, comme m'ignorant et jette la seringue à l'autre bout de la pièce étroite. Il s'allume ensuite un énième joint et commence à le fumer. Le silence nous envahit et je déglutis. J'ai peur d'agir. Une partie de moi me hurle de me barrer de cet endroit. Etre avec un toxicomane qui me déteste dans un endroit aussi reculer et à la porter de vue de personne, devrait me faire peur. Pourtant, quelque chose chez lui me donne l'impression que je ne crains rien. Comprenant que j'allais pas bouger, il finit par se lever. Je le vois tanguer et cligner plusieurs fois des yeux avant d'enfin se placer à quelques centimètres de moi.

- Tu n'as rien vu c'est clair ? il me fait comprendre en me foudroyant du regard.

Je mime le fait de coudre ma bouche et lui donne un sourire qui se veut rassurant. Je dis vrai. Je ne me mêlerai pas de ses problèmes. C'est les siens, pas les miens.

- On y va. il m'ordonne en ouvrant la porte.

Quand on sort, tout le monde nous dévisage et je sens mon coeur s'emballer. Je marche derrière Alexandre quand un mec nous interpelle. Il doit avoir la trentaine mais mentalement, cinq ans.

- C'était un bon coup ou pas ? Faut dire que je lui ferais toutes les positions moi. il bouge son bassin en imitant des gémissements.

Je vois le dos du fils de ma tutrice se raidir et se tourner vers nous. J'observe à quel point il serre ses poings et la manière dont sa mâchoire est contractée. Il s' avance vers nous d'un pas déterminé et menaçant. Le vieux plouc continue de rigoler tandis que des sueurs froides s'emparent de mon corps. C'est alors qu'Alexandre le prend par le col de son t-shirt et le soulève du sol.

- Tu sais ce que j'en fais des gros tas de merde dans ton genre ? il lui chuchote fermement. Je leur arrache leur mâchoire. Et plus jamais ils redisent des conneries.

Sa proie déglutie maladroitement et s'étouffe avec sa propre salive. Il commence également à manquer d'air et devient rouge. Alexandre le jette violemment au sol et lui crache un mollard. L'autre peine à se remettre de ses émotions et agonise au sol. Pleins de gens nous entourent maintenant. Ni une ni deux, Alexandre m'attrape le bras et m'entraine à l'extérieur. Sa main est super chaude et je m'en sépare une fois que nous sommes sortie de cette rue pleine de bruits et d'agitations. Je le remercie timidement.

- Je l'ai pas fait pour toi. Je l'ai fait parce qu'une femme ne devrait jamais recevoir ce genre de paroles. il dit simplement en prenant une taffe.

Je hoche la tête, comprenant le message.  Bien sûr qu'il s'en fiche de comment on me parle. Je suis bête, c'est Alexandre.

- On va attendre qu'un taxi passe. je déclare d'un ton qui se veut déterminé et sans émotion.

Il ne me répond rien et continue de faire les cents pas. Je ne sais pas pourquoi il est autant anxieux mais ça devient de pire en pire. Je me demande comment il fait pour tenir encore debout après tout ce qu'il a pris. Comme par hasard, à ce moment, je le vois tanguer et je le rattrape.

- Me touches pas. il marmonne difficilement.

Je souffle tandis que je suis écrasée par tout son poids. Son corps est tout tendu. Il faut dire que c'est un tas de muscles ce mec. Heureusement, un taxi arrive au même moment. Je l'interpelle et en moins de deux minutes, nous sommes installés sur la banquette arrière.

- Je vous ramène où ? nous demande le chauffeur.

- Euh... C'est quoi l'adresse de la maison Alexandre ?

Ce dernier semble être dans un autre monde car il regarde le toit de la voiture comme si c'était la première merveille du monde.

Le chauffeur s'impatiente et tapote sur le volant.

- Vous connaissez les Davies ? Vous voyez Lise Davies ou Jacques ? je tente en me faisant juger fortement.

Il soupire puis hoche la tête.

- Ah ces gosses de riches... je l'entends murmurer.

Je ne retiens pas sa remarque et ouvre les fenêtres. Si on se fait arrêter par la police, ça risque de mal finir. Je prie intérieurement pour arriver le plus vite possible.

- La prochaine fois faites doucement sur la beuh. Ma voiture empeste. il rechigne quand on descend.

Je lui fais un doigt d'honneur en même temps qu'Alexandre. Je ricane face à notre coordination. Lui aussi et j'en suis surprise. C'est clair qu'il n'est pas dans son état normal.

J'ouvre doucement la porte et me fais toute petite. Je vérifie si Alexandre suit bien. Je crois qu'il est en petite redescente et que le pire était tout à l'heure, dans le taxi. Après avoir traversé le salon sur la pointe des pieds, toutes les lumières s'allument brutalement sur nous. Cela arrache une plainte à mon suiveur qui se cache les yeux avec ses mains. C'est alors que j'aperçois son père dans les escaliers. Il est en peignoir, les cheveux tout ébourrifés. L'air grave, il nous dévisage l'un après l'autre.

- Je peux savoir vous venez d'où ? il hurle tout en descendant les marches super rapidement. Et c'est quoi ces tenues ?

Un mauvais pressentiment me gagne en même temps que la peur. Cet homme est violent dans ses paroles et son ton est remplie de haine. Je suis pas sa fille et je devrais m'en foutre qu'il me fasse la morale pourtant. Je me retourne vers Alexandre et me rends compte qu'il est blanc comme neige. Ses yeux sont grands ouverts et je le vois passer sa main dans ses cheveux en boucle. Je ne l'avais jamais vu dans cet état...à part tout à l'heure. Et si c'était son père la cause de tout cela ? Etant donné qu'aucun de nous deux ne répond, il continue en se mettant à moins d'un mètre de nous.

- Je vous ai posé une putain de question. Vous êtes sous mon toit. Alors répondez !

Je déglutis et fais un pas en avant, décidée à ne pas me laisser faire. Il n'a aucun droit à nous parler comme ça. En plus, j'ai prévenu Lise, ce n'est pas comme si j'avais fais le mur. Et puis merde je suis pas sa fille. Mais Alexandre me fait reculer en plaçant son bras devant moi, comme pour me protéger.

- Vas dans ta chambre. il m'ordonne sèchement.

- Y'a pas moyen. je m'énerve à mon tour. Je peux très bien me défendre toute seule.

Lui, moi et le désarroi.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant