01. De retour

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Mes mains tremblent comme une enfant qui vient de faire une grosse bêtise, mais pour une fois, je n'ai rien fait. Au contraire, j'ai été tellement sage que mes parents m'ont fait quitter l'internat universitaire pour personne perturbatrice qui est à l'autre bout du pays.

Je rentre enfin à la maison, Boston. Cela m'avait manqué. Je devrais être heureuse, mais je suis terrifiée d'être à nouveau sous l'autorité de ma famille. Cela fait trois ans que je n'ai pas vécu dans la maison familiale. Je regarde par la fenêtre juste avant que la voiture ne rentre dans la propriété. Il fait presque nuit, le soleil disparaît à l'horizon du quartier chic. J'ai un sentiment étrange de nostalgie et de peur. J'aimerai aller dans la ville que je n'ai pas vu depuis longtemps, mais je sais que je ne vais pas pouvoir y aller. Ma famille m'attend à la maison.

Le chauffeur, qui est venu me chercher à l'aéroport, me donne mes deux valises quand je sors de la voiture garée. Ma famille m'attend sur le perron de leur riche demeure. Mes sœurs, Andriana, ma jumelle, et Kassie ne me regardent absolument pas. Je vois que je ne leur ai pas manquées. Il faut dire qu'elles adorent la mondanité, ainsi que l'ordre, et que moi, j'ai un certain problème de discipline. Donc on a du mal à s'entendre.

Ma mère, celle qui a décidé de m'envoyer à l'internat car je ne correspondais pas à l'enfant qu'elle voulait, me regarde de la tête aux pieds. Elle s'attendait peut-être à voir son ancienne fille, celle aux cheveux teint en noir, avec plein de percings aux oreilles, habillée en noir avec ma veste en cuire. Mais non, on m'a viré une fois de cette maison, on ne le refera pas deux fois. A présent, j'ai mon blond naturel et je porte une robe blanche assez longue pour qu'on ne me fasse aucune remarque. Je jette un œil à mon père, qui a quelques cheveux blancs apparents, malgré son air fatigué, il paraît approuver ma nouvelle apparence.

Me voilà digne d'être leur fille et de porter leur nom, celui d'une des familles les plus riches de l'État. Je m'appelle Enara Wilson, et au moindre faux pas, je me ferai expulser loin de chez moi, avec aucun retour possible et adieu l'héritage familial.

Dix minutes plus tard, j'installe mes affaires dans mon ancienne chambre, cela fait trois ans que je n'y ai pas mis les pieds. Je vois que ma mère l'a transformée en chambre d'ami pour ne pas avoir à expliquer à ses amis où est sa fille.

Soudain, on frappe à ma porte et c'est Kassie qui entre sans que je l'ai autorisée. Elle a un an de moins que moi, mais elle me paraît si jeune. Je n'arrive pas à croire que je ne l'ai pas vu pendant trois ans. J'ai un petit pincement au cœur. C'est mon portrait craché, blonde aux yeux verts. Elle a même un petit air effronté qu'elle prend quand notre mère fait des bonnes manières, exactement comme moi.

D'ailleurs, Andriana, ma jumelle, me déteste. On n'a jamais su se comprendre, et physiquement, elle ne me ressemble pas. Son brun foncé et sa fascination pour la mondanité nous a toujours séparés. Alors quand elle a pu appuyer la décision de maman pour m'éloigner, elle l'a fait. Ensuite, j'ai été envoyé à l'internat.

- Maman veut te voir dans le petit salon.

Kassie parle froidement, digne de Andriana. Je n'ose rien lui répondre. De toute manière, elle est déjà partie. Je sors de ma chambre et me rends dans le petit salon. Mes parents sont installés sur la banquette, et ils m'indiquent de m'asseoir en face d'eux.

- Vous voulez me parler ?

- Ta mère et moi, dit mon père, voulons nous assurer que tu connais les conditions de ton retour.

- Oui, je dois me faire discrète, aller à l'université, revenir à la maison et obtenir les meilleures notes.

- Et plus de sottises, rajoute ma mère.

Le mot "sottises" me fait rire, mais j'évite de sourire et acquiesce. Je ne veux pas être renvoyé à l'internat. J'ai vingt et un ans, cela me tue de dépendre d'eux encore.

- Est-ce que je pourrais au moins sortir ? demandé-je.

- Pas sans une de tes sœurs, mais nous préférons que tu restes au calme à la maison.

- Et pour faire du sport ? J'aime courir, on le faisait à l'internat.

Ma mère grimace, mais elle préfère me savoir en train de courir, plutôt qu'avec d'anciens amis et d'échapper à son contrôle. Quand je pense qu'ils ne m'ont pas demandé une seule fois comment je vais... Ma mère accepte que je fasse du sport et j'en suis ravie.

Mes parents ont déjà dîné, visiblement mon retour ne leur fait ni chaud, ni froid. Ils me renvoient dans ma chambre. Je croise ma jumelle dans le hall.

- Bonjour Andriana, lancé-je.

Ce n'est que par gentillesse que je lui parle. Une part de moi a toujours envie de se venger pour ce qu'elle m'a fait trois ans avant. Elle semble presque me remarquer pour la première fois quand elle lève les yeux vers moi. Je vois dans son regard un mépris qui me donne des frissons. Elle me terrifie.

- Ne m'adresse pas la parole.

Et Andriana s'en va. Je remarque qu'elle porte une robe de soirée. J'ai un pincement au cœur, j'aimerai sortir moi aussi. Je réprime aussitôt cette idée. Je dois me tenir à carreaux, et cela veut dire que je dois rester à la maison.

Quand je croise Kassie, juste après, avec une tenue de soirée, je suis piquée par la jalousie. Je vais dans la cuisine, et cette fois, je baisse le masque de la fille forte et je lâche des petites larmes.

- Enara ! Comme je suis heureuse de te voir.

J'essuie mes larmes. C'est la cuisinière, Sophie, une femme d'une quarantaine d'années qui a les cheveux pratiquement blanc sûrement à cause du stresse. Travailler avec ma mère n'est pas de tout repos, sachant que celle-ci déteste Sophie pour une raison qui m'a toujours échappée. Elle me prend dans ses bras très longtemps avant de me regarder et me dire :

- Tu as tellement changé, tu es tellement plus...

- Riche, complétée-je en rigolant.

- On dirait ta mère. Heureusement que tu ressembles plus à ton père, sinon tu me ferais peur.

- C'est le pire compliment que tu pouvais me faire. Mais je suis aussi contente de te revoir.

Sophie a toujours travaillé ici et elle a sûrement été la seule à pleurer mon départ. Je crois qu'elle me considère un peu comme sa fille. Je lui demande si elle peut me faire quelque chose à manger et elle se met tout de suite aux fourneaux. Elle chantonne et je me rappelle à quel point j'aime être dans cette cuisine avec elle.

Plus tard, je m'éclipse dans ma chambre et m'allonge dans mon lit. Un courant d'air passe par ma fenêtre ouverte. J'ai terriblement envie de sortir. J'ai cru entendre dire que les filles allaient chez Chloé, qui organise une soirée. Sophie me l'a peut-être dit, sans savoir que cela me donnerait envie d'y aller. Je pourrais m'éclipser par la fenêtre et aller discrètement à cette soirée, en évitant mes sœurs, et en revenant sans que personne ne le sache. Ma porte est fermée à clé et mes parents dorment déjà.

Non, je ne devrais pas... Trop tard, j'enfile déjà une robe noire trop courte selon ma mère, des talons et je sors par ma fenêtre. Finalement, je n'ai pas trop changé.

Five HeartsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant