28. Jamais là

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Toute la journée, je ne fais rien. J'ai la flemme de faire quoi que ce soit. La confrontation avec ma mère m'a totalement foutu en l'air. Je suis en colère.

J'échange des messages avec Spencer pour prendre de ses nouvelles. Apparemment, il va pouvoir sortir dès ce soir si sa fièvre ne remonte pas. C'est une bonne nouvelle. Lili a tenté de me joindre pour travailler, mais je n'ai pas décroché.

En fin de soirée, quelqu'un frappe à ma porte.

- Qui que ce soit, dégagez !

- Ouvre la porte ! C'est ton père !

- Va voir l'autre taré et dis-lui d'aller se faire foutre !

- Tu parles autrement et tu m'ouvres cette porte !

Il frappe sans relâche contre ma porte. Je sors de mon lit et lui ouvre en le suppliant d'arrêter de crier. Dès qu'il voit mon visage, il se fige. Je n'avais presque plus l'hématome de Noah, mais maintenant, j'ai quatre pansements qui couvrent la partie gauche de mon visage pour couvrir les griffures de ma mère.

Mon père a la bouche grande ouverte en me voyant. Je constate qu'il est encore en costume, il vient tout juste de rentrer du travail. On a dû le mettre au courant pour la confrontation avec ma mère.

- Ma chérie...

Il tente de toucher mon visage mais se retient. Je le sens très préoccupé. Il ne peut s'en prendre qu'à lui et à sa femme, j'ai toujours dit qu'elle était folle. Il ne m'a jamais défendu ! Il peut faire le père éploré. Il m'a laissé partir pendant trois ans, il n'a pas chialé une minute.

- Je suis désolé, commente-t-il, ta mère aussi.

J'explose de rire, mais c'est un rire jaune. Il se fout de ma gueule. Je sais qu'elle ne s'excusera jamais, elle a trop de fierté et croit avoir raison. Il croit quoi ? Que je ne la connais pas ? Il n'est jamais là quand elle me tombe dessus. Il n'a jamais été là ! Pas là quand elle me hurlait dessus jusqu'à ce que je n'entende plus rien ! Pas là quand elle m'enfermait dans ma chambre ! Pas là quand elle jetait les affaires ! Pas là quand elle me giflait et se défoulait contre moi !

JAMAIS.

- Va te faire foutre ! Personne ne le dit mais elle est malade ! Je ne sais pas ce qu'elle a contre moi mais je ne veux plus jamais la voir.

- Enara ! C'est ta mère !

- Une mère qui me frappait pendant que tu étais au travail et qui vient de recommencer aujourd'hui ! C'est ça que tu défends ! Jolie famille ! Ouvre tes yeux !

- Enara !

- Arrête de dire mon prénom comme si ça allait arranger la situation ! Tu ne t'es jamais demandé pourquoi j'ai changé ! Pourquoi j'avais besoin de frapper ? Pourquoi j'étais violente ? Pourquoi je prenais de la drogue ? Non, toi, tu travailles. Tu n'as pas le temps !

Je sais que je n'ai jamais dit tout ce que je balance. Je sais aussi que je pleure. Je me suis retenue tout l'après-midi mais je m'effondre pour de bon. Je n'en peux plus d'être ici, d'être avec eux. Je ne veux plus de cette vie et de cette famille. Mes sœurs sont aussi coupables que ma mère. On s'entend mieux depuis mon retour mais elles ont toujours su ce que me faisait notre mère. Elles ont vu à quel point elle était dure avec moi et injuste. Mon père, le gentil, n'est jamais là pour voir ce qu'il se passe.

- Je me suis sentie tellement mal, expliqué-je, pendant des années. Je me détestais. Pourquoi moi, ma maman, ne m'aime pas ? A l'école, les filles parlaient toutes de leur super maman, et moi, elle me terrifiait. J'ai voulu être tout ce qu'elle détestait pour qu'elle ait une raison de me détester !

Five HeartsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant