Five Hearts

42. Les mauvaises filles

Six heures. Quand j'ouvre les yeux, le lendemain, la première chose que je vois est le sommier du lit au-dessus de moi. C'est un rappel brutal, je ne suis plus chez moi, mais à l'internat.

Les souvenirs de la veille me trouent le cœur, je suis d'une humeur massacrante. Ma mère a intérêt à ne plus me rencontrer, car je ne la considère plus comme un membre de la famille. J'hésite même à l'appeler par son prénom. Elle a réussi à se débarrasser de moi, c'est irréel. Combien de temps vais-je passer ici ? Vont-ils remarquer mon absence ? Il n'y a que les garçons pour me tirer de là.

La conversation avec la directrice me revient en tête. Cela aussi, il ne faut pas que je la croise aujourd'hui. J'étais assise dans son bureau et elle me regardait avec son sourire satisfait de me revoir comme si elle avait toujours su que je reviendrai. Ou soit elle savourait le chèque bien épais que ma mère lui a fait pour me garder prisonnière.

- Enara Wilson, je crois que je ne vais pas répéter les règles de l'établissement. Vous les connaissez bien. L'épique éducatif vous demande d'être respectueuse et de suivre les consignes.

- Et si je n'ai pas envie ?

- Vous n'êtes pas d'humeur joyeuse, je peux comprendre. Mais réjouissez-vous, vous allez reprendre vos bonnes habitudes.

- Et si j'en prends aucune ?

- Wilson, ne poussez pas le bouchon, vous savez que nous avons des méthodes de correction particulières.

- Il me semble que je ne les ai pas encore toutes expérimentées, ça sera l'occasion.

- Votre mère nous a laissé carte blanche pour votre cas.

- Je vais vous le dire une fois, directrice. Je vais tous vous traîner en procès à la minute où je sortirai. Ma mère est dans son petit monde, elle croit avoir gagné mais la partie n'est pas finie. Je vais vous anéantir.

- Wilson !

- Profitez bien ! Mais sachez que vous regrettez chacun de vos gestes envers moi.

- Vous êtes aussi indiscipliné ! Je suis la directrice !

- Et moi, je suis retenue contre mon gré ! J'ai des droits ! Et ils vous enverront en prison !

- Vous n'avez aucun pouvoir !

- Bercez-vous d'illusion. Je veux bien être sage, je vous conseille de l'être aussi parce que je ne vais pas rester longtemps.

En vérité, je ne sais pas combien de temps je vais mettre avant de sortir. J'ouvre les yeux car une affreuse alarme hurle dans le bâtiment des dortoirs. J'entends les deux filles de ma chambre s'activer. Hier soir, je suis arrivée tard dans la nuit, et je n'ai pas eu le temps de les rencontrer.

Cependant, je n'en ai aucune envie donc je ne me retourne pas. La directrice m'a mis dans la même chambre qu'avant, d'après elle, elle n'avait trouvé personne pour prendre ma place. Comme quoi le lit de cette chambre m'attendait. J'ai simplement remarqué que le lit de Garance, mon ancienne amie, était pris par une autre fille. Je ne sais pas qui a pris sa place mais ça me met de mauvaise humeur.

J'attends que les filles soient sorties pour me retourner et me lever. Mon uniforme est posé sur le bureau. C'est quoi leur délire d'uniforme ! Ça me fait chier aujourd'hui ! Ma valise traîne au milieu de la chambre, je ne compte pas la défaire.

J'ai un mal de crâne insupportable, il est sûrement dû au fait que j'ai pleuré hier soir dans l'avion. Il y a de quoi pleurer, ma mère m'a expulsé dans un internat pourri, loin de chez moi pour la deuxième fois. Au passage, j'ai perdu tous mes amis. Je ne sais même pas s'ils savent que j'ai dû quitter ma maison. J'enfile la tenue de sport que fourni l'internat, et après m'être attaché les cheveux, je rejoins le reste des élèves pour la course matinale.