On raconte qu'il exista un jour un musicien en compagnie duquel les oiseaux se taisaient, les cours d'eau dans leur lit se retournaient et les hommes dans leur cœur se recueillaient.
On raconte qu'Orphée, arrivé aux enfers joua pour le roi des morts...
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Mam's.
Il appelle sa mère mam's.
Peut être que ça me fait un peu plus dérailler que ça ne devrait. Que ça réchauffe une partie de moi que je n'aurais pas crû pouvoir décongeler grâce à lui.
Voir les personnes les plus sombres de ce pays avoir des liens plus solides que les miens avec leurs parents me fait tomber dans une fournaise.
Je ne sais pas la nature de la chaleur au fond de ma gorge mais elle ne veut pas ressortir. Ça me la rend sèche et brûlante d'une jalousie que je ne me connais pas.
Si je n'étais pas aussi sèche qu'un désert, je pleurerai. Parce que même une famille dont seule la musique permet de voir la douleur peut s'aimer plus normalement que la mienne. Toute la colère qui émane d'eux ne fait pas disparaître l'amour qu'ils portent les uns envers les autres.
Je les déteste.
Mon père a préféré garder son ami, il a sacrifié l'amour de sa femme, a enlevé un père à un petit garçon de deux ans et détruit une gamine qui ne pouvait que penser être responsable du divorce de ses parents, par son incapacité à dire non.
La justice existe-elle ? Pourquoi des ordures ont le droit à ça et pas moi ?
Je ne l'appelle plus que par son prénom parce que prononcer le mot "papa" m'est hors de portée. Il veut oublier qu'il a un jour eu des enfants, ça lui est trop douloureux. Le dernier gosse auquel il s'est attaché est mort dans ses bras après avoir été violé par des soldats ennemis qu'il a dû tuer à mains nues.
J'ai perdu mon père ce jour là, je ne l'ai jamais connu parce qu'il est revenu traumatisé et complètement retourné par l'horreur qu'il avait vu. Et jamais je ne pourrais lui donner de surnom, il a déjà du mal à réagir à un simple "papa".
Les sanglots remontent le long de ma trachée sans dépasser mon cou. Je me tourne vers lui qui nous regarde toutes les deux avec un mélange de colère, d'incompréhension et de ...
—Pourquoi vous l'avez remonté ?
Il regarde le piano, il a toujours un sac sur l'épaule et n'a pas enlevé ses chaussures pleines de neige.
—Ça t'arrive souvent de ne pas répondre au téléphone quand ton cousin et Olivia te posent des questions ?
Elle est douce mais lui fait la morale, pas méchamment, plutôt comme une mère inquiète mais avec une confiance inébranlable envers son fils.
Tsss.
—Tu es là depuis quand mam's?
—Tu as pu faire ce que tu avais à faire ?
Il retire ses chaussures et se dirige vers le bar pour sortir la bouteille de vin de je ne sais où et s'en servir un verre.
