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« —> A Ken Samaras, envoyé à 23h11,

Je sais pas si tu as vu mon message mais j'aurais besoin de ton aide, je suis partie de chez ma soeur , je sais pas trop où aller.
Je suis au parc Pablo-Picasso.»

« —> A Ken Samaras, envoyé à 23h40,

Allez s'il te plaît y'a des types bizarres dans les squares le soir. »

« —> A Ken Samaras, envoyé à 00h23,

???
C'est à cause d'Armelle ? Je sais que ça fait deux semaines que je t'ai pas capté mais je t'assure que j'ai que ton numéro à appeler. »

J'avais fini par arrêter de l'attendre. J'en étais venu à me dire qu'il avait peut être effacé mon numéro, ou que comme moi, il s'était rendu compte que c'était pas normale, une relation amical entre deux personnes avec un écart d'âge aussi grand.

Ou alors, il avait été vexé que je n'ai pas répondu à son dernier message et comme on avait petit à petit perdu notre lien aussi faible soit il, il avait décidé lui meme de ne pas répondre. Je ne sais pas si c'est parce que ça me faisait du mal ou si c'est parce que je ne l'imaginais pas réagir de cette manière, mais je ne croyais pas en cette deuxième option.

Du coup, je préférais imaginer qu'il avait pensé la même chose que moi, enfin, la même chose qu'Armelle m'avait fait rentrer dans le crâne sans trop que je n'ai le choix.

J'avais arrêté d'attendre une réponse de sa part vers minuit quarante cinq, même si je gardais un espoir, je ne pouvais pas rester plus longtemps dans ce square.

Alors, j'avais appelé Leo, qui, peu rassuré de me savoir seule, avait tenté de me calmer sur mes positions fermes envers Armelle. Très vite, il avait abandonné et nous avions réfléchis ensemble pour trouver une solution à mon problème. Finalement, je n'avais que très peu d'option, et c'est comme ça que je m'étais retrouvée en chemin vers chez Nathan, à 1h34 un vendredi soir.

Je l'avais appelé et lui avais raconté ma soirée, mes problèmes et, comme je m'étais doutée, il ne m'avait pas laissé le choix de venir m'installer chez lui pour les prochains jours, tout en demandant l'accord à ses parents.

Karen et Lucie, les deux mères de Nathan (je ne savais pas comment j'avais pu passer à côté de cette information alors que Nathan semblait doté d'une ouverture d'esprit supérieure à celle des garçons de son âge), m'avaient accueilli chaleureusement, s'étonnant du peu d'affaires que j'avais ramené. Mon ami avait installé un petit matelas au sol, à la fois assez près de son lit pour qu'on puisse discuter en chuchotant mais assez éloigné pour respecter nos deux espaces vitaux.

Sa chambre était presque comme je l'avais imaginé. Le désordre au sol ne laissait pas la place à mon sac qui avait trouvé sa place entre l'herbe à rouler et un manuel d'histoire des arts sur le bureau Ikea qui prenait une bonne partie de l'espace de la petite chambre.

- Ça va tu t'installes ?

Nathan avait passé sa tête par l'entrebâillement de la porte. Mes yeux peinaient à assimiler les nombreuses couleurs du personnage, les mèches bleues de ses cheveux qui n'avaient pas fait l'unanimité auprès de notre CPE, et sa chemise rose fuchsia. Pourtant ça lui allait bien et dans ce désordre, son style semblait trouver une certaine harmonie.

En réponse à sa question, j'haussais les épaules, posant mon téléphone que je gardais en main dans l'attente d'une réponse de Ken.
Nathan déviait son regard vers l'objet et, ses yeux se levant au ciel, il accompagnait son geste d'un souffle ennuyé avant de venir s'installer sur le lit.

- Franchement Od' arrête d'attendre quelque chose de ce ringard.

Je pouffais de rire, baissant les yeux vers ses doigts habiles qui fabriquait son cône de tabac.

- Tu l'adorais quand je t'en parlais.

- J'ai changé d'avis alors, il haussait les épaules, désintéressé.

Fatiguée de cette conversation, je laissais ma tête reposée contre le mur plein de photos.

- Je sais pas, je trouve ça bizarre quand même. Il m'avait rien promis mais, je m'arrêtais pour toussoter alors que Nathan avait expiré sa première bouffée cancérigène, il avait l'air impliqué.

- Impliqué ? Pardon Od, je veux pas te faire de mal mais ce mec tu le connais depuis quoi ? Quelques mois ? Semaines ?

J'hochais la tête sans même le regarder, trop honteuse pour avouer que le peu de temps que j'avais passé avec Ken m'avais suffit pour m'attacher à lui.
Et comme si Nathan m'entendait discuter avec moi même, il brisait mes songes.

- Le truc qui te faisait vibrer dans votre relation aussi amicale soit elle était qu'il était bien la seule personne qui avait l'air d'en avoir quelque chose à faire de toi avant qu'on se rencontre.

Mon regard accusateur se baissait vers mon ami.
Je n'attendais pas de lui qu'il me pointe des choses aussi blessantes. Certaines personnes aiment qu'on leur fasse se rendre compte de la véracité d'une situation et de ses éléments. Moi, j'étais de ceux qui préfèrent qu'on me mente, uniquement pour me rassurer et faire perpétuer mon déni.
Et Nathan, là, me mettait face à une réalité trop dure à accepter.

- Me regarde pas comme ça, il me tend son joint que je refuse une première fois, mais il insiste et je finis par l'attraper. T'avais un problème avec ton frère qui te manquait, une soeur qui n'agit pas comme ce qu'elle est et y'a un type mignon et câlin qui vient se présenter à toi. C'est pas ta faute.

Je soufflais une première bouffée de fumée, enfin cracher serait un terme plus approprié, et comme ça ne me procurait aucun soulagement, je redonnait le cône à Nathan.

- Tu dis n'importe quoi, on ne s'est jamais fait de câlin.

Un regard accusateur me répondait et la conversation semblait enfin close quand mon ami se levait, ouvrant mon duvet pour m'inviter inconsciemment à m'y plonger.

Allongés chacun dans notre lit, fixant le plafond rempli de photos et de cartes postales, un silence apaisant nous entourait, seulement brisé par les quelques bruits de la ville.

- Dans quelques jours c'est les vacances de la Toussaint, tu vas faire quoi ? m'interrogeait Nathan.

Je me retournais, me couchant sur le côté et plaçant ma main sous mon visage pour regarder mon ami.

- Je sais pas trop.

- On part un peu avec mes mères, c'est en Bretagne. Bon y'a 0 réseaux, des araignées dans la chambre et il pleut souvent mais en vrai c'est pas si terrible que ça.

J'esquissais un sourire, touchée par sa proposition.

- On se connaît pas depuis très longtemps. En fait depuis la rentrée.

- Et alors, me répondait Nathan alors qu'il se tournait pour se replacer sur le dos.

- Je sais pas... J'ai jamais été aussi amie avec quelqu'un aussi vite et personne ne m'a jamais aidé comme tu le fais sans vraiment me connaître.

Sa main sortait de la couette et laissait son bras retomber en dehors de son lit, attendant que ma main la rejoigne.

- Je te connais moi, on s'en fou depuis combien de temps. En plus faut le dire, j'espère pouvoir un jour le pécho ton Ken.

- Mon Ken que tu traites de ringard quand même.

- Je rectifie, ton ringard archi mignon.

- Ouais, enfin je crois que plus les minutes passent plus je suis énervée contre lui.

ODRAZOù les histoires vivent. Découvrez maintenant