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Et c'est dans un kebab que tout commençait. J'étais attablée avec eux, et j'avais tout fais pour me mettre à côté de Ken, la figure rassurante du groupe pour moi. Tous parlaient, criaient, rigolaient, et sans que je n'ai à intervenir ou même à être intégrée dans la conversation, je me sentais à l'aise, car cette ambiance était apaisante. L'un d'entre eux, en face de moi, demandait le silence et me regardait avec un sourire accueillant.

"Alors, Odraz c'est ça ? J'hochais vite la tête, tout en croquant dans mon grec, et il pouffait. Je vais te faire les  présentations parce que t'as l'air plus perdue que tu ne l'es déjà. Moi, c'est Moh. Ici, il y a Mekra, celui qui t'as apparemment fais peur, ensuite Framal, Deen et enfin Ken, que tu connais déjà.

- Jusqu'ici on a été civilisé, t'as de la chance.

- Fram, tais toi un peu, on est toujours civilisés, ronchonnait Mekra.

S'en suivit un blanc magistral. Mais vraiment magistral, tout le monde se regardait en attendant celui qui sauverait l'ambiance. Je ne comprenais vraiment rien à ces mecs.

- Les gars...ils se passent quoi là, je comprends plus rien ?

Je sursautais sous les cris des garçons qui rigolaient comme du n'importe quoi et qui me frottait la tête. Puis, après l'euphorie chacun reprenait sa conversation avec son voisin, comme si rien ne s'était passé. J'étais perdue. Je me tournais vers Ken, qui concentré sur son grec, fronçait les sourcils et se léchait les lèvres.

- Ken ?

- Mhh ?

- J'ai dis un truc qui fallait pas ?

Il souriait face à son kebab et se tournait à demi vers moi, de la sauce dégoulinant sur ses lèvres et son menton, les yeux pétillants et une mèche rebelle retombant sur son œil droit.

- T'inquiètes Odraz. Tu viens juste de passer le premier test avec brio.

Je ne cherchais pas à comprendre le fond de sa pensée et de celles des gars et continuais à croquer dans mon grec. Ils étaient spéciaux, c'est sûr. Ils avaient l'air dans leur monde, sans se soucier des autres. A Bordeaux, je n'avais jamais eu de vrais amis, en partant je n'avais du coup pas gardé contact avec eux. Je n'arrivais pas vraiment à aimer les gens au point d'avoir envie de les voir, par exemple, alors j'avais finis par me dire que je ne voulais tout simplement pas d'amis. Ici, je verrai bien. J'étais inscrite dans un lycée du 15ème, juste à côté de chez ma sœur. Ça me faisait flipper, car là bas, c'est le retour à zéro dans un monde que je ne connaissais pas. Donc, je ne crachais pas sur la possible amitié des garçons autour de cette table. Ma vie était faite de moment de solitude, j'espérais qu'ici, sans mon frère et sans mes anciens "amis", tout changerait. C'est Deen, que je reconnaissais à son bonnet, qui me coupait dans mes débats.

- Bon, il est tard pour toi, non ? En s'adressant à moi, il sortait son portable et regardait l'heure. Déjà 23h. On rentre ?

- Ça va, je suis pas une gamine.

- Dans tout les cas,  nous on doit partir, et y'a quelqu'un qui doit t'attendre à cette heure-ci, non ?

Il fallait bien que cette osmose s'arrête. Mon kebab était bien finit, eux semblaient vouloir partir, et moi je n'allais surement pas m'incruster chez l'un d'eux pour continuer ma soirée en leur compagnie. Alors, je devais rentrer.

- Ouais, il faut que je rentre.

- Les gars, je lance les paris sur où est-ce qu'elle habite.

Et pendant que je fouillais dans ma poche de jean pour trouver le petit papier avec l'arrêt de métro, l'adresse et toutes les informations pour rentrer chez moi, tout le monde venait apporter de sa décision sur mon lieu d'habitation. 18ème, 19ème, 16ème...j'entendais de tout. Je ne savais même pas où nous étions actuellement. Quand je trouvais enfin la feuille, je l'ouvrais alors que tout le monde s'était arrêté de crier et qu'ils attendaient la sentence. Ken se penchait au dessus de mon épaule pour lire avec moi.

- Oh, c'est une championne. Charles Michel, les gars !

Tous applaudissaient, certains se frappaient gentillement, et Ken et Moh me forçait à taper dans leurs mains alors que moi, je fronçais les sourcils.

- Qu'est-ce qu'il y a de spécial à Charles Michel ?

- Nous. La plupart d'entre nous habitons dans les arrêts autours de Charles Michel. Dans le 15eme quoi. Donc c'est cool Odraz. Répondait Moh

- Chifoumi sur qui la ramène ? Proposait Framal

- Pas besoin, je le fais. Il se tournait vers moi et attrapait la poignée de ma valise. Allez, viens.

Ken.

ODRAZOù les histoires vivent. Découvrez maintenant