Ken s'avançait au milieu de la pièce tandis que je m'asseyais sur mon lit, curieuse et anxieuse de sa réaction.
Trempant mon petit prince dans mon chocolat chaud, je scrutais la moindre réaction de Ken, qui lui, avait le cou plié, de manière à pouvoir observer au mieux la peinture au plafond.-C'est archi beau.
- Tu trouves ?
Il hochait simplement la tête, continuant à observer les détails du plafond étoilé, la bouche triturant son éternel cure dent.
- Armelle voudrait le repeindre en blanc.
Je l'entendis pouffer de rire, puis il baissait la tête et observait plus généralement la chambre d'adolescente, et s'approchait de la grande fenêtre par laquelle les rayons lumineux perçait le calme de la pièce.
- Pourquoi ?
Je haussais machinalement les épaules, avant de me rendre compte qu'il était dos à moi et que par conséquent, ma réponse ne lui était pas arrivé.
- Je sais pas, elle aime pas ce que j'ai fais je crois.
- Elle n'aime pas toute forme d'art, nuance, elle n'a rien contre ta peinture. Elle a juste l'air coincée ta reuss.
Je haussais à nouveau les épaules, plus ou moins convaincu. Avec Armelle, ça avait toujours été comme ça, nous avions toujours eu du mal à créer un lien, à discuter de centres d'intérêts communs, à avoir une relation de sœurs a sœurs. Ça ne m'avait jamais vraiment affecté, grâce à la présence de Leo, mais face à sa désormais absence, je ne pouvais m'empêcher de ressentir un vide fraternel. Et même Armelle n'arrivait pas à le combler.
- Apres, je t'avoue que si ma petite sœur m'avait repeint les plafonds de mon appart', j'aurais câblé aussi, il disait, de manière nostalgique, en plongeant enfin son regard dans le mien.
Ken s'installait sur ma chaise de bureau, face à mon lit, posant ses coudes sur ses genoux, ses mains tenant toujours sa tasse de café fumante, tandis que je terminais la dernière bouchée de mon biscuit.
Un silence comblait à présent notre conversation, jusqu'à ce que le cliquetis du vieux verrou de la porte d'entrée de l'appartement se fasse entendre, nous faisant chacun relever la tête.- T'attend quelqu'un ? demandait Ken.
- Non, je regardais ma montre qui affichait désormais dix sept heure trente, ma soeur ne devait rentrer que dans minimum une heure.
- Od', c'est moi, la voix de ma soeur arrivait à nos oreilles et nos regards se croisaient, dans un élan de surprise commun.
Ken se relevait du lit, époussetant les invisibles poussières posés sur ses cuisses, me donnant plus l'impression que c'était un mouvement machinal. Je restais pourtant assises sur le lit, tentent d'imaginer une solution miracle à ce problème. Puisqu'il y avait un problème. Ken était chez Armelle, dans ma chambre, alors que cette dernière ne connaît en rien son existence.
Ken m'invitait à me lever d'un simple geste de la tête, ce que je faisais alors qu'il ouvrait de lui même la porte de ma chambre, tout en m'attendant pour sortir.- T'inquiètes je gère, elle doit pas être si terrible ta soeur, j'entendais Ken chuchoter, derrière mon dos.
A la fin de sa phrase, Armelle apparaissait au bout du couloir, nous stoppant dans notre élan. Habillée de son éternel tailleur noir, ses cheveux volumineux tout juste libérés de son chignon habituel, elle paraissait surprise de mon accompagnant.
Tentant inconsciemment de me cacher derrière les épaules de Ken, qui avait l'air toujours autant détendu, je fus forcé de m'en détacher lorsque ma maudite soeur raclait sa gorge, attendant des explications de notre part. Enfin surtout la mienne, mais j'espérais toujours que Ken trouve une chose intelligente à dire.- Armelle, je te présente Ken. Ken, Armelle. Enfin bref, me grattant la tête, gênée du silence instauré, je ne savais quoi rajouter.
- Armelle, enfin, si je peux me permettre de t'appeler Armelle, il me pointait du doigt, t'as une p'tite reuss géniale.
Armelle haussait un sourcil, méfiante, tandis que la phrase de Ken réchauffait mon cœur.
- Géniale, mais surtout au moins dix ans ta cadette, donc t'es gentil tu traines avec les gens de ton âge.
Ken reculait légèrement, affichant une mine consternée par le manque de respect de la soeur, puis déviais son regard vers moi, me transmettant silencieusement sa surprise.
- Arrête Armelle, t'es ridicule.
- Je suis pas ridicule, j'essaye de te préserver de ce genre de type avec un syndrome de Peter Pan. Déjà que tu fais pas mal de conneries, je te rappelle que les parents m'ont demandé à moi, et à moi seule, elle disait en bifurquant son regard vers Ken, de m'occuper de toi.
Le silence s'emparait à nouveau de la pièce, entraînant un malaise pesant sur nos épaules, mon ami et moi meme nous sentant presque coupable de quelque chose que nous n'avions pas fais.
C'est Ken qui brisait en premier ce silence, frottant ses mains, s'avançant dans la pièce.- Je vais vous laisser, il se retournait vers ma soeur, désolée de t'avoir dérangé, puis m'accordait un regard bienveillant, et toi, tu sais quoi faire si t'as besoin, hein ?
Je hochais silencieusement la tête, malgré que celle ci soit baissée, le regard rivé au sol, honteuse de la tournure de la situation. Ma soeur passait son temps à me dénigrer, à m'infantiliser, et face à une personne comme Ken, charismatique, plus âgée et plus mature, elle arrivait à me faire comprendre qu'en effet, je n'avais rien à faire avec lui, et qu'à défaut d'apprécier sa présence, je lui imposais sûrement la mienne.
Ken franchissait la porte de l'appartement, après avoir tenté de croiser mon regard jusqu'au dernier moment, mais, incapable de faire face à la réalité, je m'étais résignée à me ranger du côté de l'avis de ma soeur.
J'avais honte. Et c'est seulement lorsque la porte claquait, et que je me retrouvais seule avec Armelle, que la pression imposée par cette conversation retombait. Partagée entre une amitié récente et la raison, je relevais la tête, croisant le regard déçu de ma soeur, et partais lentement et silencieusement m'enfermer dans ma chambre.
Allongée sur mon lit, les quelques larmes n'inondant mes joues, fixant le plafond de constellations, le vibreur de mon téléphone m'amenait à me détourner, enfin de la fresque.
J'ouvrais la conversation whatsapp avec Nathan et Lisa.« Nathan : Beaugrenelle, ce soir à 20 heures ? »
Essuyant d'une main mes larmes, répondant par l'affirmative avec l'autre, je décidais de faire ce qu'Armelle attendait de moi. Rentrer dans les cases, agir dans la norme.

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ODRAZ
أدب الهواة« - Qu'est ce que tu me veux Ken ? - Qu'est ce que je te veux Odraz ? Tu dors à droite à gauche, tu fumes de la weed, tu lâches les cours et tu me demandes ça ? - Mais tu te prends pour qui ? - Pour quelqu'un qui s'inquiète un minimum pour toi ? P...