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- Passe moi le sel s'il te plaît ma chérie, ma mère me tendait la main, m'adressant un clin d'œil discret pour essayer de me mettre à l'aise.

Elle avait toujours été adepte des petits surnoms, ma mère. De « ma chérie » à « ma pouponne », des plus ridicules aux plus mignons, elle les avaient tous fait. Et encore aujourd'hui, à 16 ans, elle continuait à m'appeler ainsi, je vais finir par croire qu'elle regrette le choix de mon prénom.
Mon père lui, avait toujours été plus réservé sur les débordements d'amour en public. Un homme sensible mais pudique, comme beaucoup de père je crois. Il préférait aux grands mots d'amour publics les petites attentions discrètes.

En tout cas, ce soir, ma mère et son regard adoucit avait un objectif très précis : soulager la pression qui pèse sur mes épaules face à un repas plus que tendu (encore un) assise à côté de ma soeur la sorcière. Il n'y avait que nous deux pour ternir l'image de ce repas qui semblait parfait. Noël était passé depuis à peine quelques jours et nous portions tous nos présents, du pull à la montre. L'ambiance était chaleureuse, avec le chapon en centre de table et les verres de vin blanc qui étourdissaient les plus grands. Nous n'avions pas réellement arrêté de faire des repas de fête depuis le réveillon, profitant de chaque instant de présence de mes parents, chaque jour était comme un jour de fête, où se réunir était le plus important.

Pourtant, derrière les faux semblants, l'atmosphère était loin d'être celle d'un repas de famille à noël dans une famille unie. Armelle et moi de nous adressions pas la parole, Léo tentait de mettre de côté quelques réflexions franches contre ma soeur, et mes parents s'étaient réincarnés en médiateurs. Depuis une semaine, rien ne pouvait y faire : nous restions campés sur nos positions, chacune avec une rancoeur plus grande pour l'autre. Nous rasions les couloirs de l'étage lors de nos allers retours à la salle de bain, ne nous étions pas offerts de cadeaux et ne croisions pas nos regards. Nous nous contentions de ne pas faire exploser les rancœurs, d'éviter toute réelle confrontation pour ne pas gâcher les vacances de nos parents et nos seules retrouvailles de l'année.

En bref, les bénéfices de cette première semaine de vacances en famille était déjà notables sur ma santé mentale catastrophique, pour autant, il restait un poids sur mes épaules que même la présence de mes parents et de Léo ne parvenait pas à soulager.

- Karen et Lucie t'aident pour les devoirs ma chérie ? M'adressait ma mère.

Ma mère s'était sensiblement rapprochée de ces dernières, reconnaissante de ce qu'elles m'offraient. Elle leur avait même passé son coup de fil hebdomadaire malgré que je n'étais pas chez elles mais bien à la maison.

- Oui, après avec Nathan on est plutôt complémentaires, on n'a pas souvent besoin d'elles, je lui répondais calmement, le regard sur mes pommes dauphines.

- Il est chouette ce gamin, c'est bien que tu l'aies trouvé, ajoutait mon père.

Oui papa, seulement tu n'as pas senti cette odeur d'herbes fumées sur mon blouson ou connu les nombreuses sorties nocturnes dont tu ne serais pas fier. Pour autant, ça m'arrangeait bien que qu'il garde cette vision préservée de mon ami? En sachant que je n'avais aucun autre endroit où aller et que Nathan occupait une place primordiale dans mon coeur.

Le repas se terminait aussi calmement que l'ambiance le permettait, et très vite, après une partie de « Times Up », nous remontions chacun dans nos chambres.
Et comme chaque soir depuis mon arrivée à Bordeaux, Léo venait me rejoindre sur mon lit, essayant de rattraper le temps perdu ensemble.

ODRAZOù les histoires vivent. Découvrez maintenant