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J'avais passé le week-end et les deux semaines qui avaient suivi avec Nathan et Lisa, alternant entre le bar à chat en bas de la rue où nous buvions nos meilleurs chocolats chauds et le square.

Les amis de Lisa, d'un autre lycée, nous avaient proposés à plusieurs reprises de les suivre en soirée, et on avait à chaque fois refusé. On se suffisait à nous-mêmes, Nathan et son extravagance mélangée à sa gigantesque gentillesse, et Lisa, son impulsivité et son éternelle capacité à attirer le regard des hommes.

Nathan nous tirait chaque mardi soir à ses répétitions de danse, avec Lisa on aimait se poser par terre, jetant quelques coups d'œil à notre ami sous peine de réprimandes, tout en faisant nos devoirs à même le parquet ciré du studio.
Lisa, elle, nous invitait à toutes ses compétitions de natation, les samedis matins. Ça faisait râler Nathan à chaque fois qu'il se levait a neuf heures le premier jour du week-end, mais il n'avait pas loupé une seule de ces journées depuis plusieurs années.
De mon côté, mon amour pour l'art nous tirait tous les trois dans des musées, le plus souvent que possible. J'avais installé mon chevalet dans un petit espace de la chambre de Nathan qui avait été obligé de faire un peu de rangement. Mes parents m'avaient envoyé un peu d'argent, et comme Karen et Lucie avaient catégoriquement refusé que je participe à la vie du ménage, j'avais pu me racheter un peu de matériel.

Armelle avait essayé de me joindre plusieurs fois. J'avais répondu les deux premières fois, ayant cru à une ouverture d'esprit de sa part. Elle m'appelait sur ordre de mes parents, qui a l'autre bout du monde s'inquiétaient pour leur fratrie. Mais finalement, on s'était encore engueulé pendant de longues minutes sans trouver d'accord sur la situation.

J'avais eu ma mère au téléphone, en pleurs depuis le bout du monde, inquiète de savoir où j'étais, avec qui, comment je me nourrissais.
J'avais fini par lui passer Karen qui l'avait évidemment rassuré. Mais entendre ma mère m'avait à nouveau ébranlé alors que depuis leur départ j'évitais au maximum leur appel de peur d'entendre leur voix.

Mes parents me manquaient, Léo et Bordeaux me manquaient, même ma vie avec Armelle me manquait. Mais j'étais aussi heureuse chez et avec Nathan, en sortant une bonne partie de la semaine et en découvrant autre chose, ce qui créait en moi un sentiment partagé indescriptible.

Aujourd'hui, je partais en Normandie avec Nathan et ses mères. Elles ont insisté pour que je vienne, comme mon ami qui avait décrété que ce serait plus amusant en ma présence. En fait, Karen et Lucie avait un logement là bas, hérité du père de l'une d'entre elle mais je n'avais pas tout compris. Et la petite famille avait l'habitude de s'y rendre aux vacances scolaires.

- T'es prête Odraz ? criait Lucie depuis la cuisine.

Avant que je n'ai pu lui répondre, Nathan entrait dans sa chambre et attrapait la poignée de mon sac de voyage. C'est dingue cette impression d'être constamment en train de faire ses bagages et de ne jamais être réellement chez soi

- Laisse moi porter tes trucs, il soulevait une première fois le sac et fronçait les sourcils en me regardant, putain mais t'as mis des parpaings ?

- Non, j'ai mis mes pots de peinture.

Il se rapprochait de mon visage, un sourire mesquin aux lèvres et sortait un pochon de sa poche discrètement.

- Moi aussi j'ai amené un petit plus pour s'occuper, il chuchotait pour éloigner les oreilles baladeuses de ses mères.

- Putain Nat' tu m'avais dis que tu diminuerais.

Il plaçait un doigt sur sa bouche, ses yeux s'agrandissant en regardant derrière son épaule pour être sûr que personne ne l'entende.

ODRAZOù les histoires vivent. Découvrez maintenant