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Les vacances s'étaient trop rapidement terminées à mon goût. Ma conversation avec Léo était restée en suspend et dans mon esprit jusqu'à mon départ, tout comme sa promesse de m'accueillir chez lui, à Bordeaux, l'année prochaine.

Les « au revoir » avaient été longs et douloureux, presque à l'image de ces vacances. J'avais pleuré lamentablement lorsque ma mère s'était elle aussi écroulée, sachant très bien que « le prochain câlin ne serait qu'à l'été ». Mon père, avec son éternelle pudeur, s'était contenté d'un baiser sur le front et d'une de ses phrases dont il a le secret « tu manges bien, tu dors bien, tu travailles bien ». Oui, papa.
Armelle s'était, elle, contentée d'un signe de tête cordial, comme pour me mépriser un peu plus que d'habitude.
Et Léo...il m'avait accompagné jusqu'à la gare, comme pour mon premier départ en septembre, et cela s'était déroulé sensiblement comme la dernière fois, à savoir des câlins émus et des promesses de retrouvailles auxquelles j'essayais de me rattacher.

J'étais finalement montée dans ce train puant, vidée de toute larme mais pleine d'espoir de retrouvailles, avec une seule idée positive en tête : retrouver mes meilleurs amis.
C'est aussi à ça que m'avait servi ces vacances. Comprendre l'importance et la place que prenaient Nathan, sa famille et Lise, dans ma vie et dans mon coeur. Les conversations nocturnes, câlins et délires avec Nathan me manquaient, tout comme la douceur et la pudeur de ses mères. Accompagner Lise à ses cours de natation, se retrouver sur le banc face au lycée à fumer des joints. Ma vie, maintenant, c'était ça. Et m'en éloigner pendant ces deux semaines avaient été aussi difficile que bénéfique, juste pour me rendre compte que, finalement, je n'étais pas si seule que ça.

Alors, lorsque le train me déposait enfin en Gare Montparnasse et que je me faufilais entre les zombies qu'étaient les déprimés de fin des vacances, mon visage à moi, ornait un grand sourire à mesure que je réduisais la distance entre Nathan et ses mères, et moi.

Ce dernier, plutôt que de conduire ces retrouvailles de façon classique avec un câlin, préférait me jeter sur son épaule, me retrouvant la tête à l'envers pour saluer Karen et Lucie, évitant les regards curieux des passants.

- Tu m'as manqué, crevette ! Il disait, en profitant pour me claquer les fesses devant le regard fatigué de Karen.

Une fois sur la terre fermé et après quelques embrassades de « Bonne Année », nous repartions tous les quatre, voulant s'échapper du froid hivernal.
Nathan profitait de la lenteur de ses mères pour instaurer une distance entre elles et nous.

- Ça a été ? T'as retrouvé Cruella ? Il disait, son visage proche du mien et son bras sur mon épaule.

- Ça s'est passé comme je l'imaginais, on s'est évité quoi, je répondais en pouffant voulant rapidement changer de sujet. T'as profité que je sois pas là pour faire cette horreur ? Je pointais du doigt ses bouclettes vertes pommes. Tu sais que je t'en aurais empêché ?

Il me lançait un regard outré. Ses bouclettes dénotait complètement avec sa tenue, une chemise rose pâle et un pantalon chino taupe et son éternel noeud papillon.
A part cette nouvelle couleur de cheveux, Nathan n'avait pas vraiment changé durant ces vacances, il était toujours aussi...lui.

- Écoutes, j'ai vu ce beau sapin vert dans le salon, illuminé de toutes ces couleurs, et je me suis dis : pourquoi pas moi ? Il répond, ce qui me fait rire contre son torse, alors que nous arrivons sur le quai du métro. Plus sérieusement, j'en avais marre du bleu. Nouvelle année, nouvelle couleur.

Le sol tremblait à mesure que le wagon arrivait, Lucie et Karen restaient à distance, ayant perçu notre besoin de nous retrouver, et s'installait au bout de la rame.

- Tu sais que tu as manqué aux petits cylindres ? il questionnait, utilisant comme à son habitude un surnom presque personnifié pour décrire nos joints.

Putain, Nathan, si tu savais comme eux aussi m'avaient manqués, tu serais inquiet.

- Je vais en avoir besoin, avec la rentrée qui s'annonce, je répondais, me replongeant déjà dans mes problèmes.

Comprenant le double sens de ma phrase et l'inquiétude qui me guettait, il ne perdait pas de temps pour entrer dans le vif du sujet.

- T'as rien dis du coup ? Il demandait

Je tournait la tête de gauche à droite, triturant les doigts, en sachant très bien que Nathan aurait voulu que j'ai la force de demander de l'aide à ma soeur.

- Même pas à tes parents ou à Léo ?

- Ça me suffit amplement que ma soeur soit au courant de mes désastres scolaires récents, si je pouvais éviter de faire partager l'info à toute la famille pour que Mme Benetteau se fasse plaisir, je le fais.

Nathan soufflait dans sa barbe, agacé par mon entêtement. Un silence s'installait entre nous, seul le bruit de la sonnerie d'alarme du métro retentissait à chaque station. Lucie et Karen nous regardaient de loin, nous lançant quelques sourires sincères.
Après plusieurs minutes, mon meilleur ami revenait à la charge, au même moment où nous nous levions pour quitter la rame.

- Et, tu lui as envoyé un message ?

Pas besoin de le questionner pour comprendre de qui il parlait, Nathan semblait obsédé par cette histoire, sans que je ne comprenne vraiment pourquoi.

- Non.

- Pourquoi ?

- Pourquoi faire ? Je lui répondais machinalement.

- Parce qu'il te l'a proposé ? Il répondait sur le même ton idiot. Pourquoi tu fais semblant ?

- Mais bordel, arrêtez de tous me faire chier avec ça. Toi comme Léo, vous parlez comme si Ken était censé me sauver la vie en me donnant un peu d'attention et que je devais aller lui en réclamer. Écoutes Nathan, parce que c'est très clair, cette fois mon intonation était plus ferme, étant plus qu'agacée qu'on me parle toujours de ce type, je n'ai pas envoyé de message à Ken parce que je n'avais rien à lui dire. Point.

Nathan ne cherchait plus à s'étendre sur le sujet, au contraire, il sentait mon agacement et à peine arrivés à l'appartement, nous nous isolions dans la chambre et il me proposait son petit cylindre.

- Ce soir, il expirait sa fumée toxique dans l'air de Paris et me tendait le cône, on sort en boîte.

- Ah non, c'est mort, je retourne plus dans tes plans foireux. La rentrée c'est dans deux jours, la seule chose que je fais ce soir c'est peindre.

- Hors de question, dernier samedi des vacances, on se doit, et il accentuait sur ce mot, de sortir, crevette.

Et devinez qui n'a pas su s'imposer ?

ODRAZOù les histoires vivent. Découvrez maintenant