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En partant, Ken m'avait demandé mon numéro, car d'après lui les garçons réclamaient de me revoir, me trouvant "cool". Je lui avais demandé pourquoi s'intéressaient-ils tous à moi, après seulement 4h de connaissance, et il n'avait pas su me répondre.

Deux jours étaient passés, sans que je n'ai de nouvelles, mais ce matin, j'avais reçu un message de mon nouvel ami me prévenant qu'il passait me chercher dans l'après midi et c'est ce qu'il fit.

Nous marchions, il m'avait prévenu que les autres garçons nous attendaient dans un parc. Je stressais comme une débile. Ils ont quoi, dix ans de plus que moi, ils ont du vécu et aucunes raisons d'avoir envie de passer du temps avec une petite meuf de 16 ans.

Avec Ken, c'était pas pareil. Dès la première minute, lorsqu'ils s'étaient tous pointés devant ce banc, il m'avait mit en confiance. Je ne dirais pas qu'il y avait un lien spécial entre lui et moi dès le premier regard, un coup de foutre amical, une affection innée, parce que c'est incroyablement cliché.
Mais, c'était presque ça.

- Alors, tu peins ?

Je tournais ma tête vers lui alors qu'il me souriait déjà.

- Perspicace le mec.

Il me bousculait en rigolant et je tentais de le frapper à la tête.

- Vas y casse toi, j'essaye d'être gentil avec toi là. Au fait, ta soeur elle s'occupe pas de toi ou quoi...? Je suis venu 3 fois à l'appart et je l'ai toujours pas rencontré, à croire que tu me la caches. Il claquait des doigts, faisant semblant de comprendre quelque chose, me regardant d'un œil suspicieux. Elle est canon et tu veux pas qu'elle me voie ?

- Mais non, c'est juste qu'elle travaille beaucoup, elle commence tôt, rentre tard et parfois elle dort chez son copain. D'ailleurs, tu fais quoi toi comme travail ?

- Ah ouais, chaud. Je suis rappeur, avec les gars, on forme plusieurs groupes différents à la fois, c'est un peu compliqué. Depuis quelques temps je suis lancée dans un projet solo. Ça marche bien. Il tournait une dernière fois et on se retrouvait face au parc Clos-Feuquières, pas loin de l'appart. Tu viens ? C'est là.

Nous retrouvions les garçons allongés les uns sur les autres au bout milieu de l'herbe et lorsque nous nous rapprochions d'eux, celui que je reconnaissais comme étant Moh, se relevait légèrement pour tchecker Ken.

- Nek t'abuse à arriver 3 heures en retard, à croire que tu veux nous faire devenir aussi black que Doum's avec ce soleil, sérieux tu me les casses. Il tournait son regard vers moi et passait des sourcils froncés au grand sourire. Salut !

- Frère, c'est elle là, elle a prit quatre heures à se préparer et à fermer l'appart, moi j'étais à l'heure !

Je le regardais, choquée et avec un regard noir.

- T'es vraiment une petite merde sérieux, je disais sans pouvoir contrôler.

Ils rigolaient avant qu'on ne s'allonge avec eux, les arbres nous protégeaient du soleil, des enfants courraient pas loin de nous, se chamaillaient, jouaient, et j'en venais à penser à Léo. Il me manquait affreusement, j'y pensais tout les jours, me demandant si lui, il pensait autan à moi et s'il serait heureux de savoir que je m'étais fais des amis. Que des garçons...plus vieux.

L'après-midi passait à vive allure en leur compagnie, et ils m'avaient tous posés toutes sorte de questions, mais celle qui remportait tout concours, c'était le nom de mon lycée. Ils étaient tous excités à l'idée que je "suive leurs pas", seulement je n'avais aucune idée du nom de ce dernier. Ils m'avaient tout de même tous dit la même chose : si jamais j'étais dans ce lycée, je devrais faire attention à mes fréquentations, car c'est, je cite, "un sacré rendez vous de bicraveurs".

- Bon ça fait bien deux heures qu'on est posé ici, on bouge ? Qui paye sa maison ?

Les garçons allaient chacuns de leurs excuses pour éviter que toute la bande passent la soirée chez eux, et moi je me disais que finalement, personne ne serait à la maison ce soir, et que ce serait sûrement un moyen de les remercier pour ce qu'ils font en ce moment pour moi.

Et même si mon inconscient criait à l'horreur, me faisant comprendre qu'il n'était pas normal et sécurisé d'inviter un groupe d'hommes de dix ans mes aînés dans un lieu clos où je serai seule, je ne l'écoutais pas, au profit de mon instinct.

- Bah moi ça me dérange pas que vous veniez chez moi; après c'est comme vous voulez...

Ils me regardaient tous en hésitant.

- Y'aura pas ta grande soeur ? On veut pas déranger.

- T'inquiètes Deen, elle rentre tard, ou rentre carrément pas.

Il suffit de très peu de temps pour qu'ils soient tous d'accord, que nous partions du parc pour arriver devant la porte de mon appartement.
J'ouvrais la porte et les laissais entrer, gênée.

- Bon bah...mettez vous a l'aise.

Trois heures plus tard, après des vingtaines de parties fifa et de cris de mécontentement, les garçons étaient toujours dans mon canapé. Je reçus un message d'Armelle.

< De Armelle >
Je rentrerai pas ce soir, je suis encore au boulot et l'appart de Clément est plus proche du travail, je dormirai chez lui, y'a des lasagnes dans le frigo si tu veux. Je suis désolée, à demain.

Je laissais tomber mon téléphone en levant les yeux au ciel tout en soufflant bruyamment. Lorsque je relevais les yeux, les trois garçons qui restaient, Mohammed, Deen et Ken, me fixaient, attendant une explication à mon mécontentement.

- Y'a rien, juste ma soeur qui dort encore chez son copain ce soir.

- Bah cool, de quoi rester pioncer encore plus longtemps ici, soufflait Moh.

- Non, on va y aller nous, Deen se levait en se frottant les cuisses suivit par Mohammed, tu viens Nek ?

Ce dernier me regardait quelques secondes.

- Je vais rester encore un peu, jusqu'à ce qu'elle aille dormir. Au cas où.

Je lui souriais, à la fois heureuse qu'il reste puisqu'il me rappelait la figure fraternel de mon frère, et fatiguée de toutes ces agitations. Mon solitarisme refaisait surface.
Les garçons nous saluait en me remerciant, et je remettais en marche le film qu'on avait débuté.
Après 5 minutes de concentration, devant Drive, je sentais toujours son regard sur moi. Je prenais alors la télécommande pour mettre en pause et me tournais vers lui.
Il me lançait un petit sourire.

- Tu me fais penser à ma soeur. Tu sais, vous avez la même façon de regarder un film. Votre froncement de sourcils, votre manière de vous manger la peau de l'intérieur des joues. Et elle est comme toi, elle aime l'art, le dessin. La première fois que je t'ai vu, je l'ai vu en ton regard, même si vous êtes inqualifiablement différentes.

- Quel âge elle a ?

Il me souriait tristement avant de baisser la tête, et donc, de quitter mon regard.

- Elle aurait eu 20 ans. Je l'ai perdu l'année dernière.

C'était donc ça. Notre lien invisible, sa manière de me rassurer dès la première rencontre, sa compréhension. Nous étions tout les deux en manque inconditionnel de nos frères ou soeurs.
Je me rapprochais de lui, et dans ce canapé, je l'enlacais le plus fort possible, lui transmettant mon courage.

ODRAZOù les histoires vivent. Découvrez maintenant