Le froid du mois de Novembre s'était rapidement installé, me forçant à reprendre mes grosses bottes Doc Martens et à me camoufler derrière mon écharpe et mon bonnet.
Mon année de première était pourtant bien entamée mais mon esprit peinait à s'inscrire dans la scolarité. Constamment éprise de pensées autour de ma soeur Armelle, avec qui je n'avais que très peu de contact, du manque de mes parents, et d'Adam, je n'étais que peu disponible pour autre chose.
J'avais finalement osé envoyer un message à ce dernier, quelques jours après la rentrée. Depuis, nous échangions dès que nos temps libres le permettaient, lui passant un temps considérable à la FAC ou dans ses révisions, et moi à suivre Nathan et Lisa dans leurs occupations.
Nous n'avions pas encore posé de mot sur ce qu'on vivait ensemble, et je ne voulais pas vraiment le faire car en grande pessimiste que j'étais, je n'arrivais pas à comprendre l'intérêt qu'il me portait.- Salut Lucie, je disais en entrant dans la petite cuisine pour prendre mon goûter.
La mère de Nathan relevait les yeux de son ordinateur et remontait ses lunettes rondes sur ses cheveux courts blonds platine. Une manière de me dire qu'elle faisait une pause dans son télétravail.
- Nathan n'est pas avec toi, elle questionnait alors qu'on avait l'habitude de tout faire ensemble.
- Il a raccompagné Lisa faire un truc je crois, je lui mentais, cachant à une mère le fait que son fils était parti acheter sa consommation hebdomadaire. Et avec un pincement au coeur à chaque fois, je culpabilisais de la voir me croire.
- Ça a été les cours ?
Karen et Lucie ne s'intéressaient à ma scolarité que lorsque c'était nécessaire. Elles n'étaient pas vraiment du genre intrusives, mais ne me laissaient pas non plus tomber.
Je haussais les épaules, peu certaine de vouloir lui dire la vérité.
- Je m'ennuie.
- Tu aimais ça les cours avant, non ?
À nouveau, mes épaules remontaient, accompagnées d'un souffle long, entre deux bouchées de Pick Up.
- Cheh pas que ch'aimais ça, j'avalais ma bouchée, retirant d'un mouvement mon bonnet qui était resté sur mes cheveux blonds, j'étais juste bonne élève et scolaire, mais ça m'a jamais vraiment intéressé. Enfin, j'imagine comme tout le monde.
- Continue à être bonne élève sans que ça t'intéresse alors.
Mes yeux se baissaient et l'une comme l'autre nous sursautions en entendant Nathan rentrer en claquant la porte.
- J'ai trop de trucs dans la tête pour réussir à me concentrer.
Elle soufflait, attrapant ma main dans la sienne, me regardant avec compassion.
- Tu sais Odraz, je veux vraiment que tu comprennes que tu es ici comme chez toi et que si je pouvais je te garderai avec nous. Mais il serait peut être temps de discuter un peu avec Armelle, non ?
Je laissais ma tête retomber en arrière, et elle finissait par s'entrechoquer avec le torse de Nathan, debout derrière moi.
- Elle n'a pas changé d'avis sur moi, ça sert à rien, je lui répondais.
- Il faut y aller par étapes, retrouvez vous pour discuter de tout et de rien, vous avez sûrement des choses à vous dire. Promet moi que tu y réfléchiras.
J'hochais la tête, pas seulement pour lui faire plaisir mais aussi parce que j'y avais déjà pensé avant qu'elle ne m'en parle. Cette dispute avec Armelle datait de plusieurs semaines et elle faisait souffrir beaucoup de monde : moi, mes parents, Léo, et je l'espère Armelle elle même.
Lucie avait reposé ses lunettes sur son nez et s'était replongée dans sa comptabilité. Elle gérait une boutique de vêtements dans le quinzième arrondissement qui marchait plutôt bien.
De retour dans la chambre, comme chaque soir et après avoir pris un temps de récupération mentale sur nos téléphones respectifs, nous nous plongions dans nos devoirs. Souvent, lorsqu'on était un peu débordés, l'un faisait une matière et le deuxième, bossait sur autre chose. On s'arrangeait toujours pour repartir le travail sans trop se fatiguer.
Mais ce soir, la conversation avec Lucie et mon envahissement psychique constant depuis quelques jours m'empêchait de faire une phrase correcte pour ma dissertation.
Soufflant pour la vingtième fois depuis une quinzaine de minutes, je laissais ma tête retomber sur mon poing, fixant l'extérieur.
Nathan, qui était plus doué pour les DM de maths, posait son crayon près de sa calculatrice et passait sa main dans ses cheveux crépus.- Fais une pause au pire, non ?
- Tu parles, j'en ai fais une y'a dix minutes. Et cette dissert' c'est l'entraînement pour le bac blanc, je peux pas la louper.
- Depuis quand t'en a quelque chose à foutre du bac blanc ?
Je lui lançais un regard d'un mauvais œil avant de frotter mon visage de mes mains.
- Depuis que j'ai quand même une conscience. Je veux pas décevoir mes parents et Léo. Et c'est facile en plus, je suis juste incapable de me concentrer.
Nathan ne semblait plus savoir quoi répondre car il se repenchait sur son exercice de probabilité.
Je sais pas vraiment ce que j'aurais fais si je n'avais pas rencontré Nathan et Lisa. Où j'aurais pu aller après la dispute avec Armelle, qui m'aurait soutenu moralement, avec qui j'aurais pu vivre des trucs d'ados de 16 ans.
- Nathan ?
Il ne me répondait qu'en grognant pour me signifier que j'avais son attention.
- Tu pourrais me passer un peu de ton truc ?
Il relevait doucement la tête, croisant finement mon regard honteux.
- Quel truc ?
- Tu sais de quoi je parle.
- Je t'assure que je vois pas du tout là. Parce que j'espère me tromper sur ce que tu me demandes.
- Passe-moi en juste un peu. J'ai vu comment ça pouvait me poser et calmer mes idées, juste pour ce soir, s'il te plaît.
Mon regard suppliant croisait son regard inquiet et un silence s'installait. Nathan semblait être épris d'un important débat interne, et je comprenais ses sentiments.
Moi, Odraz, la petite intello de Bordeaux qui aimait bien peindre dans sa chambre avec moulures au plafond, réclamait sa dose de weed pour remettre ses idées en place. J'avais bien changé depuis quelques mois, et j'eus soudain honte de ce que je devenais, l'image de Leo apparaissant dans mon esprit.
Ce qui n'était pas prévisible, c'était que penser à Leo renforce mon envie de consommer, pour oublier.Et je regardais finalement Nathan sortir son pochon de son sac, roulant pour moi, pour nous, un joint peu chargé, juste ce qu'il fallait. J'avais l'impression d'avoir gagné quelque chose, comme un combat entre nous. Pourtant j'avais tout perdu, à me réduire à ça.
- Je te jure Odraz, tu fais de la merde.
Je lui souriais, essayant d'être rassurante, et l'observais ouvrir son velux pour que l'odeur n'alerte pas sa mère.
- Je sais, mais je fais ce que je peux, je te promet.
- Arrête de promettre, crevette.
Il tirait une première fois sur le cylindre puis me le tendait, en évitant soigneusement de croiser mon regard. Il n'était pas fier de permettre à son amie de se soulager par un moyen aussi toxique.
Pourtant, quand je tirais ma troisième bouffée et que les effets commençaient à se multiplier, j'aurais pu le remercier mille fois car, tout d'un coup, tout était plus clair. Dans ma tête, et sur ma copie de dissertation.
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ODRAZ
Фанфик« - Qu'est ce que tu me veux Ken ? - Qu'est ce que je te veux ? Tu dors à droite à gauche, tu fumes de la weed, tu lâches les cours et tu me demandes ça ? - Mais tu te prends pour qui ? - Pour quelqu'un qui s'inquiète un minimum pour toi ? Putain...