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Le week end qui avait suivi le vendredi soir en boîte de nuit était passé aussi vite que le mois de Novembre qui touchait à sa fin.

Nathan était rentré dans la nuit, arraché et puant l'alcool et la fumée toxique, il s'était couché dans mon lit, à mes côtés, prétextant un « besoin immédiat d'affection ». Il ne m'avait même pas réveillé puisque je ne trouvais pas le sommeil, perturbée par ma rencontre visuelle avec Hakim.

Je n'avais plus eu de contact avec Ken depuis deux mois, je n'avais plus cherché à le joindre depuis le soir de ma dispute avec Armelle car j'avais de toute façon perdu son numéro en même temps que mon portable sur la plage de Deauville. Et lui, de son côté, ne pouvait plus non plus me contacter car j'avais changé de numéro et il n'était pas concrètement au courant.

Le fait d'avoir croisé l'un de ses amis aurait pu être le moyen de relancer le destin pour recontacter ces garçons un peu trop vieux pour moi mais qui faisaient du bien à ma solitude fraternelle. Et pourtant j'avais fuis. Par manque de courage, par peur d'Hakim, d'un rejet de sa part ou de Ken, ou par peur d'être abandonnée à nouveau ?

Désormais, les scénarios repassaient dans ma tête inlassablement, parfois dérangés par un ronflement brusque de Nathan. Et si je n'avais pas fuit, est ce qu'Hakim m'aurait écouté lui demander de transmettre mon numéro à un mec supra connu qui fuit le monde ? Est ce qu'il ne m'aurait en fait pas reconnue du tout, me jugeant de son regard froid lorsque j'aurais prétendue les avoir connu dans l'été ? Et si lui comme Ken se moquait de moi, alias la petite lycéenne qui s'est fait tout un film autour d'une amitié à sens unique ?

Bon, même si on ne refait pas le monde avec des si, je crois qu'ils sont quand même venus confirmer mes actes, et j'avais enfin pu m'endormir, sereine et en accord avec moi même. Il valait mieux ne pas créer une nouvelle opportunité au destin pour piétiner mon coeur de fragile.

Le lendemain avait été aussi fatiguant que la soirée de la veille. Nathan avait décuvé une grande partie de la journée et sa sphère vaseuse était venue envahir mon propre esprit. J'avais passé mon temps sous la couette, alternant entre les fakes stories de certaines des filles de mon lycée qui parvenaient à faire entrer dans mon esprit l'idée que j'avais une vie morose ; et des vidéos YouTube nulles. Une journée s'apparentant à un dimanche. Sauf qu'on était samedi.

Ça m'avait tout l'air d'une déprime.

Et ça ne s'était pas arrangé lorsque le dimanche, j'avais reçu un message de ma mère qui creusait un peu plus dans mon coeur le trou crée par le manque que j'avais de ma famille. Malgré la bienveillance et la bonne humeur constante du foyer de Nathan et de ses mères, je voyais ma propre thymie être ébranlée par de constantes idées noires. Je ne m'étais jamais sentie aussi seule que ce dimanche de début décembre, pourtant bien entourée par les bras de mon ami.

- Pourquoi t'es triste ? Je percevais les murmures de Nathan, sa voix étouffée dans mes cheveux.

Nous regardions une vidéo de notre YouTubeur préféré, bras dessus bras dessous dans le lit.

- Je suis pas triste.

Quelques cheveux s'envolaient face au souffle fort de Nathan, agacé par la réponse.

- Arrête de te foutre de ma gueule, je commence à te connaître.

A mon avantage, nous nous concentrions tous les deux sur la vidéo puisqu'elle devenait particulièrement palpitante. Mais toute bonne chose à une fin, et mon ami revenait à la charge, plaçant sa main dans mes cheveux pour les caresser.

- Tu veux fumer un peu ? Tu veux que j'appelle Lisa pour quelle nous rejoigne ?

Qui m'avait envoyé cet ange ?

- Je te jure, je suis même pas triste. Je me sens un peu vide, un peu seule.

- On ne peut pas être un peu vide, un peu seule, non ? Soit t'es heureuse et comblée, soit t'es vide et seule, pourquoi tu minimises ?

- Hum, si tu veux. Alors je suis peut être complètement vide et seule, si c'est ce que tu préfères entendre.

Il ne trouvait rien à répondre, sachant très bien qu'il ne pouvait rien faire de plus que ce qu'il ne faisait déjà.

J'aimais beaucoup Nathan. J'aimais aussi profondément Lisa et son caractère pétillant.
Mais tout de même, avec Nathan, il y avait tout de suite eu une alchimie en plus. Alchimie qui avait d'ailleurs amenée notre relation pourtant récente à évoluer à un rythme particulièrement intense. J'avais un peu l'impression de le connaître depuis des années, de n'avoir rien à lui cacher. D'ailleurs, si Nathan n'était pas profondément homosexuel, notre relation en aurait fait douté plus d'un sur sa nature. J'aurais moi même pu en douter, Nathan était un beau garçon, charismatique et rieur.

Au départ, j'avais un peu culpabilisé de cette impression d'accaparer l'ami de mon amie. Après tout, ils étaient deux bien avant que je n'arrive dans leur vie, se connaissant depuis le début du collège. Mais très vite, Lisa m'avait elle même montré qu'elle avait ses Nathan à elle, à l'extérieur du lycée. Il n'était pas difficile d'analyser ses paroles souvent hypermatures et de comprendre qu'elle avait des amis plus âgés qu'elle. Bref, Lisa n'était en rien jalouse et la confiance régnait entre nous.

- Tu rentres à Bordeaux pour les vacances ? me demandait Nathan, les yeux toujours rivés sur le vidéo.

- Oui, mes parents rentrent et puis, Léo me manque trop.

- Pourquoi il n'est jamais venu en presque 5 mois ?

- Je peux pas lui en vouloir, il est en plein dans ses études, il n'a pas eu de vacances et je te parle pas de ses week ends. Il vit pour sa passion pour l'art, je ne peux rien lui reprocher, je crois que je ferais exactement comme lui à sa place.

Je sentais Nathan hocher la tête.
Je comptais désormais les jours avant mon départ pour Bordeaux et mes retrouvailles avec ma famille, malgré ma légère appréhension de retrouver Armelle. Il en restait 15, des jours, avant le 17 Décembre, 18h05, heure de mon train à Gare Montparnasse.

Ça allait vite passer, j'en étais persuadée.

Je l'étais encore plus lorsque le lendemain, j'avais reçu un message d'Adam me disant qu'il venait passer, exceptionnellement, quelques jours la semaine d'après à Paris chez un ami.
On avait continué à échanger, de façon irrégulière, mais lorsqu'on se parlait, on ne se lâchait plus. Parfois, je l'accompagnais dans ses nuits blanches pour les rendus de ses travaux et ses écrits à rendre. J'aimais particulièrement la psychologie sociale. Rares étaient les fois où il arrivait à être productif, malgré qu'on reste toujours dans des sujets de discussions autour de ses devoirs, la plupart du temps, on débattait ensemble plus qu'on réfléchissait à comment il pouvait le retranscrire par écrit.
Il était toujours là, nous n'avions jamais posé de mots sur notre relation, mais il était là. Il ne me laissait pas seule, il aurait dû me combler, mais ça ne fonctionnait pas.

En bref, j'avais tout pour être heureuse, et même avec un dose de cannabis dans le sang, je n'arrivais pas à l'être complètement.

ODRAZOù les histoires vivent. Découvrez maintenant