Cinquième partie.

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Driiiiiiiiiiiing, driiiiiiiiiiiing, driiiiiiiiiiiing !

8:20.

Nous attendons un moment dans le silence devant la salle de classe que la professeure arrive, puis, après quelques minutes, des murmures inquiets s'élèvent.

« Où est-elle ? Oh, mon dieu, si ça se trouve elle est morte, c'est trop daaaaaaark ! » ou bien « Trop cool ! Plus que dix minutes et on aura une excuse pour se casser. ».

J'ai l'impression d'être la seule a priori calme. Ah non, il y a aussi cette fille, là, avec son livre et ses lunettes d'intello. Comment elle s'appelle déjà ? Encore une fois, je me penche un peu sur le côté pour essayer d'apercevoir son carnet de liaison. Malheureusement, comme toute bonne fille modèle, elle a bien fermé son sac, ce qui a le don de m'agacer.

Je soupire et essaie de calmer ma respiration qui commence à s'emballer. « Ne-pas-s'énerver ». Je répète ces mots encore et encore, jusqu'à ce que mon esprit soit complètement vidé de toute colère.

Je jette quelques coups d'œil nerveux sur le visage de l'anonyme, puis la fixe et commence à la détailler entièrement. Ses nattes brunes et lisses tombent parfaitement sur ses épaules, comme si l'angle qu'elles forment a été étudié auparavant. Ses yeux bruns... non. Ses yeux noisette irisés d'or papillonnent doucement tandis qu'elle tourne la page de son roman et remonte ses lunettes sur son nez. Quelques tâches de rousseur parsèment le tout. J'ai à peine le temps de diriger mon regard vers ses lèvres que je sens qu'on m'observe.

Je me retourne d'un coup, mais personne ne se trouve derrière moi. Alors que je m'apprête à retourner à mon lieu d'exploration, je croise le regard de cette fille. Je tressaille. Merde ! Elle a dû voir que je la fixais comme une folle. J'essaye rapidement de trouver une diversion, une excuse ou quoi que ce soit, mais je rencontre de nouveau ces yeux aux paillettes d'or. Mon cerveau se vide, je suis complètement décontenancée, je ne sais pas quoi faire. Un doux murmure me sort alors de mon désarroi.

- Eum...

Elle a parlé. Elle a prononcé un mot, la politesse voudrait que je lui réponde !

- Tu peux arrêter de me fixer, s'il te plaît ?

Sa voix est chaude mais ferme. Je détourne rapidement la tête en chuchotant un futile pardon. Merde, mais qu'est-ce que le bon dieu m'a fait pour que je perde mes moyens comme ça ! Je baisse mon regard, rougit et pâlit en même temps, balbutie quelques mots stupides que je tente d'effacer en secouant la main inutilement, puis me retourne vers cette... fille.

Elle m'observe bizarrement. Ah, mais pourquoi j'ai fait ça ! C'était pas prévu tout ça !

Après quelques secondes d'hésitation, je me redresse et remet mon masque habituel. Ou plutôt, j'enlève celui de mon désarroi.

- T'es qui, toi ?

Elle me regarde comme si je lui avais fait ma déclaration d'amour. Hm, très peu pour moi, merci.

- Euh, j-je--

- Mais encore ?

Tout le monde se retourne pour voir ce qu'il se passe, plus précisément pour observer ma nouvelle victime.

- Eh ! Au cas où t'aurais pas remarqué, c'est toi qui me fixais comme une dingue !

Tous les regards se tournent vers moi, attendant ma réplique et une réponse à cette remarque plus qu'étrange.

Hm. J'avais prévu le coup.

- Oui, c'est vrai... je réfléchissais à un bon moyen de te refaire la gueule, si tu vois c'que j'veux dire...

Elle sert les poings.

- Ouais, j'vois exactement ce que tu veux dire, espèce de--

- Enfin, dans le sens "relooking", tu vois ? Faudrait vraiment que t'arranges tes cheveux, plus gras que ça c'est pas possible.

Des rires fusent alors que je caresse une de ses nattes d'un doigt. Elle frappe ma main avec violence pour me la retirer, ce que je fais avec plaisir. Je souris, satisfaite : j'ai réussi mon coup.

- Bref. La prof arrive on dirait. Une super bonne raison pour que tu refermes ces magnifiques lèvres.

En effet, la belle est restée bouche-bée devant tant de violence verbale. Elle me pointe de l'index avec colère.

- Ne t'avise pas de me parler sur ce ton, F...

Je me rapproche de son visage, pose un doigt sur ses lèvres et lui chuchote à l'oreille.

- Et toi, ne t'avise plus de m'appeler par mon prénom, ou de m'appeler tout court.

Elle me regarde avec des yeux ronds, de grands yeux dorés...

Je m'écarte vivement, me retourne vers Mme Chanleg et dis d'une voix forte :

- Bonjour Madame !

Les autres élèves comprennent le signal et se dispersent bien vite. La brune me fixe, furieuse et humiliée, mais ne dit rien et entre dans la salle à la suite du professeur.

Je m'assois à ma table et fixe le bois plastique, pensive.


Comment s'appelle cette fille ?

Gouffre.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant