Vingt-et-unième partie.

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À la pause de dix heures, je me cache derrière ce fameux bâtiment B. Dans quelques heures, Léa viendra me voir au même endroit pour me parler. Honnêtement, ça me fait du bien d'avoir un moment à moi ; avec les cours, les fêtes et les dramas, j'ai de moins en moins de temps pour me retrouver - et fumer une bonne cigarette tranquillement.

On n'a le droit de fumer qu'à l'extérieur du lycée, mais toutes ces émotions récentes m'en font perdre le sens des règles. En même temps, je suis une fille parfaite, c'est bien connu !

Je ris doucement alors que je prends mon briquet dans ma poche. Je tire une cigarette du paquet et l'allume. Je respire la fumée blanche comme neige et me mets dos au mur. Mon regard détaille le grillage vert. Comme si ça pouvait arrêter qui que ce soit.

Le calme m'envahit. Je n'entends que les bruits des gamins de la cour du collège et les rires de celle du lycée au loin. Au moins, ici, je peux enfin me détendre. Je passe une main sur mon visage et soupire. On est quel jour déjà ? Ah oui, vendredi. Cette semaine a été tellement longue, j'en perds la notion du temps.

Enfin, c'est pas comme si j'avais l'habitude.

Je tourne et retourne la clope entre mes doigts. Qu'est-ce que j'ai fait pour aimer cette merde ? Genre, c'est vraiment un des trucs qui te nique le plus la santé, sans compter la drogue. J'ai jamais essayé, mais je pense que ça pourrait être fun. Un jour, un joint, sans prise de tête. Je souris comme une tarée. Si quelqu'un passe par là, cette personne me croira folle, à rire et à me parler à moi-même. Bof, tant pis, au point où j'en suis...

Je me redresse. Non ! C'était exactement mon état d'esprit à la soirée - du moins, ce que je pense en être - et voyez où ça m'a conduit ! Je retombe avec un "pouf" sur la façade de crépi jaunâtre. Bon, autant noter dans mon carnet tout ce que j'ai traversé jusqu'à maintenant. Malgré le fait que je l'ai fait dans la voiture avant les cours, on n'est jamais trop prudents. Je sors le cahier relié de cuir noir et l'ouvre au milieu. La page des événements importants s'ouvre à moi. Je la parcours des yeux rapidement par réflexe.

"Conversation avec Pierre."
"Dispute avec Pierre."
"Plan pour sortir avec Pierre (faire une fiche spéciale ?)."
"Crise de colère."
"Retour de Lurec (interdiction d'aller au lycée pendant deux jours)."

Je retrouve cet instant de doute qui m'avait pris. Ah oui. J'avais oublié quelque chose. Mais quoi ? Je retourne encore et encore mes pensées mais n'arrive pas à mettre un doigt sur cette chose - ou cette personne.

- Rah, et puis c'est inutile de toutes manières ! Quelle idée de me torturer avec ça.

Et voilà. Je parle toute seule. Je suis devenue définitivement folle. Cet oubli m'a achevée.

Paix à mon âme.

Je repense à Léa, et puis au papier que lui a donné Pierre. Fronçant soudainement les sourcils, je prends mon stylo noir et note cette réflexion. Intéressant. Et puis aussi ce rendez-vous que m'a donné Léa. Derrière le bâtiment B à la pause de midi ? Pourquoi voudrait-elle me parler, et surtout de quoi ? Je trace deux flèches et inscris ces questions. De fil en aiguille, les yeux de Mystérieuse me reviennent en tête. Pourquoi m'a-t-elle fixée comme ça ? Elle a sûrement compris qu'il y avait un truc louche entre Léa et moi.

Hmmm...

Je lève soudainement la tête.

Mais bien sûr !

Je m'empresse d'aller à la ligne et écris :

"Mystérieuse."

J'en aurais ri si ça ne m'avait pas autant troublée. Mais qu'est-ce que je suis conne ! Comment ai-je pu oublier une chose pareille ? Cette fille me hante depuis plusieurs jours déjà, et je ne me rends compte que maintenant que c'est elle que j'ai omise de ma mémoire.

Gouffre.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant