Vingt-troisième partie.

13 4 0
                                    


À peine la porte donnant sur l'extérieur ne s'ouvre que mon nez me pique. Le froid ambiant digne d'une journée de fin d'automne enveloppe les élèves. Les rires commencent à s'élever, de la vapeur d'eau franchit les lèvres de certains. Je longe le mur du bâtiment B.

Cette ambiance me met mal à l'aise. Pour la première fois dans ce lycée, je ne me sens pas à ma place. J'ai l'impression d'être une étrangère, une nouvelle qui vient de débarquer et n'a pas encore d'amis.

J'écarquille les yeux. Le nuage blanc devant ma bouche disparaît.

Je n'ai pas d'amis.

Cette révélation me fait l'effet d'un coup de couteau.

Alors que j'arrive derrière le bâtiment principal, je me laisse tomber à terre, là où je fumais pendant la pause. Je me passe la main sur le visage par réflexe.

Quelle connerie.

Si ça se trouve, Léa va me dire que tout ça était en fait une caméra cachée et qu'elle peut maintenant arrêter de jouer la fille intelligente et lucide ?

- Mais qu'est-ce que je raconte...

Je baisse doucement mon bras et faufile mes doigts entre les brins d'herbe mouillée. Quelques gouttelettes se posent sur mes phalanges en train de cicatriser. Un frisson me parcourt malgré moi. Je n'ai qu'une polaire par-dessus mon pull violet et mon jean commence déjà à se mouiller. Pourtant, je ne bouge pas. Je laisse ma tête tomber contre le béton.

Mes yeux fixent la cime des arbres derrière le grillage. Des nuances carmin, abricot et ambrées se mêlent tout là-haut. Elles forment un tourbillon enflammé, chaleureux, rassurant. Les dernières feuilles de l'automne se détachent délicatement. Quelques rayons du soleil percent à travers les branches. Il est bas en cette période de l'année.

Le temps semble s'être arrêté.

Je soupire. Cette atmosphère me convient déjà plus.

Le froid s'engouffre petit à petit dans mes vêtements. Mon pantalon est maintenant complètement trempé et je me tasse sur moi-même, espérant trouver une once de chaleur entre mon mince pull et mon manteau.

Je me détends.

C'est agréable ici, à la pause de midi, en fait. Je devrais venir plus souvent.

Mes doigts caressent une dernière fois les brins d'herbe avant de chercher machinalement dans mon sac mon paquet de cigarettes. Je souffle du nez en constatant qu'il n'en reste que deux. Précautionneusement, j'attrape une clope d'une main et mon briquet de l'autre. Je l'allume et observe silencieusement la flamme bleue. Quelques secondes passent. Je finis par approcher le feu du petit bout de papier.

La cigarette commence lentement à se consumer.
Je la pose sur mes lèvres et aspire doucement mon élixir. Je sens comme une tension se désintégrer en moi. Je souffle de petits nuages gris cette fois. La fumée semble plus impressionnante encore dans ce froid ambiant.

Je lève ma main gauche et la touche du doigt. Je façonne sa forme dans l'air. Quelques minutes s'écoulent, pendant lesquelles je joue avec ces volutes d'argent. C'est joli.

J'entends alors des feuilles crisser non loin. Avant qu'elle n'ait pu dire un mot, je la salue.

- Tu es en retard.

Je sens Léa se raidir près de moi. Elle se ressaisit bien vite et soupire exagérément. Elle tombe à côté de moi. Son regard se fait de plus en plus pesant, ce qui m'arrache un souffle de frustration.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Je n'ai jamais apprécié que tu fumes.

Je fixe les feuilles dorées au pied des arbres.

Gouffre.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant