Mathieu

Octobre (2)

Je me prépare pour une nouvelle soirée. Cette fois-ci, c'est celle de la rentrée de l'équipe de natation. Sébastien et Fabien viennent chez moi, pour se préparer. Je ne sais pas trop comment ma chambre s'est transformée en coulisses pour les soirées. C'est sans doute moi qui l'ai initié quand j'ai appelé Fabien à l'aide. En fait, on ne met pas beaucoup de temps à se préparer, puisque mes deux potes arrivent déjà habillés et que moi je me décide à enfiler des vêtements après avoir vu ce qu'eux portent. Comme la dernière fois, il n'y a rien de bien sorcier, nous sommes habillés comme tous les jours. On porte juste un peu plus d'attention à nos coiffures, on se rase bien, on abuse sur le parfum. Sinon, il n'y a rien de spécial, même si ce soir nous ne serons pas uniquement avec des camarades de classe, mais aussi avec des mecs plus âgés.

– Je peux vraiment participer à cette soirée ? Je ne suis pas officiellement membre de l'équipe.

– Ne t'inquiète pas, Mathieu, tu en feras partie. On a de grands projets pour toi.

La réponse de Sébastien est énigmatique. J'aimerais en savoir plus, sauf que nous sommes interrompus par ma mère.

– Vous êtes beaux, les garçons.

La règle, si on vient chez moi, c'est de passer un peu de temps avec mes parents. Sans surprise, c'est surtout ma mère qui insiste pour ce petit rituel. Elle ne redescend pas de son nuage depuis qu'elle sait que je me fais des amis. Elle a envie de leur parler, pour en savoir plus, heureuse que j'ai enfin une vie sociale.

– Où se tiendra la fête ?

– Les parents d'Irénée ont une grande maison à Saint-Cloud.

– On fait toujours nos fêtes de l'équipe là-bas, vu qu'il y a de la place et surtout qu'il y a une piscine.

– Irénée, c'est celui avec qui tu t'entraînes à la salle de sport, Mathieu ?

– Oui, papa.

– Intéressant.

Tiens, il a dû faire des recherches à partir du nom de famille, chaque parent a la liste des élèves de la classe. Ou alors il a déjà croisé le père d'Irénée et a compris qu'il s'agissait d'une personne influente. Autrement, je ne vois pas comment interpréter ce « intéressant ».

– Bien, il est l'heure.

Nous descendons pour entrer dans le Uber où nous attend déjà Margaux. Pendant le long trajet, personne ne parle. Je ne sais pas ce qui se passe, l'atmosphère est lourde, il semble y avoir un problème, une tension. Mais puisque personne n'a l'air d'humeur, je ne vais pas me lancer et poser des questions. Je me concentre sur mon propre stress. C'est encore une première pour moi, je les enchaîne en ce moment. Pourtant, je ne suis jamais détendu, j'appréhende la nouveauté. Je connais tous les membres de l'équipe, j'ai désormais des amis, nous allons chez Irénée. Je ne devrais pas être anxieux. J'essaie de me raisonner, ce qui ne fonctionne jamais.

Lorsque nous arrivons, il y a déjà pas mal d'ambiance. Ce sera sympa, avec un barbecue, de l'alcool, une certaine liberté puisque nous pouvons faire du bruit, nous sommes dans une maison totalement isolée. Enfin, la dernière fois la fête avait lieu dans un appartement et nous ne nous sommes pas privés pour faire du bruit... J'aimerais parler à Sébastien, ou Fabien, savoir ce qui se passe, pourquoi il semble y avoir une tension. Je n'arrive même pas à les trouver, il y a du monde et les gens viennent me voir pour me faire boire. Je ne sais pas si c'est la coutume, mais je fais avec, il faut de toute façon que je me détende, l'alcool est bien pratique pour ce genre de chose.

– Tes potes ne sont pas là ?

Il faut qu'il arrête de me surprendre, parce qu'à chaque fois je sursaute et c'est tout sauf viril.