Janvier (2)

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Les soirs de la semaine, je continue mes entraînements à la piscine. Deux fois avec l'ensemble de l'équipe. Maintenant, que je suis leur administrateur, les choses ont un peu changé. Ils viennent me poser des questions, sur l'organisation des prochaines compétitions. Je ne savais pas que chacun avait ses petites particularités. Il y a ceux qui ne mangent pas de gluten, ceux qui ne veulent pas si, qui ne veulent pas ça... Surtout, ils s'inquiètent déjà de la répartition des chambres. On se croirait dans une cour d'école. Certains veulent absolument être ensemble, d'autres ne veulent pas du tout se retrouver dans la même chambre d'hôtel. Ce n'est pas parce qu'ils ne s'apprécient pas, mais parce qu'ils se connaissent trop bien et savent qui ronfle si fort qu'il est impossible de dormir avec lui. Il y en a un en particulier avec lequel personne ne veut dormir. J'ai demandé à Sébastien, il faut avant tout faire le maximum pour satisfaire les demandes des nageurs, puisqu'ils doivent être en forme au moment de la compétition. Ce qui veut dire que c'est moi, l'administrateur, qui vais devoir partager une chambre avec celui dont personne ne veut. Si je me réveille fatigué, ça n'aura aucune conséquence sur les performances de l'équipe. Super !

Les autres soirs, c'est toujours avec mon coach personnel, Fabien, que je m'entraîne.

– Je ne veux pas te vexer, mais, enfin, pourquoi on continue ces entraînements ?

– Tu en as marre, Mathieu ?

– Non, pas du tout, et d'ailleurs je fais d'énormes progrès, j'adore, tu es un très bon coach.

Je sors la brosse à reluire puisque, comme je l'ai précisé d'entrée, je ne veux pas le vexer.

– Seulement, maintenant on sait que je ne ferai jamais partie de l'équipe. Donc... c'est surtout pour toi en fait, tu ne perds pas trop de temps avec moi ?

Quand nous sommes dans la cabine, pour nous changer, c'est un bon moment pour discuter. Comme si c'était impossible de partager le même espace sans décrocher un mot.

– Pas du tout, Mathieu, j'aime bien ces entraînements.

– Ah oui ? Je suis un bon élève ?

– Le meilleur que j'ai connu.

– Tu n'as que moi comme élève.

– Donc ce n'est pas un mensonge ! Et puis je t'aime bien.

– Euh, moi aussi je t'aime bien.

Bizarre cette conversation, mais il s'ouvre un peu, je dois donc l'encourager. J'apprécie quand les autres me parlent, se livrent, se confient à moi. Et on dirait que j'attire les confidences, c'est peut-être un don.

– T'es sympa, tu te prends pas la tête, tu as envie de tout apprendre.

Je ne me prends pas la tête ? C'est bien la première fois qu'on me dit un truc pareil. Je suis tout le temps en train de cogiter... Bon, c'est vrai que je n'embête pas les autres avec mes délires intérieurs.

– Et puis, on partage un truc.

Là, je dois dire que j'ai perdu le fil.

– Je n'ai pas non plus, enfin, je n'ai pas franchi le pas.

Je ne m'y attendais pas. C'est vraiment une obsession ! Moi aussi j'aimerais passer le cap, mais je n'y pense pas jour et nuit. Ça viendra, et peut être plus tôt que je ne le pense, pas la peine de se focaliser là-dessus.

– Sébastien, Irénée et les autres ils y sont déjà passés, je me sentais un peu seul.

– Pourquoi tu ne l'as jamais fait ?

– Je ne sais pas trop. Peut-être que, enfin, j'ai peur.

– De quoi ?

– Tu vas me trouver con.

MathieuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant