Nouvel An

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Pour la première fois de ma vie, je ne vais pas passer le Nouvel An tout seul. Eh oui, cette année scolaire est en fait remplie de premières fois, pour moi, comme si j'étais enfin entré dans le vrai monde. C'est le cas, puisqu'avant mon univers se limitait aux quatre murs de ma chambre. Maintenant, j'en suis sorti et, ayant mis le doigt dans l'engrenage, je ne peux plus reculer. Bien évidemment, ce n'est rien de négatif, ni une contrainte, je suis heureux d'être sorti de ma coquille et de réellement commencer à vivre... en société. Ce soir donc, une fête est organisée avec mes camarades de classe, pour le passage à la nouvelle année. Notre classe est très soudée, nous faisons beaucoup de choses ensemble. Enfin surtout la fête ! C'est sans doute dû à la personnalité du délégué, Sébastien, qui a cette volonté d'unir les autres, de proposer des activités en commun. Il aime diriger et il le fait bien.

– Comment se passe ce genre de soirée ?

Avant de rejoindre les autres, je suis passé chez Irénée. Parce que j'ai envie de profiter de chaque moment avec lui, être dans ses bras, l'embrasser. Pour l'instant nous ne sommes pas allés plus loin.

– Tu es encore angoissé par la perspective d'une soirée ? Pourtant tu t'en sors toujours bien, Mathieu.

– Oui, mais chaque fois c'est un peu différent.

– Disons que le Nouvel An c'est comme toutes les soirées qu'on fait entre potes. On essaie de s'habiller un peu mieux, parce que c'est une fête spéciale. Mais finalement, la seule différence c'est qu'à l'approche de minuit on fait ce stupide décompte avant de se souhaiter une bonne année, juste pour la forme.

– On dirait que tu n'as pas envie d'y aller.

– Si tu n'étais pas là, je n'irais pas. Mais comme ça semble te faire plaisir, on va y aller ensemble.

– Comme un couple ?

– Euh, je ne sais pas trop.

J'ai un mouvement de recul. Je n'apprécie pas du tout cette hésitation alors que le sujet est si important.

– J'en ai envie, bien sûr, mais comme Sébastien et Fabien sont cool par rapport à l'homosexualité tu as l'impression que toute la classe accepterait sans aucune difficulté.

– Tout le monde ne sait pas pour toi ?

– Non, après tout je suis le « loup solitaire », ils aiment m'appeler comme ça. Ils ne se posent même pas de question au sujet de ma sexualité, je suis à part, donc j'entretiens le mystère. Je sais, c'est ridicule.

– Tu ne veux pas que ça se sache.

– On est dans une école privée, Mathieu. Sans doute que nos camarades sont cools sur le sujet, notre génération a un peu évolué par rapport aux précédentes. Mais des parents seraient rapidement au courant et ça pourrait créer quelques remous. Pour moi ce ne serait pas grave, mes parents savent. Les tiens, il vaut mieux qu'ils ne l'apprennent pas par des voies détournées.

– Donc on fera comme si on était juste des potes.

– Je sais que ce n'est pas très sympa, mais est-ce que toi tu as envie que tout le monde sache ?

– Euh, ça ne me pose pas de problème.

– Vraiment ?

– Bon, d'accord, je ne suis pas prêt à faire mon coming-out.

– C'est difficile, tu voudrais que ce soit public, qu'on se tienne par la main, qu'on s'embrasse devant tout le monde, comme les hétéros. En même temps, tu as un peu peur du jugement des autres.

– Oui, désolé.

– Ne le sois pas, Mathieu, c'est normal. Tu dois aller à ton rythme.

Bien, alors je profite encore du peu de temps qu'il nous reste pour embrasser un maximum Irénée, puisqu'ensuite on devra se comporter comme des amis.

MathieuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant