Noël

334 27 2
                                    

Je suis dans la voiture, avec mes parents. Pour Noël, nous retournons auprès de la famille, donc assez loin de Paris. Je devrais être heureux de retrouver tout le monde, cela fait des mois que je ne les ai pas vus. Pourtant, je ne peux pas m'empêcher d'être triste. Plus on s'éloigne de Paris, plus je m'éloigne d'Irénée ! Et après ce qui vient de se passer, ces doux échanges de baisers, je n'ai qu'une seule envie : le revoir. Être à nouveau dans ses bras, sentir son corps contre le mien, savourer le contact de ses lèvres... ressentir toutes ces émotions tellement agréables qui se déclenchent dès que nous nous embrassons. Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Pourquoi avoir franchi ce pas juste avant d'être séparés ? On dirait que c'est fait exprès, que la vie est juste cruelle. Pendant tout le trajet, les parents essaient de lancer des conversations. Je n'ai aucune envie de parler, je veux juste que ces quelques jours passent le plus vite possible pour que je retrouve celui que j'aime.

Oui, je crois que je l'aime. C'est bizarre de se demander si ce que je ressens est vraiment de l'amour. Depuis le premier jour où je l'ai vu, j'éprouve quelque chose de spécial pour Iréné. Mais je vais peut-être un peu vite quand je conclus que c'est de l'amour. Quand on n'a jamais éprouvé ce sentiment avant, est-ce qu'on peut le reconnaître avec certitude ? Mon cœur a quand même tendance à s'emballer très rapidement. Je repense au premier jour de classe, lorsque Sébastien m'a fait signe pour que je vienne m'asseoir à côté de lui. À cet instant aussi j'ai éprouvé quelque chose, un sentiment nouveau. Pas seulement parce que pour la première fois quelqu'un a réagi comme le ferait un ami. Non, c'était surtout le fait que Sébastien est très beau et qu'en m'asseyant à ses côtés, j'ai eu comme plein de petits papillons dans le ventre. Jusque-là je n'avais fait que fantasmer le sentiment amoureux.

Car oui, on a envie de tomber amoureux. Peut-être qu'on est tous conditionnés pour ça. Les dessins animés, les séries, les films... la plupart du temps tout tourne autour de l'amour. Presque systématiquement d'ailleurs. Même dans les films-catastrophes à gros budget, le héros qui va sauver le monde le fait toujours par amour pour sa femme et ses enfants. Généralement, dans ces films, le grand amour du héros est déjà, ou parti suite à un divorce, ou décédé. Sans doute pour l'intensité dramatique. Bref, l'amour est partout omniprésent et érigé comme le Graal, ce qu'il faut absolument atteindre. C'est encore pire à Noël, avec tous ces téléfilms un peu niais mais que beaucoup adorent, ceux tournant autour de la rencontre de l'amour au moment des fêtes de fin d'année. Le but de la vie serait donc de tomber amoureux ? Ne pouvons-nous pas apprécier la vie en étant seul ?

Quoi qu'il en soit, j'ai énormément fantasmé ce que devrait être ma première relation amoureuse. Chaque soir, en m'endormant, je me blottissais contre la couette, fermant les yeux et imaginant que j'étais dans les bras de celui que j'aime. Alors, je me faisais mes propres films, partant du principe que je partageais une relation parfaite avec quelqu'un. Dans ces fantasmes, le mec était toujours beau, évidemment. Il pouvait prendre l'apparence de quelqu'un que j'avais croisé l'espace d'un instant, dans la rue ou au sport et que je trouvais magnifique. Le soir, je repensais à ce garçon ou cet homme et m'imaginais vivre la relation idéale avec lui. De l'amour, de la tendresse, une grande complicité, des longues discussions. Quelqu'un prenant soin de moi, faisant attention à moi, me rassurant quand j'avais peur, mon protecteur, mon complice, mon héros. Rien qu'avec ces petits fantasmes, mon cœur réussissait à s'emballer comme si ces histoires que j'imaginais étaient vraies.

J'avoue, j'ai beaucoup visualisé le visage et le corps de Sébastien, en début d'année, juste après l'avoir rencontré. Mais je me suis aussi vu, dans mon lit, avec Fabien ! Parce que oui, mon cœur s'est également emballé pour lui. Un autre beau gosse, avec qui je partage beaucoup de mes soirées, à la piscine. Surtout, un partage de moments dans la cabine, quand il faut se changer. J'ai donc deux amis dont je connais l'anatomie par cœur. Sébastien parce que nous partageons des choses très intimes lorsque nous sommes dans ma chambre, devant des films qui eux ne font pas la promotion de l'amour mais du sexe pur. Fabien, parce que nous partageons la même cabine. De quoi nourrir tous mes fantasmes, les rendre encore plus intenses et dépasser le stade de la jolie romance pour aussi m'imaginer faire bien plus avec eux ! Je n'ai pas encore osé en parler à qui que ce soit, mais j'imagine que je ne suis pas le seul à fantasmer des relations sexuelles avec des potes... En sachant que tout ne restera que fantasmes.

MathieuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant