Mathieu

Février (1)

Ce soir, après les cours, j'ai rendez-vous dans un café. Pas celui dans lequel nous nous rendons habituellement pour décompresser. Il faut un terrain neutre. Nous devons rejoindre Jérémy, qui attend une réponse. Sans doute qu'il est très sûr de lui, qu'il ne se doute de rien et qu'il est déjà victorieux. Il doit penser que j'ai fait pression sur Sébastien pour éviter de trouver ma vidéo sur internet ou qu'elle soit diffusée à tous mes contacts. Il se voit déjà intégrer l'équipe, dans sa tête de malade mental. Dans un premier temps, je me dirige seul vers le café. C'est Valentine qui a mis tout le plan au point, elle est vraiment géniale, elle a une totale maîtrise de la situation, elle a les idées claires, elle sait exactement quoi faire.

– Salut.

Je ne lui retourne pas sa salutation. J'ai juste envie de le frapper en voyant son petit air supérieur, son sourire en coin, son autosatisfaction qui s'affiche si ouvertement.

– J'imagine que tu m'as ramené ma carte de membre.

Soudain, quelque chose se passe. Je ne veux pas me l'avouer, mais il me fait presque pitié.

– Je ne comprends toujours pas pourquoi tu veux tellement faire partie de l'équipe.

– J'ai mes raisons et tes petits copains t'ont certainement tout expliqué.

Je prends place, j'ai envie de savoir.

– Tu es intelligent, tu es le premier de la classe, tu vas faire des super études. Le sport, par contre, tu sais que ce n'est pas ton truc, du moins pas la natation, pas à un niveau qui permet de participer à des compétitions nationales et internationales.

– Je ne t'ai pas fait venir pour recevoir une leçon de vie. Tu as finalisé mon inscription ?

– Non.

Son visage se déforme sous la pression de la colère. Vraiment, il ne s'attendait pas à ce que je dise non. Il lui faut un certain temps pour assimiler l'information.

– Tu préfères protéger l'équipe que ta propre réputation ?

– Quand on fait partie d'un groupe soudé, oui on fait tout pour ce groupe. Parce qu'en retour, ils font tout pour moi.

Je tourne mon visage vers la baie vitrée, c'est le signal. Les autres arrivent et s'installent à la table : Sébastien, Fabien et Irénée.

– Je vois, vous allez me donner une bonne correction.

Il se met à rigoler. Dire que j'avais presque pitié de lui, de sa volonté de remplacer son frère, sachant qu'il ne pourrait jamais. Mais il a quelque chose de détestable, nous irons donc jusqu'au bout du plan.

– Les faibles d'esprit utilisent toujours leurs poings pour compenser leur frustration. Mais vous savez que je m'en fous. Vous pouvez me défigurer, ça ne durera qu'un temps. La vidéo du petit Mathieu en train de faire des cochonneries, elle ternira sa réputation pour toujours.

– Tu nous ennuies avec tes menaces.

– C'est vrai, arrêtons de parler. Je vais rentrer chez moi et envoyer cette vidéo à tout le monde. Mathieu : tes parents, tes potes, tous tes contacts verront à quel point tu es un petit pervers. J'imagine que personne ne sait que tu es pédé.

– Ne va pas trop loin.

– Tiens donc, le loup solitaire se réveille. Est-ce que tu ne ferais pas des petites cochonneries avec l'innocent Mathieu ?

Le corps d'Irénée se crispe. J'ai peur que la situation ne dégénère, mais s'il en venait aux mains, est que je l'arrêterais ?

– Je te jure, Jérémy, il vaut mieux que tu fermes ta gueule.