Avril (2)

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Je n'ai pas dormi de la nuit. Pourtant, la journée d'hier était chargée, trop sans doute. Angoissé, je n'ai pas fermé l'œil une seule minute. Enfin, techniquement sans doute que j'ai quand même dormi un peu, mais au réveil je suis complètement à côté de la plaque. J'ai encore un petit espoir qu'il ne se passera rien aujourd'hui, normalement le lundi de Pâques est une journée de repos complet. Mais je doute qu'il n'y ait aucune conséquence suite aux événements de la veille. Lorsque je décide de me lever, il est presque midi. Le temps de passer à la salle de bains pour me redonner forme humaine et m'habiller un peu correctement, je rejoins mes parents à la cuisine, pour déjeuner. Un repas qui commence dans le silence complet. Jusqu'à ce regard échangé entre mon père et ma mère, quelques secondes avant qu'elle ne se lance. Ce n'est pas bon du tout.

– Avec ton père, nous avons beaucoup discuté cette nuit.

Je n'ose pas lever le nez de mon assiette, je ne veux pas de cette conversation. J'ai soudain le cœur qui bat beaucoup trop fort dans ma poitrine.

– Tu passes énormément de temps avec Irénée.

Je le savais, c'est le moment. J'aurais aimé choisir le timing, mais là je ne vais plus avoir le choix. Peut-être que c'est une bonne chose, je n'en ai aucune idée.

– Vous êtes donc souvent seuls dans son appartement.

Mes parents sont extrêmement calmes. Difficile de déterminer si cela me rassure ou m'angoisse encore plus. Bon, il faut que je dise quelque chose, c'est une discussion qui s'amorce, pas un monologue.

– Le tutorat prend du temps.

Argument un peu léger, surtout qu'au ton de ma voix, on sent bien que je ne dis pas toute la vérité. Même moi je ne suis pas convaincu par ma réplique.

– Parfois toute la nuit ?

Quand mon père prend la parole, c'est un peu plus brutal. Il est factuel, il ne connaît pas vraiment la diplomatie.

– J'ai discuté avec la maman d'Irénée hier.

Mon cœur va exploser dans ma poitrine et être expulsé, là, sur la table de la cuisine. Si cela se produisait, au moins je n'aurais pas à affronter cette conversation.

– Tu savais qu'il est... homosexuel ?

Si l'instant n'était pas si grave, je pourrais presque en rire. La question me paraît dérisoire. Mais c'est un moment sérieux.

– Oui.

– Il a un petit copain en ce moment ?

Le côté positif c'est que ma mère dirige la conversation. Elle sait y mettre les formes, y aller en douceur.

– Je crois, oui.

Ah non, c'est nul comme réponse. Nous venons d'établir que je passe énormément de temps avec lui, même des nuits entières, comme l'a souligné mon père. Donc je dois connaître ce genre d'information.

– Vous ne faites vraiment que du tutorat, n'est-ce pas ?

Les questions commencent à s'entremêler. Ma mère ne sait pas de quelle manière arriver droit au but. Je la comprends et, en plus, ce serait à moi de tout dire, là, maintenant.

– Le soir, on joue à la console, jusque tard dans la nuit.

– Je trouve que vous faites un beau couple.

Heureusement que je n'ai aucun aliment en bouche, je l'aurais recraché. Mon père n'a pas eu cette chance, il a failli s'étouffer avec ses pâtes.

– Mathieu, regarde-nous.

MathieuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant