Side by side with the Devil

Un ange en enfer

     Les lumières s'allumèrent d'un seul coup dans toute la pièce, aveuglantes comme le soleil. Eddie ouvrit les paupières, visiblement tiré de son sommeil profond, grimaçant en couvrant ses yeux sous sa paume pour ne pas sentir ses rétines brûler plus longtemps. Son corps était mou, chacun de ses membres paraissant faire le double de son poids, et dans sa tête frappait inlassablement un marteau qui menaçait de passer au travers de son crâne pour en sortir. La gorge du jeune homme était semblable à un buvard neuf et sa langue ne ressentait plus que le goût chimique des dernières substances ayant imbibé sa bouche.
     Le punk frotta si fort son visage qu'on aurait dit qu'il essayait de le retirer de sa face, se forçant à rouvrir les yeux pour faire face au plafond blanc au dessus du lit dans lequel il était allongé. Ah, oui. Alors il en était à nouveau rendu là. Dans cet endroit horriblement familier où il aurait aimé ne jamais avoir à remettre les pieds. Eddie sentit ses larmes brûler sa peau sous leur passage, ses pupilles brouillées par le liquide dérivant vers son bras gauche qu'il découvrit couvert d'ecchymoses en son creux, rappelant ainsi les nombreuses seringues avec lesquelles il s'était lui-même piqué. Un sanglot vint lui nouer la gorge, l'étouffant dans une légère toux qui lui rappela les autres choses qu'il avait pu prendre par voie orale.
     Le jeune homme se hissa sur le rebord de son lit grâce à la barrière qui la bordait, se tractant en position assise et posant maintenant ses pieds nus contre le carrelage glacé de cette petite pièce dans laquelle il était enfermé. Il observa chaque recoin de l'endroit, pinçant ses lèvres en reconnaissant l'aspect de cellule qu'adoptait la chambre. Son lit dans un coin, un petit bureau avec une chaise sur sa droite, une porte donnant sur une salle de bain d'un petit mètre carré seulement sur sa gauche, ou plutôt un placard pour se laver si on en croyait les dimensions.
      Eddie ne se souvenait plus vraiment de pourquoi il était là, la tête brouillée par le cocktail de pilules qui lui avait servi de petit déjeuner. Mais une chose était sûr, il ne voulait pas rester dans cet endroit. Quelque pars dans son cœur, il se sentait appelé ailleurs par sa famille, sa lucidité juste suffisante pour qu'il se rappelle son existence. Il quitta alors le matelas de toutes façons bien trop dur pour être confortable, s'effondrant immédiatement au sol sous son propre poids que ses jambes n'arrivaient pas à supporter.
     Le jeune homme poussa un long cri de frustration, frappant le sol du poing à presque s'en fracasser la main. Il tira ensuite sur le bas de son tablier d'hôpital pour couvrir ses cuisses qui venaient de se dénuder lors de la chute, détestant plus ce vêtement hideux à chaque nouveau jour qu'il passait à le porter. Puis il s'éleva sur ses paumes, posant un genou après l'autre contre le carrelage froid, s'élevant sur sa jambe droite avant de tituber, se rattrapant de justesse contre le mur pour ne pas se retrouver une fois encore face contre terre. Eddie se maintint de cette façon pour s'avancer jusqu'à la porte, venant se planter devant en y frappant du plat de la main, regardant au travers de la vitre carrée disposée au niveau de son visage.

     - Venez m'ouvrir ! Faut que je sorte !

     Cette simple phrase avait donné la sensation au punk de s'arracher la gorge, mais il continua de frapper plus fort en observant les différents médecins passer devant lui dans le couloir sans même lui prêter attention. Eddie saisit la poignée et tira dessus, mais évidemment sa chambre était verrouillée. Il abattit son poing cette fois-ci fermé contre la vitre mais une fois encore il fût ignoré.

     - Sortez-moi de là putain ! Je dois retrouver ma famille !

     Il frappa si fort que la vitre commença à se fendre sous sa force étrangement efficace pour quelqu'un qui n'arrivait déjà pas à tenir debout. En voyant les dégâts que le jeune homme commençait à faire dans sa chambre, un des médecins ouvrit la porte en repoussant Eddie qui tomba le derrière contre le sol, reculant avec terreur en voyant l'homme approcher. Le garçon savait ce qui l'attendait, il l'avait déjà vécu lors de son premier internement.