Side by side with the Devil

Mains liées

     Eddie n'avait pas fermé l'œil de la nuit. A peine rentré, il s'était attelé à chercher toutes ses meilleures cassettes pour pouvoir aider Chrissy à s'évader dans les meilleures conditions, retournant sa chambre et le salon à la recherche des pépites dont il admettait bien vouloir se séparer pour le bien de quelqu'un d'autre. Sans pleurer. Il assortit tout dans son sac une fois sa petite collection bien préparée, puis il grimpa sur les coups de cinq heure et demi sur le toit de sa caravane pour se fumer son petit roulé du matin. Il apprécia longuement la vue tout en fumant tranquillement, le soleil grimpant par dessus les tuiles colorées des mobilhomes dispersés à travers le terrain et éclairant la grande coure d'une douce lumière matinale bleutée. C'est environ une demi-heure plus tard que son oncle débarqua avec sa voiture, se garant juste à côté du fourgon du jeune homme en face de la porte. L'homme grisonnant s'approcha jusque dans l'allée, s'arrêtant au milieu de celle-ci en venant utiliser sa main comme cache-soleil pour mieux voir son neveu perché tout là haut.

     - On peut savoir ce que tu fous sur le toit?
     - J'apprécie la vie j'ai pas le droit?
     - Toi t'apprécies la vie. Toi.
     - Tu dis pas ça comme ça merde, ça sonne vraiment mal.
     - Je dis juste que t'es plus du genre à pioncer la nuit jusqu'au jour d'après et que te voir matinal comme ça me surprend. Allez descends on prendre le café. Et surveilles ton langage.

     Eddie leva les yeux au ciel, se hissant jusqu'à la gouttière par laquelle il descendit avec la même facilité que lorsqu'il était monté. Il s'empressa de suivre son oncle à l'intérieur, se rendant à la cuisine pour préparer du café. Il lança au passage la radio, se rappelant que le plus vieux avait l'habitude de l'écouter avant d'aller se coucher. Il servit deux tasses et en posa une sur la petite table du salon à côté du canapé où était installé l'homme, restant lui debout à siroter sa boisson. 

     - Tu sens encore l'herbe Eddie.
     - Quand est-ce que je ne sens pas l'herbe?
     - Tu devrais baisser ta consommation, un jour ça va vraiment te tuer.
     - Ouais bah on en reparlera le jour où tu auras le droit de me donner des ordres. J'ai bientôt vingt ans et t'es pas mon père alors je n'ai rien à entendre de toi merci.

     L'oncle soupira, prenant une gorgée de son café brûlant tout en faisant attention de ne pas le renverser sous la vague que venait de provoquer Eddie en se jetant dans le canapé. Celui-ci s'affala de tout son long, sa tête rentrant ridiculement entre les épaules de sa veste. Wayne le regarda un moment, haussant un sourcil.

     - T'as les mêmes fringues qu'hier, t'as pas passé la soirée à la maison ou je me trompe?
     - C'est possible.
     - Tu es sorti vraiment? Ça ne t'était pas arrivé depuis un moment je suis content.
     - T'emballes pas. Je suis juste allé me bouger un peu.
     - Il y avait une fille?

     Le punk se crispa des orteils jusqu'au bout des cheveux, sentant la chaleur se rependre dans ses joues. Il en aurait renversé sur lui son café si il n'avait pas eu le réflexe de l'éloigner, s'étant tout de même à moitié étouffé dedans.

     - Wayne putain !
     - Mais quoi ! Depuis le temps que tu t'isoles ou que tu ne traînes qu'avec tes boutonneux, tu ne m'as jamais ramené de fille à la maison. Pourtant tu es beau, t'as du charme.
     - C'est pas ce qu'elles pensent crois-moi. Et j'ai pas besoin d'elles j'ai mes gars déjà.
     - Tu vas finir vieux garçon à ce rythme Eddie.
     - Bon cette conversation me gonfle j'vais me laver. On va éviter de sentir l'oignon dès le matin au lycée.
     - Vas mon n'veux. Vas.

     Eddie quitta le canapé en abandonnant sa tasse à moitié vide, faisant de son mieux pour ignorer le regard insistant de son oncle dans son dos. Il détestait qu'il se mêle de ses affaires, rêvant du jour où il pourrait gagner sa vie pour enfin aller habiter chez lui et non chez l'autre lourdingue.