Nouvelle perspective

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     La musique à fond les ballons dans les oreilles, Eddie baladait ses mains sur les piles de cassettes vidéos étendues dans l'étagère devant lui. Il en saisit une au hasard, commençant à lire le résumé au dos de la boîte pour essayer de se distraire un peu. Il soupira profondément, s'ennuyant un peu plus à chaque mot qui passait sous ses yeux. Jusqu'à ce qu'il se prenne une claque derrière la tête, le ramenant d'un coup à a réalité. Le punk retira son casque, lançant un sale regard à son ami qui venait de le déranger.

     - Doucement Harrington ! T'aurais pu m'interpeller au lieu de me frapper.
     - J'arrête pas figure-toi, t'entends juste rien avec ton casque. Range-moi ça avant que le patron te voit avec. Et bouge-toi un peu Munson il y a toute une caisse de cassettes à ranger.
     - Pourquoi tu les ranges pas toi-même?
     - Moi ça fait un an que je travaille dans ce vidéo-club. Toi ça fait quatre mois. Alors jusqu'à ce qu'on ait une nouvelle recrue, c'est toi le larbin. C'est la dure loi de la nature mon pote faut t-y faire. Allez au boulot.

     Steve tapota le dos de Eddie, l'abandonnant avec l'immense caisse à trier qu'il venait de lui apporter. Le jeune homme leva les yeux au ciel, rangeant son casque dans les larges poches de sa veste de travail et commençant à faire ce que son "supérieur" était venu lui demander. 
     Trouver ce boulot avec Harrington et sa pote Robin avait été une aubaine pour lui, il ne fallait pas qu'il s'en plaigne. Eddie s'était rendu compte à ses dépends que plus que dans le monde des ados, le monde des adultes était très juge des apparences et n'accordait que très peu sa chance à ceux dont le physique dénotait, ce qui était grandement le cas pour lui. Les cheveux longs, la mèche blanche, les tatouages, tout ça ne plaisait pas aux employeurs qui pendant deux mois avaient rejeté en boucle ses candidatures partout où il avait postulé. Heureusement pour lui, malgré ses réticences vis-à-vis de son passé de toxico dont il était bien au courant, Steve avait accepté de jouer du piston dans sa boîte et finalement avait réussi à faire embaucher Eddie. Ce n'était pas pour autant qu'ils étaient devenus les meilleurs amis du monde, mais le jeune homme n'était de toutes façons pas très à l'aise à la communication avec les gens de son âge. Ça n'avait rien de nouveau. Et puis Harrington restait intimidant malgré tout le bien qu'en disait Dustin.
     Ce n'était pas le boulot de sa vie, certainement pas. Il était loin de ses ambitions d'être rock star, ayant laissé derrière lui tout ses rêves pour remettre les pieds dans la réalité. Mais au moins le jeune homme ramenait de l'argent à la maison et pouvait ainsi conserver précieusement celui que Wayne et Maria avaient mit de côté pour lui, n'en ayant d'ailleurs absolument pas parlé à Chrissy pour éviter que ceci ne devienne un problème. Il espérait en réalité pouvoir utiliser cette somme pour un projet dont il n'aurait pas encore eu l'idée, espérant pouvoir se sortir de cette situation vaseuse d'ici quelques mois grâce à ça. Le nouveau rêve de Eddie, c'était de devenir son propre patron pour ne plus avoir personne qui lui dicterait sa vie. C'était probablement trop beau pour être réalisable, mais il essayait de s'accrocher à ça pour ne pas se perdre dans l'idée d'une carrière à l'avenir médiocre et sans débouchées comme celle qu'il avait actuellement.
     Après avoir rangé son stock, Eddie fût appelé au comptoir pour faire la caisse le temps que Steve et Robin se prennent une pause dehors pour fumer, ceux-ci présents à la boutique depuis plus d'heures que le punk. Il se mit alors à griffonner un dessin sur une vieille facture inutile, occupant encore une fois son temps pour éviter de trop s'ennuyer. Il ne se passait jamais rien dans ce foutu vidéo-club. Alors il dessina longuement, souriant à mesure que les traits se rapprochaient de ce qu'il avait voulu représenter. Il s'agissait du visage de Chrissy, celle-ci aussi souriante que le jour de leur rencontre. Il dessina autour d'elle tout un tas de fleurs et de petits grigris qui tous assemblés donnaient une jolie composition.
     La cloche sonna pour indiquer l'entrée d'un client, Eddie se redressant pour ne pas avoir l'air affalé, ce qu'il était. Il posa son crayon et replaça un peu sa veste, s'apprêtant à adopter une posture professionnelle. Qu'il abandonna dès l'instant où il vit qui venait de rentrer, offrant une expression de surprise à cette personne.

Side by side with the DevilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant