Side by side with the Devil

Plongeon

     Chrissy rouvrit les yeux lorsque les rayons du soleil se mirent à l'éblouir au travers de ses paupières. Elle fronça les sourcils de gêne, s'éveillant tout en maudissant l'astre qui l'avait fatalement ramené dans le monde réel. Celui où elle avait brisé le cœur de la personne qu'elle aimait le plus au monde, et le siens au passage. C'était inévitablement la première chose à laquelle elle avait pensé, ce souvenir raisonnant avec la peine qui lui écrasait si fort la poitrine. Elle soupira profondément pour essayer d'en chasser une partie, mais son buste restait toujours trop lourd à porter. Et pour la jeune fille, c'était de sa faut et uniquement de sa faute. Tout ce qu'elle espérait, c'était qu'un jour elle puisse passer à autre chose pour aller de l'avant. Mais ce jour n'était pas aujourd'hui.
     Elle ramena ses mains le long de son visage, tirant ses traits et frottant ses yeux pour essayer de s'éveiller un peu, n'ayant pourtant absolument pas envie de quitter ce lit qui la gardait protégée des horreurs de l'extérieur. La demoiselle roula sur le ventre, tirant sur sa couette qu'elle ramena au dessus de sa tête tout en se mettant en boule, enserrant un coussin rond qui passait fortuitement par là. Elle le pressa contre son abdomen, son corps se crispant tout entier alors qu'une nouvelle vague de sanglots l'étrangla. Elle ferma les yeux, sentant les accoues douloureuses dans son dos l'empêcher de respirer. Sa bouche s'étira tant qu'elle cru sentir ses lèvres craquer, le goût du sang entrant dans sa bouche et y rependant son goût ferreux. A ceci se joignit la saveur salée de ses larmes qu'elle pensait pourtant asséchées tant elle en avait produit la veille, mais il fallait croire qu'elle n'était pas encore à cours.
     Lorsqu'elle eut fini après de très longues minutes, elle se donna enfin le courage de s'élever du matelas et de poser ses pieds nus sur le sol froid de sa chambre. Elle étendit les bras devant elle, constatant qu'elle ne s'était pas débarrassée de sa jolie robe qu'elle avait mit la veille spécialement pour Eddie, ayant sans doute voulu garder un peu plus longtemps avec elle une partie de ses intentions pour lui. Mais maintenant, tout ça n'avait plus de sens. Alors elle balança le vêtement dans un coin de la pièce et enfila une grande chemise qu'elle avait volé à son père quelques années plus tôt, attachant ses cheveux dans un chignon désorganisé au dessus de sa tête qui laissait pendre bon nombre de mèches sur ses épaules. Mais elle se fichait de son aspect, ça lui était maintenant complètement égal d'être belle ou non.
     Chrissy descendit lentement les escaliers, sentant les marches l'une après l'autre passer sous ses appuis, puis elle s'arrêta un peu plus bas au niveau de la rambarde en apercevant sa mère assise dos à elle sur l'une des chaises du salon. La femme fumait, ce que la demoiselle ne l'avait encore jamais vu faire. Elle était silencieuse et statique, les cendres de sa cigarette grillant toutes seules sans qu'elle n'en aspire la moindre bouffée. 
     La pompom girl descendit les dernières marches, s'approchant lentement de cette femme horrible pour qui elle éprouvait tant de haine. Elle s'arrêta à côté d'elle, baissant les yeux vers son visage qu'elle vit regarder dans le vague, sa mère s'animant enfin pour inspirer une nouvelle bouffée de cigarette. Puis lorsqu'elle souffla, elle ajouta des mots à sa fumée.

     - Alors voila.. J'espère que tu es contente d'avoir ruiné mon mariage Chrissy..
     - Tu l'as ruiné toute seule ton mariage maman.
     - C'est sans doute vrai..
     - De toutes façons tu n'aimais même pas papa.
     - Il ne m'aimait probablement pas non plus. Mais je ne pensais pas que tu irais jusqu'à me poignarder de la sorte dans le dos.
     - Je n'aurais pas eu à le faire si tu ne t'étais pas montré aussi affreuse avec moi.

     Laura leva les yeux vers sa fille, troublée par le ton froid qu'elle employait avec elle. Elle écrasa sa cigarette dans le cendrier sur la table, se levant ensuite pour faire face à Chrissy et qu'elle se sente d'égale à égale. Et elle répondit cyniquement.