Chapitre 28

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— C'est hors de question !

— Vous ne pouvez pas envisager sérieusement cette idée !

— Il est l'un des leurs ! Pourquoi vous le défendez ?

Les protestations s'élèvent de toutes parts et naviguent de surnaturel en surnaturel. Debout en haut des marches du premier étage, Allan, nos défenseurs et moi affrontons la colère et la révolte des hôtes de mon père. Leurs visages transpirent l'incompréhension et la rage, mélange détonnant qui pousse un bon nombre d'entre eux à tenter une percée dans la troupe de soldats à nos devants. La milice fait tout pour les éloigner, tandis que mon père et d'autres essayent de ramener le calme dans la population.

Notre tentative de faire accepter Allan est un échec. Si les habitants m'écoutaient plus ou moins avec attention au début, à peine ai-je prononcé le nom de mon lié qu'un immense tollé l'a accueilli. Tout le monde, s'il ne l'a pas vu, a entendu parler de ses méfaits. Et si avant ça certains se méfiaient déjà de lui, à cause de sa nature hors norme, cette fois ils désirent le fuir comme la peste ou le voir mort.

D'aucun ne souffre sa présence non plus : quand je lui ai fait signe de sortir d'une alcôve et qu'il s'est avancé jusqu'à moi, beaucoup de regards se sont détournés. Comme si le simple fait de l'avoir en face d'eux allait les pétrifier sur place ou les faire tomber raide mort.

Cela fait maintenant quinze minutes qu'Allan a quitté l'ombre et les clameurs ne semblent pas s'affaiblir.

— Comment osez-vous tolérer sa présence ? Après tout ce qu'il a fait !

— Chassez-le ! Il n'a apporté que malheur et désolation !

— On aurait dû le tuer dès le début !

— Oui, rien de tout cela ne serait arrivé, si nous l'avions tué !

Une fureur sans nom me gagne alors que ces menaces plus explicites montent jusqu'à moi. Ce ne sont que des imbéciles. Ils se focalisent sur le mauvais coupable et oublient complètement la réalité et les raisons qui ont pu entraîner Allan dans le camp adverse. Ne comprennent-ils donc pas qu'ils s'aveuglent à cause de leur peur ? Qu'ils recherchent une façon rapide, mais injuste de l'exorciser ?

Mes prunelles affligées échouent dans celles distantes de mon lié. Il ne l'admettra jamais, mais ce rejet unanime le blesse. Il reste l'air grave et les traits lisses, cependant je lis en lui et ressens toute la culpabilité et toute la détresse qu'il refoule. Il a le sentiment qu'il ne trouvera jamais sa place : parmi les humains, il se sentait en décalage, et à présent parmi les surnaturels, il est traité comme un monstre...

Ma main part à la rencontre de la sienne, s'enroule sur sa paume froide avant que j'entrelace nos doigts. C'est le seul moyen que j'ai dans l'immédiat pour lui témoigner mon soutien et mon amour indéfectibles, pendant que quelques chefs et Necahual s'égosillent aussi forts que nos hôtes.

— Calmez-vous ! Vous vous trompez de cible, répète encore mon père avec de grands gestes d'apaisement. Allan est des nôtres !

— Non ! C'est un envoyé de Jarlath, un sbire ! Il nous tuera tous à la première occasion !

— Comment peux-tu accepter qu'il se tienne si près de toi, Necahual ? de ta fille ?

Les doigts de mon lié tentent de s'extraire des miens, mais je les serre plus vivement. Je ne cèderai pas devant leur bêtise et méconnaissance. Je sais qui est Allan, pas eux.

— Il a tué nos amis ! Des frères, des sœurs, s'exclame une autre voix courroucée. Il est dangereux !

— Si vous le protégez, vous ne valez pas mieux que lui !

Anien Don II - En Eaux TroublesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant