Chapitre 15

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— Tu peux compter sur moi, Eleuia, m'assure une nouvelle fois Richard alors que nous quittons la salle de verre. Tu as su nous rappeler nos priorités, il faut nous concentrer là-dessus et tout faire pour que ton plan fonctionne.

— Merci, Richard. Ta confiance et ta loyauté sont inestimables.

Je serre la main qu'il me tend en lui décochant un sourire franc. Ses traits sont marqués par sa volonté à faire plier nos ennemis et à me suivre jusqu'au bout, ce qui déloge un autre nœud dans mon estomac.

— Repose-toi bien, reprends-je sur un ton appuyé. Tu vas en avoir besoin.

— Comme tout le monde ici, affirme-t-il en se tournant vers l'aile de ses quartiers. Tâche d'appliquer ce conseil à ta propre personne, Eleuia !

Je soupire tandis qu'une partie de moi hurle son accord en silence. Le conseil s'est éternisé une heure de plus durant laquelle plusieurs stratégies ont été évoquées afin d'atteindre notre but ultime : éliminer Jarlath. De nouveaux éclaireurs sont partis sur la trace ennemie depuis une demi-heure pour localiser les troupes et nous prévenir de leur avancée et plan. Mais en attendant ces informations précieuses, je ne peux pas me permettre de prendre un temps de repos. Pas encore. Il y a des soldats à rafistoler, des personnes à rassurer, des morts à consacrer et des réparations à effectuer.

D'ici quelques heures, d'autres clans vont se joindre à nous et fournir de nouvelles armes et ressources. Il faudra les accueillir, tenir un nouveau conseil pour revoir avec eux nos plans et le déploiement martial disponible en ajoutant nos effectifs vaillants aux leurs, etc. Ils devront également se restaurer avant que nous partions à la poursuite de Jarlath... En clair, je ne suis pas près d'aller dormir, il y a peu de chances que je trouve un créneau pour ne serait-ce que m'assoupir avant la reprise des combats.

Ce ne serait pas la première fois.

C'est vrai. En temps de guerre, je suis une habituée des longues veilles. Je passe et repasse dans ma tête l'enchaînement des différents scénarii élaborés et m'exerce sans arrêt. Lutte à l'épée, séances de tir, manipulation des éléments, combat à mains nues... Toutes les tactiques sont bonnes à prendre et servent avec des enjeux pareils.

Après avoir salué une dernière fois Richard, je réfléchis à ce que je dois faire en premier lieu et où je serai la plus utile, lorsque la voix de Gillian m'apostrophe dans mon dos. Elle sort de la pièce désormais vide, mon père sur ses talons, et m'adresse un regard mi-inquiet, mi-troublé au moment où j'offre mon visage à sa vue.

— Tu as encore une tête à faire peur, me glisse-t-elle en s'arrêtant tout près de moi. Une toilette de chat faite à la va-vite ne suffit pas.

— Tu devrais aller te laver, acquiesce mon père, ses billes sombres rivées aux miennes. Ça te ferait du bien.

— Je n'ai pas le temps de prendre une douche. Je dois plutôt aller aider à remettre quelques membres en place dans les infirmeries..., répliqué-je en imaginant le carnage qui se joue là-bas.

— Tu risques de les effrayer si tu débarques ainsi, m'avertit la sorcière, les sourcils froncés. Et je doute qu'ils aient besoin de ça.

— Un peu de sang n'a jamais traumatisé les soldats, fais-je les yeux au ciel. Ils s'en remettront.

— Il ne s'agit pas d'un peu de sang, mais de litres, Ele !

— Carrie fait pâle figure face à toi, maia gijia, ajoute Necahual sur un ton que je peine à déchiffrer.

Je me renfrogne. La fascination de mon père pour les films d'horreur m'a toujours laissée perplexe, n'y trouvant aucune finesse ni aucun réel intérêt – sans parler du manque cruel de réalisme... Alors être comparée à l'une de leurs absurdes créatures de pseudo épouvante me déplaît et me hérisse.

Anien Don II - En Eaux TroublesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant